La classe ouvrière peut-elle disparaitre ?
Publié le 13/01/2011
Extrait du document
Dans une première partie seront étudiés les éléments qui figent l’existence de la classe ouvrière, alors que dans une seconde partie, on s’attardera à trouver quels éléments conditionnerait sa disparition, voire sa transformation.
/ OUI On peut observer une disparition de la classe ouvrière.
Lors des trentre glorieuse de 1945 à 1974, le fordisme associant production de masse à une politique de salaires élevés marquent l’apogée du prolétariat. Grâce à l’industrialisation, elle était la classe dominante, au dessus des employés ou encore de la classe des professions intermédiaires. En effet, à cette période, 37% des actifs appartenaient à la classe des ouvriers.
Vienne ensuite une mécanisation importante du travail, l’automatisation des machines et l’augmentation fulgurantes de celles-ci remplacent l’homme . La désindustrialisation commence : à partir des années 1970 de nombreuses industries disparaissent : c’est la fin des bastions ouvriers, de la gloire ouvrière. L’industrie française perd près de deux millions d'emplois en trente ans et son poids dans le PIB national recule de dix points.
Le chômage, quant à lui, va toucher plus particulièrement la classe ouvrière. Pour finir, les transformations de l’emploi apparaissent, on va vers une tertiairisation, plus de qualifications des ouvriers mais aussi une plus grande précarité.
Depuis la première révolution industrielle, , la répartition de la population entre les trois secteurs s’est progressivement modifiée. On a pu observer une régression du secteur primaire, au profit du secteur secondaire, puis une diminution de celui-ci au profit du secteur tertiaire . Selon l’insee en avril 2000, plus de 89% des français travailleraient dans le domaine des services et 30% des pertes d'emplois seraient liées au progrès technique et à la baisse de la demande des ménages. L’accroissement du secteur tertiaire et un besoin plus important en service qu’en moyens d’équipements a donné naissance à la “tertiarisation” de la population active.
De plus, depuis la fin du XXe siècle, cette tertiairisation et la libéralisation du système économique entraine la mondialisation de l’économie. Les firmes deviennent internationales, la concurrence devient plus importante le capitalisme mondial fait des ouvrier des travailleurs précarisées. En effet, pour une économie de budget et une meilleure concurrence sur le marché, lorsqu’il n’y a pas une délocalisation de l’entreprise, les ouvriers professionnels traditionnels sont ignorés au profit des ouvriers techniciens et opérateurs. Ainsi ils regroupent à la fois les agents qualifiés et non qualifiés : le nombre d’ouvrier est réduit et minimisé à son maximum. Si on ajoute la concurrence étrangère des pays développés responsable de 45% des destructions d'emplois industriels en France, qui serait encore plus importante en ce début de XXIe siècle, la diminution du nombre d’ouvriers est flagrante.
Déjà dans un temps lointain, dans une époque ou les ouvriers étaient encore nombreux, lors d’une période prospère (les trente glorieuses), on commençait à remarquer un « embourgeoisement de l’ouvrier « , ou encore une « déprolétarisation possible « comme la nomme Olivier Schwartz.L’augmentation du niveau de vie, l’accès au confort arrivait enfin dans la classe ouvrière. Aujourd’hui l’opposition face aux autres classes sociales reste moins nette. Selon une enquête de l’Insee d’avril 2004, 100% des ouvriers auraient un réfrigérateur, 90% un lave-linge et 60% un téléphone portable. Le taux d’équipement des ménages apparaît pratiquement identique à celui des cadres.
Les modes de vie s’homogénéises, la conscience de classe sociale « pour soi « se perd : c’est la fin d’une conscience de classe homogènes par son statut social, son mode de vie, ses conditions matérielles, ses actions, sa vision du monde et ses intérêts ...
Jusque dans les années 1970, on observait alors une forte conscience collective ouvrière. Les ouvriers, alors nombreux vivaient en communauté à part, de vastes mouvements revendicatifs se déployaient afin d’obtenir des mesures sociales. La classe ouvrière se caractérisait, à l’époque, par une vaste "solidarité " ouvrière. Mais au coucher du XXe siècle, la désindustrialisation entraine la fin des « bastions « dans les mines, dans la sidérurgie, ou dans l’industrie automobile : C’est la disparition d’un conscience de classe sociale. La classe ouvrière existe seulement « en soi « et plus « pour soi « . L’ouvrier, éparpillé est difficile à mobiliser. La mobilisation sociale va alors reculer ainsi que le taux de politisation .
En 1970, on comptabilise environ 25 % de l'électorat pour le parti communiste français (parti omniprésent dans la classe ouvrière) contre seulement 5 % en 2005.
