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Goethe, les Souffrances du jeune Werther (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Goethe, les Souffrances du jeune Werther (extrait). Dans les lettres qu'il adresse à son unique correspondant, Werther confesse les progrès de sa passion pour Charlotte et les tourments de la désillusion. À l'automne, saison éminemment mélancolique, le désespoir envahit Werther dont la sentimentalité pourtant se complaît dans la douleur, et le dessein de mettre fin à ses jours est de plus en plus clairement exprimé. Après un été passé dans les délices d'un amour impossible, l'hiver approche qui sera celui de Werther. Les Souffrances du jeune Werther de Johann Wolfgang von Goethe (Lettre du 3 novembre) Dieu le sait ! Je me mets souvent au lit avec le désir, parfois même avec l'espoir de ne pas me réveiller : et le matin, en ouvrant les yeux, je revois le soleil et je me sens misérable. Ah ! que ne puis-je avoir l'humeur fantasque, rejeter la faute sur le temps, sur un tiers, sur l'échec d'une entreprise ! Alors l'insupportable fardeau d'une vie vécue à contrecoeur ne reposerait du moins qu'à demi sur moi. Malheur à moi ! Je ne le sens que trop, c'est à moi qu'incombe toute la faute... La faute ? Non. C'est bien assez qu'en moi se trouve cachée la source de toute misère, comme jadis la source de toute félicité. Ne suis-je donc plus le même, ne suis-je plus celui qui jadis planait dans toute la plénitude du sentiment, qui voyait sur chacun de ses pas surgir un paradis, qui avait un coeur assez riche d'amour pour étreindre tout un monde ? Et ce coeur à présent est mort, nul ravissement ne s'en épanche plus ; mes yeux sont desséchés, mes sens ne sont plus réconfortés par des larmes rafraîchissantes et mon front se contracte d'angoisse. Je souffre beaucoup, car j'ai perdu les seules délices de mon coeur, la sainte force de vie qui me permettait de créer des mondes autour de moi ; elle m'a fui. Quand de ma fenêtre je porte mes regards vers la colline lointaine et vois au-dessus d'elle le soleil du matin transpercer la brume et son éclat descendre sur les prairies paisibles, quand je vois le calme fleuve serpenter jusqu'à moi entre ses saules sans feuillage, oh ! quand cette magnifique nature s'étend devant moi aussi glacée qu'une image sous son vernis, sans que toutes ces délices puissent faire monter de mon coeur à mon cerveau une seule goutte de félicité ; quand tout mon être devant la face de Dieu reste semblable à une source tarie, à un seau d'où l'eau a fui, souvent alors je me suis jeté à terre et j'ai demandé à Dieu des larmes, comme un paysan la pluie, quand au-dessus de lui le ciel est d'airain et qu'autour de lui la terre se consume de soif. Mais hélas, je le sens, Dieu n'accorde à nos prières impétueuses ni pluie ni soleil, et ces temps dont le souvenir me torture, pourquoi furent-ils si heureux, sinon parce que j'attendais avec patience que son esprit soufflât et mon coeur tout entier recueillait ainsi avec une profonde reconnaissance la félicité qu'il répandait sur moi. Source : Goethe (Johann Wolfgang von), les Souffrances du jeune Werther, Paris, Garnier-Flammarion, 1976. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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