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Gogol, le Revizor (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Gogol, le Revizor (extrait). Contant les aventures d'un godelureau qu'un quiproquo fait prendre pour l'Inspecteur général de l'administration provinciale et prenant pour cible les « vices « et les agissements de la bureaucratie russe où les « pots-de-vin « et la forfanterie sont de rigueur, cette comédie en cinq actes déclenche les polémiques à sa création. La peinture des notables cherchant par tous les moyens à séduire le « faux Revizor « qui se prend au jeu et à « réparer leurs péchés « -- en particulier le gouverneur et sa famille que la mégalomanie finira par prendre à son piège -- souligne en effet la prégnance du mensonge dans toute organisation sociale. Le Revizor de Nikolaï Gogol (scène 1) SCÈNE 1 Le gouverneur, Anna Andreievna et Maria Antonovna. LE GOUVERNEUR Alors, Anna Andreievna, t'en serais-tu jamais doutée ? Crénom, c'est une chance ! Allons, avoue-le franchement : tu n'aurais même jamais rêvé chose pareille ! Tu étais simplement la femme d'un quelconque gouverneur, et soudain... hop ! te voilà apparentée avec les grands de ce monde. ANNA ANDREIEVNA Pas du tout, je le savais depuis longtemps ! Évidemment, toi, cela t'étonne mais c'est que tu es un homme simple, qui n'a jamais vu de gens comme il faut. LE GOUVERNEUR Je suis moi-même, petite mère, un homme comme il faut. Pourtant, c'est égal, quand on y réfléchit, Anna Andreievna, quels drôles d'oiseaux nous sommes devenus, tous les deux ! Hein, Anna Andreievna, nous volons très haut, que le diable nous emporte ! Et attends un peu, je vais bien les traiter, maintenant, tous ces porteurs de suppliques et de dénonciations ! Eh, là-bas, quelqu'un ! (Entre un agent.) Ah, c'est toi, Ivan Karpovitch. Appelle les marchands, frère ! Ah, les canailles ! Je leur apprendrai à se plaindre de moi ! Ah, cette juiverie ! Attendez un peu, mes colombes ! Je vous en ai fait avaler jusqu'à la moustache ; maintenant ce sera jusqu'à la barbe. Tu inscriras les noms de tous ceux qui sont venus se plaindre, et particulièrement des écrivailleurs qui ont troussé leurs requêtes ! Et annonce-leur à tous, afin que tous le sachent, l'honneur que Dieu a bien voulu accorder au gouverneur : le gouverneur donne sa fille en mariage, et non pas à un homme quelconque, mais à un homme comme il n'en a encore jamais existé dans le monde, un homme qui peut faire tout ce qu'il veut, tout ce qu'il veut, tout ce qu'il veut ! Annonce-le à tous, afin que tous le sachent ! Criele au peuple entier, et que les cloches le crient à leur tour, le diable m'emporte ! Si déjà joie il y a, que ce soit une joie totale ! (L'agent sort.) Eh bien, Anna Andreievna, où allons-nous vivre, à présent ? Ici, ou à Péter ? ANNA ANDREIEVNA À Pétersbourg, naturellement ! Comment veux-tu que nous restions ici ? LE GOUVERNEUR À Péter ? Eh bien, va pour Péter... Quoique nous pourrions tout aussi bien rester ici. Quoi qu'il en soit, au diable les fonctions de gouverneur ! Hein, Anna Andreievna ? ANNA ANDREIEVNA Naturellement ! Il s'agit bien des fonctions de gouverneur ! LE GOUVERNEUR Je pourrais même -- qu'en penses-tu, Anna Andreievna ? -- décrocher maintenant un très haut grade. Car n'est-ce pas, il est à tu et à toi avec tous les ministres, il va à la cour quand bon lui semble ; et c'est bien pourquoi il pourrait faire qu'avec le temps je me hisse au grade de général. Qu'en penses-tu, Anna Andreievna ? Peut-on se hisser au grade de général ? ANNA ANDREIEVNA Bien sûr, pourquoi ne le pourrait-on pas ? LE