La désyndicalisation, avec le déclin des effectifs des grandes centrales regroupant les ouvriers et l'affaiblissement de leur capacité d'action en période de chômage important. On assiste à des transformations du rapport de force social, qui va pencher en faveur de l’entreprise et du capital ( donc en faveur du patronat et non de l’ouvrier ).
Ce dernier voit sa capacité de revendication s'affaiblir, sous la contrainte extérieure telles que les délocalisations, la précarité et les contraintes du marché (compétitivité, exigence du client).
II Non, il existe toujours une classe ouvrière
La classe ouvrière reste nombreuse, en France elle est la deuxième PCS avec 7 millions d’actifs. D’après un panel électoral CEVIPOF de 2002, 20% des personnes (de toutes PCS) interrogées se sent appartenir à la classe ouvrière. De même, 41% des ouvriers se sentent à appartenir à celle-ci, une conscience pas totalement disparue puisqu’elle est même plus importante que celle des cadres (seulement 17% d’entres-eux se classerait parmi les cadres).
Les pratiques traditionnelles de la classe ouvrière diffère encore de celle du milieu bourgeois et reste complètement différentes de celles des milieux aristocratiques. Une manière de manger, de s’habiller, de vivre, de penser les individualise du reste de la société.
Leur travail réalisé pour la plupart manuels, et souvent répétitif requière des savoirs divergents de ceux des autres milieux. Des conditions de travail difficiles, plus nombreuses et importantes que dans les autres PCS : avec des semaines dépassants souvent les 35 heures, des heures de travail non payés, des prises de risques mettant la santé de l’individu en danger ( usine chimique, nucléaire … ) entrainant une espérance de vie plus faible, des salaires inégaux etc … Ces conditions presque sont acceptées par la quasi-totalité des ouvriers à cause d’un chômage terrifiant toujours plus persistant.
En avril 2007 l’Insee confirme des inégalités bien réelles entre les salaires des cadres et des ouvriers. Pour 4747 milliers de ménages ouvriers français et 2607 milliers de ménages cadres, le revenu annuel d’un ménage ouvrier ( en euros) est deux fois moins important que celui d’un cadre. Un ménage ouvrier gagne donc 50% de moins que celui d’un cadre. Des inégalités financières si opposées qu’elles créaient un fossé culturel.
En effet selon une enquête de l’insee en octobre 2000 sur les pratiques culturelles des PCS, un ouvrier lirait en moyenne deux fois moins de livres qu’un travailleur en profession intermédiaire ou libérale et irait quatre fois moins à des concerts qu’un cadre.
Dans notre société actuelle, un ouvrier, n’ayant que sa force de travail à vendre trouve difficilement une place stable et ne reste qu’intégrer partiellement parmi les autres PCS.
On observe même un « enfermement « dans cette classe ouvrière, encouragé par la société
« chacun reste à sa place «. Les fils d’ouvriers restent toujours ouvriers, et les fils de cadres : cadres. En effet selon l’enquête emploi ( 1969-2000) réalisée par l’IRESCO, entre 1950 et 1955, 51.9% des enfants d’ouvriers restaient ouvriers; et 53% entre 1920 et 1925.
Un fort déterminisme social reste donc présent, et l’école en serait en partie responsable.
De nombreuses études de sociologues montrent notamment que le système scolaire favoriserait implicitement la reproduction sociale. Les normes exigées par l’école sont en parti acquise dans le domaine intrafamiliale d’où une différenciation de la classe ouvrière par rapport aux autres. Les enfants bénéficiant de privilèges attachés à la naissances, plus instruits obtiennent un diplôme, fréquentent des établissements prestigieux ( souvent payants ) et accèdent finalement aux postes de pouvoir. Généralement
Les enfants ouvriers réussissent moins bien leur scolarité : dans la majorité des cas, soit ils choisissent des filières socialement moins bien valorisées par la société car elles se traduisent par une scolarité courte pour une entrée rapide dans le monde du travail. On assiste parfois à un échec scolaire, c’est à dire à un arrêt des cours.
B- Un « fatum« d’ouvrier
D’autre part, notre origine sociale fige nos chances de réussite. En effet, Pierre Bourdieu, un sociologue français du 20eme siècle a élaboré une théorie selon laquelle, l’égalité des chances serait inexistante. Ainsi, il pense que l’héritage transmis par les parents n’est pas seulement économique, il est aussi culturel. Ce qu’il appelle le capital culturel va conditionner la réussite ou non d’un individu. Effectivement, un enfant socialisé à l’appétence culturelle, cet à dire, qu’il a intériorisé une norme, transmise par sa famille, lui donnant un gout à la culture, aura plus de facilité à naviguer à l’école, qu’un enfant qui a passé son enfance devant la télévision. Le taux d’équipement ouvrier en télévision, dépasse d’ailleurs celui des cardes (document 2). Tout ceci entraine donc une sorte de reproduction sociale, visible dans le document 1 : Entre 1920 et 1925, sur 100 ouvriers, plus de la moitié eurent un fils d’ouvriers, alors que seulement 5.6 eurent des enfants cadres. Aussi, existe-il l’illusion d’une mobilité sociale, pouvant permettre une homogénéisation des classes. Dans le document 6, Louis Chavel exprime que la théorie d’homogénéisation des classes sociales est erronée. En effet, la dynamique sociale actuelle ne permet pas l’ascension sociale, mais donne l’illusion de l’existence d’un ascenseur. Si cette illusion est conservée par notre société, c’est pour que les personnes des classes « défavorisées « ne soient pas découragés à l’idée de travailler pour l’intérêt d’un groupe, auquel ni eux, ni leurs descendance n’aura accès. De ce fait, la société se doit d’entretenir le mythe selon lequel la société est constituée de strates dans lesquelles l’individu peut naviguer.
