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Guerre Mondiale

Publié le 27/02/2008

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II)    La ténacité des combattants en question

 

            Pour comprendre la ténacité, encore faut-il savoir dans quel état d'esprit les combattants et les non-combattants sont entrés en guerre. Pour cela, attention : il faut prendre soin de distinguer les manifestations d'enthousiasme chauvines et souvent bruyantes des grandes villes, de la silencieuse résolution des campagnes à défendre la patrie perçue en danger.

            Très vite s'établit un consensus favorable à la guerre : à cet état d'esprit, on donna rapidement un nom : l'« Union sacrée ». Cela désigne la fin des hostilités entre les adversaires du temps de paix (les hommes d'Église contre les représentants de l'État, les syndicats contre les patrons, les adversaires politiques, etc.) Toutes les tensions ont été mises entre parenthèses : le pays s'est rassemblé pour faire face à l'attaque allemande. Mais cette union sacrée a rapidement été mise à l'épreuve par l'enlisement du conflit. Comment expliquer dès lors la ténacité des individus et des sociétés, à l'arrière et au front ?

●         A l'arrière : l'effritement de l'Union sacrée

 

            Les autorités politiques et militaires tentent de contrôler le moral de la population (censure, contrôle postal). Pourtant, à l'arrière, l'Union sacrée va progressivement s'effriter avec la dégradation des conditions de vie (voir groupe 3). La hausse progressive des prix réduit beaucoup le pouvoir d'achat des civils, notamment à partir de 1916. Cette hausse des prix aggravait les conditions de vie des familles, déjà privées du salaire des hommes partis au front. Devant ces conditions de vie difficiles, le mécontentement social grandit, notamment chez les ouvriers.

Le premier chiffre indique le nombre de grèves, le second chiffre le nombre de grévistes

1913

1914

1915

1916

1917

1918

France

1073

220 000

690

162 000

98

9 000

314

41 000

697

294 000

499

176 000

Grande-Btagne

1459

664 000

972

447 000

672

448 000

532

276 000

730

872 000

1165

1 116 000

Allemagne

2127

266 000

1115

61 000

137

14 000

240

129 000

561

667 000

531

392 000

Russie

2404

887 000

3534

1 337 000

928

539 000

1410

1 086 000

1938

Tiré de M. Ferro, La Grande Guerre. 1914-1918, Paris, Gallimard, 1969, pp. 306.

            D'après ce tableau, les grèves, moins importantes en 1914 (climat d'Union sacrée) augmentent tout au long de la guerre pour atteindre leur paroxysme en 1917 et ce, dans tous les pays. Le mécontentement grandit.

Sur le plan politique, les oppositions refont surface entre ceux qui veulent que la guerre continue jusqu'au bout et ceux qui tiennent un discours plus pacifiste, les socialistes français notamment, qui se démarquent clairement de la politique du gouvernement à partir de 1917.

            1917 est donc une année de crise, tant pour la population, qui multiplie les grèves, que pour les dirigeants, qui envisage la paix.

●         Au front : un faisceau de facteurs permettant de tenir

Les combattants étaient bien sûr patriotes – ils étaient surtout attachés à leur « petite patrie » : leur région, leur village – mais leur patriotisme n'est pas le facteur le plus important de leur ténacité. Dans des conditions de vie très pénibles et avec un conflit qui s'éternise, rares sont les combattants à tenir par patriotisme.

Résumé de l'intervention du groupe sur le rapport à l'ennemi : pour travailler sur ce sujet, il est très important de replacer les choses dans leur contexte. Les soldats détestaient-ils l'ennemi ? Cela dépend :

-         de la position (les fantassins sont plus au contact de l'ennemi que les artilleurs)

-         des circonstances : dans un bombardement, les soldats en veulent à l'ennemi ; lorsqu'un combattant perd un camarade aussi ; lorsque les combattants arrivent face à un ennemi blessé, ils le secourent plus souvent qu'ils ne l'achèvent ; lorsque les tranchées sont peu éloignées l'une de l'autre, Allemands et Français mettent en place de ententes tacites (où ils évitent de se tirer dessus) ; ils vont parfois jusqu'à communiquer, s'interpeller, s'envoyer des objets, des journaux, et, quelquefois, fraterniser.

