Devoir de Philosophie

La fonction du tombeau du Soldat Inconnu dans les pièces de  Paul Raynal et François de Curel 

Publié le 24/09/2010

Extrait du document

 

La Première Guerre mondiale fut la première guerre à avoir eu un impact important sur 

 

l’ensemble des pays qui y ont participé, et tout particulièrement sur la France, car c’est sur le sol  français  qu’elle  s’est  déroulée.  En  chamboulant  l’ordre  établit,  la  guerre  remet  tout  en  question ;  elle  ébranle  la  structure  de  la  société  et,  de  ce  fait,  questionne  les  autorités  qui  la  détermine.  Le  théâtre  est  un  instrument  littéraire  qui  permet  au  lecteur  et  au  spectateur  de  s’approprier le texte de la pièce et d’en décider du sens, de le réécrire ou de le rejouer pour lui‐ même, et de ce fait s’avère un excellent moyen de commémoration. Par conséquent, aborder  des sujets complexes tels que les tensions sociales qui apparaissent après la guerre à travers le  théâtre  permet  de  saisir  toutes  leurs  complexités.  Le  problème  de  fond  de  ces  œuvres  est  le  phénomène de rupture avec la structure bien établie de la société d’avant‐guerre. Afin de créer  une réflexion autour de ce phénomène, ces pièces font référence à la tombe du Soldat Inconnu  qui se trouve sous l’Arc de Triomphe à Paris, et qui se veut représentante des nombreux morts  de la guerre.  Ce  devoir  se  penche  sur  deux  de  ces  pièces  de  théâtre  qui  ont  été  écrites  quelques  années  après  la  guerre :  l’une,  Le  Tombeau  sous  l’Arc  de  Triomphe  de  Raynal,  a  été  écrite  en  1930 et a suscité de violentes réactions de la part du public lors de ses représentations à cause  du sujet sensible qu’elle abordait (celui des embusqués, de ceux qui n’ont pas fait la guerre, et  qui  se  trouvaient  dans  le  public).  Elle  met  en  scène  un  soldat  qui  revient  chez  son  père  pour 

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quelques  heures  à  peine,  en  permission,  sachant  que  lors  de  son  retour  au  front  il  ne  pourra  échapper  à  une  bataille  qui  le  tuera.  L’autre  pièce,  La  Viveuse  et  le  moribond  de  Curel  a  été  publiée dans la revue La Petite Illustration en 1926. Le sujet principal de la pièce est un ancien  soldat qui, n’ayant su donner sens à sa vie après la guerre, quitte Paris où il menait une vie de  débauche pour retourner chez lui, en province, et se donner la mort. Au centre des nombreuses  tensions  qui  apparaissent  dans  les  deux  pièces  se  trouve  le  tombeau  du  Soldat  Inconnu,  et  le  but de ce devoir est de déterminer la fonction de ce tombeau dans les pièces de Raynal et Curel.  Autour  de  lui  gravite  la  question  centrale  de  l’autorité :  comment  le  centre  de  la  structure  sociale  a‐t‐il  été  déplacé  par  la  guerre  et  comment  ces  deux  pièces  mettent‐elles  ce  déplacement en lumière ?  Le  devoir  se  divise  en  trois  parties.  Dans  une  première  partie,  quelques  exemples  des  tensions qui apparaissent dans les pièces, et qui se rapportent à la question d’autorité, seront  donnés, principalement axés sur Le Tombeau sous l’Arc de Triomphe de Raynal. Le problème du  rapport au temps sera notamment abordé, car c’est l’un des facteurs qui bouleverse la structure  traditionnelle  des  pratiques  sociales  telles  que  le  mariage.  La  seconde  partie  du  devoir,  assez  brève,  fera  office  de  transition  entre  l’analyse  de  la  pièce  de  Curel  et  celle  de  Raynal :  elle  montrera  comment  le  mouvement  de  décentralisation  de  l’autorité  donne  naissance  à  une  sorte d’instauration d’un mythe qui sera le point d’ancrage de toute une réflexion, notamment  dans  la  pièce  de  Curel.  La  troisième  et  dernière  partie  sera  donc  consacrée  à  l’analyse  de  la  pièce de Curel, La Viveuse et le moribond, dans laquelle le rôle de la tombe du Soldat Inconnu  prend tout son sens.   