II- Une persistance relative de la classe ouvrière
A- La mobilité sociale
Ce mythe est d’autant plus important quand on regarde différemment les classes sociales. Ainsi, selon Max Weber, un sociologue allemand de L’ère industrielle, le prestige et le pouvoir conditionnent aussi notre position sociale. En effet, un ouvrier peut avoir une place importante dans la société, non pas grâce à son métier, mais grâce à ses accomplissements qui lui ont donné du prestige ou du pouvoir. Par exemple, Cet ouvrier peut avoir une place importante dans un syndicat, ce qui lui procure du prestige et du pouvoir. De ce fait, l’ouvrier ne se sentira pas forcement appartenir à la classe ouvrière. Ainsi, seul 20% des ouvriers non qualifiés se disent ouvriers (document 5). Cela peut s’expliquer par l’amélioration du niveau de vie des ouvriers. En effet, L’Etat providence a fourni des aides et allocations qui ont améliorés leurs conditions de vie. Ainsi, les prolétaires peuvent avoir des loisirs, et accéder facilement à la sécurité et à la santé. De plus, depuis les années 1970, avec les trente glorieuses, l’explosion de la société de consommation a rendu plus accessibles certains biens. C’est ce qu’Olivier Schwartz Apelle « l’embourgeoisement ouvrier « (document 4). Le document 2 montre que malgré les différences notables de revenus (celui des cadres étant plus que deux fois supérieur à celui d’un ouvrier) les taux d’équipement restent extrêmement proches. Le taux d’équipement des ouvriers avoisinent ainsi les 100% pour les réfrigérateurs, les laves linges et les téléviseurs couleur. Finalement, cette approche Wébérienne ou nominaliste, suggère que les individus, ne sont pas obligés d’adapter leurs comportements aux déterminismes de leur classe sociale, mais qu’ils sont libres de faire leurs propres choix. La classe Ouvrière ne disparait donc pas, mais c’est le sentiment d’appartenance à la classe qui s’estompe.
B- Une Perte d’importance
L’ouvrier a vu depuis 1980 son secteur d’activité disparaitre. En effet, les exploitations minières étant autrefois nombreuses, les ouvriers y trouvaient un travail stable et fixe (document 4). Mais la fermeture de ces mines a détruit le monde des ouvriers qui ont dû changer de secteur. D’autre part, les techniques de production se sont beaucoup améliorées. En effet, le processus imaginé par Taylor, voit ses ouvriers remplacés par des machines, comme des bras robots par exemple (document 3). De ce fait, les ouvriers trouvent de moins en moins de travail, puisqu’ils sont moins rentables que des machines. Enfin, l’ouverture de La France au monde fait que celle-ci peut délocaliser dans des pays où la main d’œuvre est moins chère, comme la chine par exemple. De cette manière là, la désindustrialisation de la France entraine un chômage de masse (documents 3 et 4). C’est donc le combat gagné par le capital sur le prolétariat qui pousse les ouvriers vers la précarité.
Conclusion
Malgré des phénomènes sociaux qui figent la classe ouvrière, voire qui la reproduisent à l’identique, elle tend à se transformer progressivement. Ainsi, elle ne sera plus une classe sociale, mais seulement une profession qui intègre des individus de classes différentes.
Doit-on assister dans les années à venir, à la dissolution de la classe ouvrière ?
En effet selon l’enquête emploi ( 1969-2000) réalisée par l’IRESCO, entre 1950 et 1955, 51.9% des enfants d’ouvriers restaient ouvriers; et 53% entre 1920 et 1925.
Liens utiles
- IP Dans son poème « Le paysage changeur », Jacques Prévert dénonce l’oppression que la classe ouvrière subit par l’état en Europe.
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- La loi Le Chapelier 1791 Pendant près de soixante-dix ans, la loi Le Chapelier, en interdisant toute coalition ou association de travailleurs ou de patrons, laissa la classe ouvrière totalement désarmée face au capitalisme.