La haine est, comme le patriotisme, un facteur qui a pu permettre à certains combattants de tenir, mais il ne pèse généralement pas beaucoup.

 D'autres facteurs doivent être envisagés pour vraiment comprendre cette ténacité.

Rappelons que, déjà, le soldat n'est pas libre de tenir ou de ne pas tenir. Il est encadré, commandé par des officiers. Donc s'il tient, d'abord, c'est parce qu'il n'a pas le choix. Il ne peut pas vraiment faire autrement. Il doit obéir. Il est donc important de s'interroger sur son encadrement :

qu'est-ce que commander pendant la Grande Guerre ?

Il existe une contrainte militaire : le rôle du chef est ainsi de maintenir la discipline et de faire appliquer les ordres. Pour cela, ils disposent de plusieurs moyens : ils peuvent les menacer de leur revolver ; ils peuvent les faire fusiller ; ils peuvent essayer d'avoir leur confiance en donnant l'exemple, en vivant avec eux. Si leur marge de manœuvre est limitée face à la hiérarchie, certains refusèrent d'appliquer des ordres qu'ils jugeaient absurdes ou criminels, ouvertement (en risquant des sanctions) ou en rusant (en faisant croire que l'ordre a été appliqué)

Il existe donc un système de contrainte qui limite le choix du soldat (« tenir » ou « ne pas tenir »). Mais la contrainte est aussi sociale. D'abord, ne sous-estimons pas la force de l'habitude d'obéir.

De plus, les soldats vivent en permanence sous le regard des autres, celui des camarades en particulier : tenir sous le regard des autres, c'est obéir à certaines règles de comportement : il faut garder la face. Toute attitude non-conforme au courage viril est sanctionnée : Barthas, un soldat rapporte que tel soldat qui se plaignait d'une douleur est traité de « femmelette » et provoque les moqueries et les rires de ses camarades. Les larmes sont refoulées. Un homme, ça ne pleure pas. Tout cela aide à tenir.

Mais il y a une autre raison qui explique aussi cette ténacité, c'est la mise en place par les combattants confrontés à des conditions de vie très pénibles de stratégies de survie : il s'agit là de toutes les stratégies individuelles et collectives déployées par les combattants afin d’éviter, d’abréger ou de faire cesser leur confrontation avec la violence de la guerre.

Résumé de l'intervention du groupe 6 : comment échapper à la violence de guerre ?

Il existe de nombreuses stratégies d'évitement : on peut se porter volontaire pour des stages de formation (15 jours pour apprendre à utiliser la mitrailleuse, c'est 15 jours en moins dans les tranchées), pour des armes moins exposées (l'artillerie, moins exposée que l'infanterie) ; on peut rechercher le « filon », le poste le moins exposé, la « fine blessure » - celle qui permettra de rester de longs mois à l'arrière à se rétablir et ne sera pas trop handicapante.

Certaines stratégies sont plus risquées que d'autres : la désertion (risque d'être fusillé, de déshonorer les siens) et l'automutilation (en plus de la blessure elle-même, les autorités militaires étaient particulièrement sévères s'ils parvenaient à prouver que la blessure était volontaire (passible de la peine de mort).

Si tous les soldats cherchent à se soustraire à la violence du front, ils nourrissent beaucoup d'amertume à l'égard des « embusqués », ceux qui y sont parvenus, à la fois enviés et détestés. Ce qui nous rappelle que les combattants vivent et combattent sous le regard des autres.

A ces conditions de ténacité évoquées plus haut (le patriotisme, le sens du devoir, la contrainte militaire, le regard de l'autre, la recherche d'échappatoires), il faudrait également ajouter le rôle important du vin : l'alcool est en effet un puissant moyen de pallier au cafard et à l'angoisse.

 

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