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Les  deux  pièces  Le  Tombeau  sous  l’Arc  de  Triomphe  et  La  Viveuse  et  le  moribond  opposent  l’autorité  (le  passé)  et  l’absolu.  Chez  Curel,  c’est  la  sœur  Marthe,  religieuse,  qui  représente  l’autorité  (l’autorité  religieuse  est  un  pilier  de  la  société) :  le  métier  de  sœur  est  amoindri (les sœurs soignent des moins‐que‐riens, des ivrognes). Dans la pièce de Raynal, un fils  rentre chez son père et sait qu’il est condamné à mort, qu’il voit sa fiancée pour la dernière fois  (Aude).  Son  père  représente  l’autorité  paternelle  mais  aussi  l’autorité  de  la  tradition,  c’est‐à‐ dire des pratiques sociales qui ont été instituées par les générations précédentes. Le temps est  compté  au  jeune  soldat,  il  n’a  que  quelques  heures  avant  de  retourner  au  front.  L’opposition  entre  tradition  et  absolu  apparaît  donc  très  clairement  dans  cette  pièce.  Lors  du  retour  du  soldat, les fiancés décident de consommer leur mariage avant qu’il n’ait lieu. Aude, la fiancée, a  en  effet  annulé  la  cérémonie  du  mariage  car  cela  aurait  empêché  les  deux  amants  de  se  retrouver seul à seul avant que le soldat reparte pour le front. Dans l’urgence, le mariage doit  être  supprimé :  il  n’y  a  pas  le  temps  pour  respecter  les  traditions,  comme  le  dit  le  soldat :  « Toutes les conventions sont dépassées, toutes les lois et tous les rites « (p. 110) ; « il n’y a que  le  présent «  (p.  120)  et  Aude  dit  même  que  ses  émotions  sont  construites  sur  une  forme  du  temps qui est le présent uniquement : « tout dans mes émotions se passe comme si le présent  devait  s’éterniser «  (p. 161).  Le  Vieux  (le  père du  soldat), qui  ne comprend  pas cette  vie  dans  l’absolu, demande à son fils : « Le présent, qu’est‐ce que c’est ? « et le fils répond : « Bien peu  de choses « (p.216‐217), peu désireux d’entrer dans des explications qu’il sait que son père ne  comprendra  pas.  Un  décalage  entre  les  générations  apparaît  donc :  il  y  a  celui  qui  ne  vit  pas  dans le temps de la guerre, et celui qui y vit. Le père, en accusant le fils de ne pas avoir respecté  la  tradition  du  mariage  avant  de  le  consommer,  dit :  « Ne  me  l’explique  pas…  La  guerre, 

 

