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KOSOVO

Publié le 07/05/2014

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Le Kosovo (dont le nom officiel est Kosovo-Metohija) est une province autonome de la République de Serbie, laquelle constitue depuis 1992, avec le Monténégro, la République fédérale de Yougoslavie (RFY). Il avait déjà ce statut, depuis 1945, dans l'ancienne Yougoslavie. Son nom, abréviation de l'expression serbe kosovo polje, « plaine ou champ des merles «, était à l'origine celui du lieu où, le 28 juin 1389, l'armée ottomane avait défait les Serbes et leurs alliés. Par extension, il a désigné la totalité de la plaine, puis toute la région. Celle-ci comprend une seconde plaine, la Metohija, ainsi que des montagnes qui les séparent et les entourent. Mythes mobilisateurs. Le Kosovo représente un enjeu de premier ordre entre les nationalismes serbe et albanais. Les Serbes y situent le berceau de leur nation et leurs racines spirituelles : la région constituait aux xiiie-xive siècles, avant d'être incorporée à l'Empire ottoman, le coeur du royaume serbe de la dynastie Nemanjic et garde de cette époque un important patrimoine de monastères orthodoxes. Un mythe national du Kosovo, aux fortes vertus mobilisatrices, a été construit sur les idées d'âge d'or, de défaite, de reconquête. Les Albanais sont, eux, attachés au Kosovo, entre autres, parce qu'ils considèrent la Ligue de Prizren (1878-1881, formée pour résister à la cession au Monténégro de territoires peuplés d'Albanais, décidée par le congrès de Berlin de 1878) comme le point de départ de leur mouvement national, qui aboutit à l'indépendance de l'Albanie. Ils sont majoritaires dans la province. La question du Kosovo est posée dans ses termes actuels depuis la conférence de Londres (30 mai 1913). Les mois précédents, au cours de la première guerre balkanique, la Serbie, le Monténégro, la Grèce et la Bulgarie coalisés ont conquis les derniers territoires ottomans d'Europe et l'Albanie a proclamé son indépendance. La conférence, dominée par les grandes puissances, reconnaît celle-ci mais partage le Kosovo entre la Serbie et le Monténégro, qui entreront en 1918 dans le royaume des Serbes, Croates et Slovènes (Yougoslavie à partir de 1929). Dès lors, toute la question est d'apprécier comment la Serbie, puis la Yougoslavie, ont traité « leurs « Albanais et comment ceux-ci ont réagi à une situation contraire à leurs voeux. Dans l'entre-deux-guerres, les rapports sont très tendus : résistance armée initiale des Albanais, politique de colonisation agraire slave vécue comme une agression, émigration en Turquie, faiblesse des progrès économiques, absence d'instruction publique en albanais. De telle sorte que les Kosovars albanais, travaillés en outre par une propagande irrédentiste, approuvent en 1941 le démembrement de la Yougoslavie et la formation d'une Grande Albanie. Les Partisans levés par Tito recruteront largement parmi eux en suscitant l'espoir - ensuite déçu - d'une autodétermination après la Libération. Or, le Kosovo reste partie intégrante de la Yougoslavie, reconstituée cette fois sous la forme d'une république fédérative. Mais les conditions ont changé : pour la première fois est mis en place un enseignement de masse en albanais, alors que s'amorce un développement soutenu des villes, de l'industrie et des réseaux de transport, changements qui promettent une vie meilleure mais déstabilisent d'abord une société rurale homogène vivant en quasi-autarcie. Le régime demeure cependant très répressif à l'égard des Kosovars albanais, attitude renforcée par la rupture de 1948 avec l'URSS (donc avec l'Albanie). Une détente ne s'instaure qu'en 1966 après le limogeage d'Alexandre Rankovic (1909-1983), responsable de la police politique. Liée au développement de l'autogestion, elle conduit à l'adoption de la Constitution de 1974, qui donne des prérogatives politiques étendues aux républiques et aux provinces autonomes. Le nationalisme exclusionniste de Milosevic. La mort de Tito en 1980 et l'arrêt de la croissance économique marquent la fin de cette période. L'année suivante, les Kosovars albanais réclament, dans le cadre de manifestations de masse, l'élévation de la province au rang de septième république yougoslave, donc sa sortie de la Serbie. Alors que Tito avait, en 1968, répondu à semblable revendication par un mélange de répression et de concessions, les autorités serbes et yougoslaves choisissent cette fois le « tout répressif «. Dans un climat devenu pesant, les relations se dégradent au Kosovo entre majorité albanaise et minorité serbe. En 1986, un Mémorandum