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La BERD, une banque politique

Publié le 22/02/2012

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15 avril 1991 - Peu de ressources, beaucoup d'organismes pour les gérer. Telle pourrait être la première réaction à l'annonce de la création d'une institution internationale chargée d'assister financièrement des Etats en développement. Pourtant, cette semaine, un nouvel organisme multilatéral de développement voit le jour : la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ( BERD). Banque à vocation régionale, la BERD réunit en son sein, distinctement, des pays donateurs et des pays attributaires. C'est le cas de pratiquement tous les organismes internationaux, à l'exception notable de ceux de Bretton-Woods ( Fonds monétaire international et Banque mondiale), dont tous les pays membres peuvent théoriquement avoir accès aux concours. Au fil des ans, cependant, une distinction de fait entre pourvoyeurs de capitaux et bénéficiaires de ressources s'y est opérée. La BERD a, tout comme la Banque interaméricaine de développement, la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement, vocation à intervenir dans une zone géographique précisément délimitée (1). Mais, contrairement à la Banque interaméricaine et à la Banque africaine, ce sont les pays donateurs, et non ceux qui reçoivent, qui sont majoritaires. Une double singularité Al'instar des autres organismes financiers internationaux, la BERD réalise des prêts à l'investissement, des dons dans certains secteurs comme l'assistance technique, et soutient les réformes économiques des pays membres ( décentralisation, privatisations, marchés des capitaux...). Elle possède un siège permanent, à Londres, où se tient le conseil des gouverneurs et où se réunit le conseil d'administration. Les nombreux exemples d'organismes déjà existants ont ainsi permis à la BERD de naître en un temps record, puisque trois mois à peine ont suffi pour que ses statuts soient rédigés. Dans la constellation des institutions monétaires internationales, la BERD possède deux caractéristiques spécifiques majeures : elle est la seule dont les pays de la Communauté détiennent la majorité du capital ( 51 %, les Etats-Unis détenant 10 %), donc un droit de veto, et la seule consacrée uniquement à l'ancienne Europe socialiste. Par ailleurs, seule la BERD consacre une large partie de ses activités à des opérations de type banque d'affaires ( fusions-acquisitions, capital-risque, stratégie d'entreprise...). Encore que, depuis quelques années, la plupart des organismes internationaux se soient lancés dans les privatisations, créant à l'occasion des filiales spécialisées. Les fondateurs de la BERD estiment que l'institution possède au moins deux traits originaux supplémentaires : son rôle politique, d'abord, sa souplesse de fonctionnement, ensuite. Par ses relations privilégiées avec les dirigeants des nouveaux Etats démocratiques, la BERD pourra les conseiller, et veiller à ce qu'ils restent sur le chemin de la démocratie. Restent à définir les instruments mesurant l'avancée de la démocratie, en URSS tout particulièrement. Les experts de la banque y travaillent... Quant à la souplesse de son fonctionnement, là aussi, le temps jugera. Il n'est pas facile d'avoir quarante et un actionnaires, un conseil des gouverneurs dans lequel chaque pays est représenté, un conseil d'administration de vingt-trois membres, et... de souhaiter mener des opérations pointues de type banque d'affaires, qui nécessitent des décisions rapides et supposent la concurrence avec des firmes privées. FRANCOISE LAZARE Le Monde du 16 avril 1991

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