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évidemment ?... Il n’y a qu’elle. Elle justifie tout. Voilà tes horribles excuses. « (p. 226). Ceci est  un premier exemple du conflit qui oppose les générations lors de la première guerre mondiale.  La question du temps est omniprésente chez Raynal ; cependant elle n’est pas (ou peu)  évoquée  chez  Curel.  Les  deux  pièces  traitent  de  l’autorité  de  façons  différentes  mais  qui  finissent par se rejoindre : par exemple, le concept de mariage apparaît dans les deux pièces et  l’institution même du mariage est bouleversée : chez Curel, le mariage (futur) de Philippe et de  la jeune femme qui se vouait à une carrière de religieuse est l’élément qui sauve l’ancien soldat  du suicide et lui permet de commencer une nouvelle vie. C’est la rencontre avec une femme qui  a connu la guerre (en tant qu’infirmière) qui sauve Philippe et c’est en la demandant en mariage  que  l’équilibre  mental  de  l’ancien  soldat  est  retrouvé.  Chez  Raynal,  la  jeune  Aude  n’a  pas  l’expérience  de  la  guerre  mais  elle  la  comprend,  et  c’est  en  la  comprenant  qu’elle  libère,  ou  soulage,  le  soldat  qui  s’apprête  à  retourner  au  front,  et  à  n’en  jamais  revenir.  Leur  union  est  sacrée  par  cette  compréhension  mutuelle  qu’ils  ont  de  la  guerre,  comme  le  dit  le  soldat  à  sa  fiancée lorsqu’elle lui accorde son premier baiser : « Vous me demandiez ce qu’est la guerre ?  Vous prouvez que vous l’avez compris. « (p. 110). Elle se donne à lui parce qu’elle a compris ce  qu’est  la  guerre,  et  il  l’accepte  comme  épouse  parce  qu’elle  le  comprend.  C’est  l’acte  sexuel  rendu possible par cette compréhension mutuelle qui fait office de mariage ; « mon mari !« (p.  111) l’appelle désormais la jeune femme, bien qu’il n’y ai pas eu de cérémonie officielle.    Dans les deux pièces, l’autorité qui est remise en cause par ceux qui ont l’expérience de 

 

la  guerre  peut  être  considérée  comme  celle  d’un  auteur.  L’autorité,  c’est  ce  qui  impose  les  décisions,  comme  l’auteur  impose  le  sens  de  son  texte.  Ainsi,  les  « vieux «  et  les  religieux  qui  représentent la tradition sont les auteurs: ils ont de l’expérience, ils sont sages. Leur vision du 

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temps est linéaire : il y a un passé, un présent, un futur dans leur vision du monde et de la vie.  Ils sont donc de parfaits auteurs dans le sens traditionnel du terme (l’auteur vit avant son texte,  le produit, puis continue à vivre ensuite : le texte est donc lié à lui, à qui il est – d’après Barthes  dans La Mort de l’Auteur). Dans la pièce de Raynal, le père ne conçoit pas que la guerre puisse  s’éterniser et ne comprend pas que son fils va mourir. Pour lui, son fils est parti faire son devoir,  puis il va revenir, et continuer sa vie comme si la guerre n’avait été qu’une formalité. Il dit en  effet « A présent que la guerre est finie… […] Je n’aurais tout de même pas cru que ça finirait si  vite… […] Elle comptera, cette victoire de Champagne « (p. 210). Le Vieux anticipe la victoire ; en  gros, il « vend la peau de l’ours avant de l’avoir tué «. Puisque, dans sa tête, la guerre s’achève  prochainement, il continue à vivre comme si elle avait à peine eu lieu : il laisse les comptes de  l’année sur le bureau de son fils et lui reproche presque de s’en désintéresser :   « LE VIEUX ‐ Tu t’en désintéresse ?   LUI‐ Non…   LE VIEUX – Ne seras‐tu pas bien aise, à ton retour, de trouver… ?   LUI‐ D’ici à mon retour !...   LE VIEUX – Trois mois, voyons ! « (p. 213).  On voit dans cet échange que le rapport au temps que les deux personnages ont est différent :  le fils est plus réaliste que le père, car il sait qu’il ne reviendra pas de la guerre : il est conscient  de ce qui est en train de se passer pour les gens de sa génération. Le père, en revanche, vit déjà  dans le futur et anticipe le retour du fils. Un peu plus loin  dans la pièce, le fils dénonce cette 

 