GOUVERNEUR Ah, diable, qu'il ferait bon être général ! Se passer le cordon de chevalier sur l'épaule ! Quel cordon vaut le mieux, Anna Andreievna ? Le rouge ou le bleu ? ANNA ANDREIEVNA Le bleu, naturellement ! LE GOUVERNEUR Ah, c'est du bleu qu'elle a envie ! Mais le rouge n'est pas mal non plus. Car enfin, pourquoi voudrais-tu être général ? Parce que si, d'aventure, tu entreprends quelque voyage, les aides-de-camp et les adjudants galopent devant toi, en criant : « Des chevaux, des chevaux ! « Et aux étapes, toujours servi le premier ! Tout le monde attend, personne n'a rien ; ces conseillers titulaires, ces capitaines, ces gouverneurs... Et toi, tu t'en fiches, tu as ce qu'il te faut, tu passes ! Puis tu dînes quelque part chez l'intendant général, et là le gouverneur fait le pied de grue ! Ha, ha, ha ! (Il se tord de rire.) Voilà ce qui me séduit, crénom ! ANNA ANDREIEVNA Tu n'aimes que ce qui est grossier ! Tu devrais pourtant savoir que maintenant il faut entièrement changer ton genre de vie, et que tes relations ne seront plus ces juges amateurs de chiens avec lesquels tu courais le lièvre, ni des Ziemlianika ! Non, ce seront au contraire des personnes très fines, très cultivées : des comtes, rien que des gens du monde !... Seulement, je l'avoue, j'ai peur pour toi : tu lâches parfois des mots que jamais dans une bonne société il n'est donné d'entendre. LE GOUVERNEUR Quoi, un mot ne peut pas faire de mal ! ANNA ANDREIEVNA Non, quand tu étais gouverneur ; mais là-bas, voyons, la vie sera toute différente. LE GOUVERNEUR C'est vrai ; on dit qu'il y a là-bas deux espèces de petits poissons tels que l'eau vous vient à la bouche rien qu'à les regarder : les murènes et les éperlans. ANNA ANDREIEVNA Il ne pense qu'aux poissons, lui. Et moi, je ne veux qu'une seule chose : que notre maison soit la première de la capitale, et que dans ma chambre le parfum de l'ambre soit si prenant que l'on ne puisse y entrer sans cligner des paupières ! Elle cligne des paupières et renifle. Ah, que c'est bon ! Source : Gogol (Nikolaï), le Revizor, trad. par Arthur Adamov, Paris, Garnier-Flammarion, 1988. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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« ANNA ANDREIEVNA Tu n’aimes que ce qui est grossier ! Tu devrais pourtant savoir que maintenant il faut entièrement changer ton genre de vie, et que tes relations ne seront plus ces juges amateurs de chiens avec lesquels tu courais le lièvre, ni des Ziemlianika ! Non, ce seront au contraire des personnes très fines, très cultivées : des comtes, rien que des gens du monde !… Seulement, je l’avoue, j’ai peur pour toi : tu lâches parfois des mots que jamais dans une bonne société il n’est donné d’entendre. LE GOUVERNEUR Quoi, un mot ne peut pas faire de mal ! ANNA ANDREIEVNA Non, quand tu étais gouverneur ; mais là-bas, voyons, la vie sera toute différente. LE GOUVERNEUR C’est vrai ; on dit qu’il y a là-bas deux espèces de petits poissons tels que l’eau vous vient à la bouche rien qu’à les regarder : les murènes et les éperlans. ANNA ANDREIEVNA Il ne pense qu’aux poissons, lui.

Et moi, je ne veux qu’une seule chose : que notre maison soit la première de la capitale, et que dans ma chambre le parfum de l’ambre soit si prenant que l’on ne puisse y entrer sans cligner des paupières ! Elle cligne des paupières et renifle. Ah, que c’est bon ! Source : Gogol (Nikolaï), le Revizor, trad.

par Arthur Adamov, Paris, Garnier-Flammarion, 1988. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation.

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