de l'Académie serbe des sciences accuse le régime d'avoir affaibli la Serbie en conférant aux provinces une autonomie excessive et accuse les Albanais de forcer au départ la minorité serbe du Kosovo, allant jusqu'à parler de génocide. L'année suivante, Slobodan Milosevic s'empare du pouvoir à l'intérieur de la Ligue des communistes de Serbie et impose une ligne dure : quasi-suppression de l'autonomie du Kosovo et de la Voïvodine (1989), limogeage des cadres albanais, licenciements massifs, exclusion des enseignants et des élèves albanais du système d'enseignement public. Cette politique lui permet de triompher lors du sixième centenaire de la bataille du Kosovo, puis assure aux communistes (rebaptisés socialistes) le gain des premières élections pluripartites, alors qu'ils sont balayés en Slovénie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Mais, s'appuyant ouvertement sur le nationalisme serbe, cette politique alarme ces républiques, contribuant ainsi à l'éclatement de la Yougoslavie. Pendant les « guerres yougoslaves « de Croatie et de Bosnie, le Kosovo reste calme. Les Albanais s'auto-organisent dans l'exclusion avec l'aide financière de leur diaspora, accrue par une émigration croissante. Ils boycottent les élections officielles, choisissent l'indépendance par référendum, se donnent pour président l'écrivain Ibrahim Rugova (1945-), chef de la Ligue démocratique du Kosovo. La ligne politique de celui-ci, strictement pacifiste et pour cette raison tolérée par Belgrade, leur vaut à l'étranger un succès d'estime mais aucun soutien politique. Son échec est d'ailleurs patent lorsque les puissances, à la conférence de Dayton sur la paix en Bosnie (automne 1995), traitent avec S. Milosevic et ignorent le problème du Kosovo. Un protectorat imposé par la guerre. Cet échec fait émerger une ligne politique radicale qui s'exprime, entre autres, par des attentats revendiqués par une embryonnaire Armée de libération du Kosovo (UCK). La violence disproportionnée de la répression entamée, le 28 février 1998, par les forces serbes conduit à l'internationalisation du problème. Le printemps et l'été voient la montée en puissance puis la défaite militaire de l'UCK, avant que Belgrade n'accepte en octobre, sous la menace de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique nord), un dispositif de surveillance géré par l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) et avalisé par l'ONU. La situation se dégradant à nouveau, les puissances occidentales tentent d'imposer une autonomie du Kosovo contrôlée par une présence militaire étrangère (pourparlers de Rambouillet et de Paris, février-mars 1999). Pour l'avoir refusée, la Yougoslavie est aussitôt bombardée par l'OTAN (à compter du 24 mars) et ne cède que le 3 juin, à l'issue d'un processus diplomatique où la médiation russe est essentielle. Une semaine auparavant, le Tribunal pénal international (TPI) avait inculpé S. Milosevic de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le Kosovo devient alors un protectorat international contrôlé par des forces militaires occidentales avec une présence russe symbolique et géré par la Mission [civile] des Nations unies au Kosovo (Minuk, dirigée dans un premier temps par le Français Bernard Kouchner [1940-]). La région est ravagée et la société déstabilisée, les forces serbes ayant réussi à expulser pendant les bombardements de l'OTAN 700 000 Albanais (essentiellement en Albanie et en Macédoine), même si la plupart sont revenus dans le sillage des forces occidentales alors que les Serbes locaux fuyaient à leur tour. La communauté internationale tente de la stabiliser, mais la contradiction est éclatante entre son intention d'y promouvoir une autonomie étendue dans le cadre de la Yougoslavie et la volonté d'indépendance des Kosovars albanais. À d'autres échelles, ce conflit a souligné les contradictions existant entre la nécessité de stabiliser les Balkans en les intégrant à l'Union européenne et la frilosité de celle-ci, entre la souveraineté des États et le droit d'ingérence humanitaire, entre les buts désintéressés revendiqués par les belligérants et les politiques de puissance que l'on soupçonne, entre l'intention de faire respecter un ordre mondial et le refus d'y risquer la vie d'un seul militaire. En outre s'est posé le problème de la légitimité du déclenchement de cette guerre conduite sans l'aval de l'ONU. Celle-ci n'a en effet été replacée dans le jeu qu'in extremis. Tout cela explique comment un conflit local a pu susciter dans le monde entier des débats aussi intenses. Michel ROUX

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