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attitude du père en s’appropriant les étiquettes que l’on colle d’habitude aux personnes âgées  et renverse les rôles : « Tu as un paquet d’années à traîner sur la terre, et moi il ne me reste…  peut‐être  pas  une  semaine  […]  Tu  n’as  pas  vécu.  Tu  n’as  jamais  reçu,  sur  l’univers  ni  sur  toi‐ même,  les  seuls  enseignements  qui  comptent,  ceux  de  la  douleur  et  ceux  du  danger.  Tu  as  mollement subsisté deux tiers de siècle, mangeant et dormant, comme un enfant au sein. […] Tu  m’as transmis un jour, sans y penser, la vie. Chaque jour je préserve la tienne. Que parles tu de  ta paternité encore ! Les rôles sont intervertis. Tu n’as rien qui vienne de moi. C’est moi qui suis  ton  père. «  (p.  231).  Le  problème  principal  apparaît  ici :  les  « Vieux «  ne  comprennent  pas  l’absolu. Cependant, puisque ce sont eux qui vont continuer à vivre, ce sont eux qui vont avoir  l’autorité  de  décider  du  futur,  et  qui  vont  donc  se  poser  en  auteurs  de  l’histoire.  Mais  ils  se  placent en auteur traditionaux, et c’est là le problème : l’avenir ne peut plus être considéré de la  même façon que celle dont il avait été jusqu’alors, car après la guerre, c’est une nouvelle ère qui  commence.  D’où  le  problème  d’autorité :  comment  construire  l’avenir  s’il  ne  peut  plus  être  appréhendé  d’une  façon  traditionnelle ?  L’auteur  va  devoir  se  repositionner  pour  écrire  l’histoire, s’adapter à la modernité. Barthes définie le « modern scriptor « de la façon suivante :  « The modern scriptor is born at the same time as his text. […]  There is no other time than that  of the speech act, and every text is written eternally here and now. This is because (or it follows  that) writing can no longer designate an operation of recording, or observation, of “painting” (as  the Classics used to say), but instead what the linguists […] call a performative, a rare verb form  (exclusively found in the first person and in the present) in which the speech‐act has no other  content  […] than the act by which it is uttered: something like the I declare of kings and the I 

 

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sing  of  the  earliest  poets.” 1 .  Il  faut  donc  redéfinir  l’auteur,  le  moderniser :  il  faut  qu’il  écrive  dans le présen, ici et maintenant. Il semblerait donc que la forme littéraire la plus proche de ce  que Barthes décrit soit le théâtre : le théâtre donne la parole au je et au présent. Dans la pièce  de  Raynal,  le  soldat  a  souvent  des  attitudes  qui  se  comparent  au  « I  declare «  des  rois  (par  exemple, lorsqu’il ordonne à Aude de « ne jamais accepter l’un de ces vieillard qui ne s’est pas  battu « et qu’il lui dit « d’être heureuse « ‐ on pourrait ajouter une « Je déclare que tu ne dois  jamais accepter l’un de ces vieillards… «). Le texte de la pièce de théâtre se veut aussi éternel : il  peut être joué à n’importe quelle époque, le soldat dira toujours « je « et parlera toujours au  présent. L’auteur traditionnel en revanche emploiera le passé pour parler de la guerre.        L’autorité  est  l’élément  central  de  toute  structure :  le  centre,  c’est  le  point  de  repère, 

 

c’est autorité à laquelle tout élément d’une structure se rapporte. Or, si le centre est déplacé,  ou détruit, l’autorité en est également affectée. Le soldat, en remettant en cause l’autorité du  Vieux,  révèle  que  le  centre  n’est  plus  le  centre.  Le  centre  de  la  structure  de  la  société  a  été  déplacé par le phénomène de guerre. Il a été constaté dans les exemples donnés ci‐dessus qu’il  y a une remise en cause de l’autorité ; l’apothéose de cette remise en cause est l’exemple du   fils  qui  redéfinie  la  notion  de  paternité  et  qui  interverti  les  rôles  jusqu’alors  établis  par  la  société : « C’est moi qui suis ton père « dit‐il, sans se soucier de l’ordre chronologique naturel  qui  fait  que  le  fils  ne  peut  être  plus  vieux  que  son  père.  La  guerre  transcende  toutes  ces 

 

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 Barthes, The Death of the Author, p. 123. 

