Jean Tardieu Un mot pour un autre - La Communication

 Quels sont les aspects du langage et de la communication sur lesquels Jean Tardieu nous invite à réfléchir ?

            « Un mot pour un autre » est une pièce de théâtre écrite par Jean Tardieu, dans laquelle les personnages, issus de classes fortunées, sont atteints d’une étrange maladie : ils prennent les mots les uns pour les autres. Le texte est ambivalent, à la fois déconcertant mais compréhensible. Au-delà du simple exercice de style, l’auteur veut nous faire réfléchir sur différents aspects de la communication et certaines valeurs que peut transmettre le langage.

            Au premier abord, le texte paraît difficile à décrypter : Jean Tardieu a substitué le mot correct par un autre n’ayant pour la plupart du temps rien à voir. Les pronoms, les adverbes, les verbes être et avoir ont été conservés et le reste a été remplacé (autres verbes, substantifs et adjectifs). L’auteur nous amène donc dans un premier temps à réfléchir sur la communication : pour se comprendre, il faut normalement utiliser un code commun à l’interlocuteur.

            Pourtant, le sens global du texte de Tardieu ne peut échapper à un lecteur « averti ». Les didascalies, nombreuses, fournissent en effet la situation de communication et les indications scéniques, l’attitude des personnages en particulier, qui donnent au texte toute sa cohérence. De plus, la situation étant classique (nous avons affaire à une comédie de Boulevard avec les intrigues qui lui sont attachées), les phrases prononcées sont à la fois prévisibles et stéréotypées. C’est aussi et surtout à l’extérieur même de la parole, du discours direct, que les personnages arrivent donc à communiquer les uns les autres et à se faire comprendre du spectateur. Au final, les substitutions continues ne gênent pas l’accès au sens. L’on en vient à s’interroger sur le fonctionnement du langage.

Grâce à la gestuelle des personnages et à la compréhension des phrases par le stéréotype, Tardieu nous amène aussi à réfléchir sur les protagonistes, issus de milieux sociaux élevés : c’est une partie de la société où l’apparence est reine. L’écrivain met également l’accent sur le fait que « nous parlons souvent pour ne rien dire » : les protagonistes n’abusent-ils pas d’un verbiage inutile la plupart du temps ? « Et si nous avons quelque chose à dire, nous pouvons le dire de mille façons différentes », souligne l’auteur. Les mots détournés ne prennent-ils pas, avec à l’appui gestes, expressions du corps, intonations, les sens que l’on veut leur donner et qu’aucun dictionnaire ne leur attribuerait !

            Dans ce texte apparemment incohérent et parfaitement indéchiffrable sans contextualisation aucune, le lecteur (spectateur) assiste à un tour de magie de la communication où les fonctions phatique et conative du langage semblent prendre un place essentielle.