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Horváth, Casimir et Caroline (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Horváth, Casimir et Caroline (extrait). Poursuivant le programme théâtral qu'il a entamé dans les Histoires de la forêt viennoise, Horváth, dans sa volonté de rompre avec l'illusionnisme et d'analyser au mieux -- c'est-à-dire cyniquement -- les travers de la société, met en scène la dégradation sociale générale dont le couple est la représentation au quotidien. Dans une atmosphère de kermesse où tout un peuple vient s'étourdir, Casimir et Caroline se déchirent et s'engluent dans leurs reproches d'incompris. Car l'amour est impossible à rêver et à vivre pour une femme dont le statut social, en ce début du XXe siècle autrichien, est celui d'être écrasée par l'homme qu'elle aime. Casimir et Caroline d'Ödön von Horváth (scène 17) CASIMIR, s'approchant lentement de Caroline, s'immobilisant devant elle. -- Je t'ai demandé tout à l'heure ce que tu entendais par : éventuellement nous ne serions pas faits l'un pour l'autre. Et tu as dit : éventuellement. Tu l'as dit. CAROLINE. -- Et toi tu as dit que je te quittais parce qu'on t'avait renvoyé ! C'est une offense sans nom. Une femme de valeur s'attache encore plus à son homme quand il est dans le malheur, quand il a des ennuis. CASIMIR. -- Et toi, tu es une femme de valeur ? CAROLINE. -- À toi de savoir. CASIMIR. -- Et maintenant, tu es encore plus attachée à moi ? Caroline garde le silence. Il faut que tu me donnes une réponse, maintenant. CAROLINE. -- Je ne peux pas te donner de réponse. Tu dois le sentir. Un silence. CASIMIR. -- Pourquoi tu mens ? CAROLINE. -- Je ne mens pas. CASIMIR. -- Si. De façon éhontée. Un silence. CAROLINE. -- Quand est-ce que je t'aurais menti ? CASIMIR. -- Tout à l'heure. Tu as dit que tu connaissais ce monsieur depuis longtemps. Depuis longtemps, tu as dit. Alors que tu viens de le rencontrer à la foire. Pourquoi m'as-tu menti ? Un silence. CAROLINE. -- Parce que j'étais très énervée. CASIMIR. -- Ce n'est pas une raison, ça. CAROLINE. -- Pour une femme, peut-être que si. CASIMIR. -- Non. Un silence. CAROLINE. -- Je voulais simplement manger une glace... et puis après, nous avons parlé du Zeppelin. D'habitude, tu n'es pas mesquin à ce point. CASIMIR. -- Mais ça, j'ai du mal à l'avaler. CAROLINE. -- J'avais envie de faire un Grand-Huit, c'est tout... Un silence. CASIMIR. -- Si tu avais dit : mon cher Casimir, j'aimerais faire un Grand-Huit, j'en ai tellement envie -- alors Casimir il t'aurait dit : va, vas-y donc, sur ton Grand-Huit ! CAROLINE. -- Ca ne te ressemble pas cette grandeur d'âme ! CASIMIR. -- Vas-y, crache ta bile. Qui c'est ce type ? CAROLINE. -- C'est un homme cultivé. Un tailleur-coupeur. Un silence. CASIMIR. -- Ainsi donc tu penses qu'un tailleur est quelqu'un de plus cultivé qu'un chauffeur ? CAROLINE. -- Arrête d'être tout le temps de mauvaise foi ! CASIMIR. -- Je te laisse ce soin ! Je constate que tu m'as menti, et sans raison encore ! Allez, du balai, toi et monsieur ton tailleur si cultivé ! Comme joli coeur, évidemment, ça fait plus chic qu'un pauvre diable qui a été renvoyé la veille ! CAROLINE. -- Sous prétexte que tu as été renvoyé, il faudrait peut-être que je passe ma vie à me lamenter ? Tu es vraiment jaloux du moindre plaisir qu'on puisse avoir, sale égoïste ! CASIMIR. -- Égoïste, moi ? Et depuis quand ? Mais je ris, franchement ! Il ne s'agit pas de ton Grand-Huit, pas le moins du monde, il s'agit de ton comportement inqualifiable, à savoir que tu m'as menti ! TABLIET. -- Excusez-moi -- FRANÇOIS MARQUE, l'interrompant. -- Tu vas fermer ta gueule, toi, à la fin ? ! Débarrasse-moi le plancher, tu entends ! Tire-toi, je te dis ! CASIMIR. -- Laisse tomber, François ! Ils vont très bien ensemble, ces deux-là. À Caroline. Fais-toi tailler une traîne. Traînée ! Un silence. CAROLINE. -- Qu'est-ce que tu viens de dire, là ? FRANÇOIS MARQUE. -- Ce qu'il vient de dire ? Traînée. Putain, en d'autres termes. TABLIET. -- Venez, Mademoiselle ! CAROLINE. -- D'accord. Maintenant, je viens... Elle sort avec Tabliet. Source : Horváth (Ödön von), Casimir et Caroline, in Théâtre 1, trad. par B. Kreiss, H. Christophe et S. Muller, Paris, Christian Bourgois, 1988. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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