 

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structures  sur  lesquelles  la  société  est  basée,  et  ici  plus  particulièrement,  elle  transcende  une  structure qui repose sur un temps linéaire, qui n’est pas le temps de la guerre (qui est l’absolu).    Cette  absence  de  centre  qui  est  révélée  par  le  discours  des  personnages  tels  que  le 

 

soldat dans la pièce de Raynal ou que Philippe dans la pièce de Curel (Philippe est justement un  ancien  soldat  qui  n’a  plus  de  point  de  repère)  souligne  une  absence  de  l’auteur.  En  effet,  les  soldats  étant  soit  morts  (donc  absents)  soit  survivants  (mais  sans  repères),  le  problème  de  l’après‐guerre  se  pose ainsi :  comment continuer  à  vivre pour  les  survivants  qui  sortent  d’une  expérience  traumatisante,  et  comment  commémorer  cette  expérience ?  A  quoi  peuvent‐il  se  raccrocher ? Comment commémorer l’absence dans une société dont le centre de l’autorité est  renié par ceux‐là même qui doivent être commémorés ? Dans son essai Structure, sign and play  in the discourse of the human sciences, Derrida déclare que « The absence of a center is here  the absence of a subject and the absence of an author « (p. 117). De la même façon, dans les  pièces  de  Curel  et  Raynal,  le  sujet  est  absent  (il  va  mourir  donc  il  parle  comme  s’il  était  déjà  mort,  en  tant  qu’absent,  ou  bien  il  est  perdu  et  absent  du  monde  d’un  point  de  vue  psychologique). Le tombeau sous l’Arc de Triomphe commémore ces soldats disparus par une  absence : les restes d’un soldat inconnu reposent sous un monument qui symbolise la victoire.  C’est un mort, donc une absence, puisque le soldat n’est plus, qui est choisi pour commémorer  les  millions  de  soldats  qui  ont  fait  la  première  guerre.  De  cette  façon,  le  soldat  devient  un  mythe : il n’y a que sa tombe, sans rien dedans, sans que l’on sache qui y était puisque les restes  du soldat sont anonymes. Comme le dit Lévi‐Strauss, « Les mythes sont anonymes 2  «.  

 

 

2

 

 Derrida, Structure, sign and play in the discourse of the human sciences, p. 117. 

 

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Dans le dictionnaire de l’Académie française, on trouve la définition suivante pour le mot 

 

« mythe « : « Représentation qu'un ensemble d'individus, en fonction de ses croyances, de ses  valeurs, se fait d'une période, d'un fait, d'une idée, d'un personnage. « Si  l’on se base sur cette  définition,  les  deux  pièces  prennent  tout  leur  sens.  Elles  mettent  en  scène  des  soldats  et  des  jeunes femmes qui cherchent à redéfinir la société ; le Soldat Inconnu est donc le mythe qui les  représente. Il représente la période historique de la guerre, leurs idées, leurs nouvelles valeurs,  leurs nouvelles croyances. Il n’est donc pas surprenant que le Tombeau sous l’Arc de Triomphe  soit un élément central de ces deux pièces qui questionnent le centre de l’autorité de la société  et qui mettent en scène des personnages qui cherchent à construire une nouvelle société avec  de nouvelles valeurs : le Tombeau, c’est le mythe de cette nouvelle société. C’est son centre, à  cette génération qui a été ébranlée par la guerre. C’est le mythe qui explique l’origine de son  monde. Dans son essai Anthropologie structurale 3 , Lévi‐Strauss déclare: "Un mythe se rapporte  toujours à des événements passés avant la création du monde [...] ou [...] pendant les premiers  âges  [...]  en  tout  cas  [...]  il  y  a  longtemps  [...].  Mais  la  valeur  intrinsèque  attribuée  au  mythe  provient de ce que les événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi  une  structure  permanente.  Celle‐ci  se  rapporte  simultanément  au  passé,  au  présent  et  au  futur." De la même façon, le mythe formé par le Tombeau du Soldat Inconnu forme la structure  permanente  des  survivants  de  la  guerre.  Cette  dimension  mythique  du  Soldat  Inconnu  est  explorée dans la pièce de Curel, La Viveuse et le Moribond, qui va maintenant être analysée.     

 

3

 

 Lévi‐Strauss, Anthropologie structurale (1958/74 ‐ 231). 

 

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Philippe, l'ancien combattant qui veut se donner la mort pour se punir d'une faute grave, 

 

explique qu'il s'est rendu, dès sa décision prise d’en finir, sur la tombe du Soldat Inconnu en ces  termes:  « Dans  un  emportement  fiévreux,  il  se  dirige  du  côté  de  l'Arc  de  Triomphe,  décidé  à  mourir  sur  la  tombe  du  Soldat.  Pourquoi  là  plutôt  qu'ailleurs?  Ma  foi,  je  n'en  sais  rien.  Ses  souvenirs l'entraînaient probablement vers l'endroit où il trouverait un compagnon égal au rude  combattant  qu'il  avait  été. «  Le  choix  narratif  de  ce  passage  présente  plusieurs  éléments  marquants: d'abord, Philippe parle de lui‐même à la troisième personne, comme s'il parlait de  quelqu'un d'autre (ce qui est précisément ce qu'il essaie de faire puisqu'il cherche à cacher à ses  auditeurs  qu'il  est  la  personne  qui  veut  se  suicider).  Mais  ce  détail  est  d'autant  plus  frappant  que  le  « il «  de  son  récit  se  révèle  être  un  sujet  passif:  ce  sont  « ses  souvenirs «  qui  « l'entraînent «,  sans  qu'il  soit  capable  d'expliquer  la  raison  de  son  déplacement  jusque  sur  la  tombe du Soldat. La voie passive est utilisée pour rapporter ce fait; et que l'auteur de l'action et  du  récit  ne  puissent  donner  d'explication  pour  cet  acte  suggère  qu'une  force  supérieure,  surhumaine, donc au‐delà de ce qui est compréhensible, s'est exercée sur le sujet. A priori, ce  serait la force des souvenirs de guerre.    Cependant, un autre souvenir s'offre « à l'esprit de ce condamné à mort « un peu plus 

 

loin dans le récit: « Mais, soudain, à l'esprit de ce condamné à mort s'offre le souvenir de Jésus  devant le tombeau de Lazare, criant d'une voix forte: « Lazare, sors! « Et Lazare apparaît... «. On  assiste donc à un mélange des souvenirs de guerre et des souvenirs de la Bible, des souvenirs  saints. L'homme semble être possédé par la vision du souvenir, que les spectateurs, comme les  autres personnages de la pièce, visionnent en même temps que lui – c'est du moins ce à quoi  s'attend sans doute l'auteur en indiquant que ce discours est suivi d'un « long silence « dans les 

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didascalies.  C'est  un  silence  qui  laisse  place  à  l'agitation  de  l'imagination.  Puis,  peu  à  peu,  on  revient à la réalité, ou plutôt on quitte le monde des souvenirs pour revenir au calme présent:  « Lorsque mon camarade revient à lui, la flamme tremblote toujours à ses pieds, mais elle ne  l'appelle plus... il s'en va... «. Ici, il suggère que c'est la flamme qui avait appelé l'ancien soldat à  venir sur la tombe, et non le Soldat Inconnu; ou bien les deux ne sont qu'un. Est‐ce la flamme de  l'enfer qui poussait ce croyant à agir en mauvais catholique? La flamme de l'Enfer qu'ont vécu  les soldats au front?     La pièce de Curel est un théâtre d'idées qui est très tourné vers le thème de la religion et 

 

de  la  foi.  Cet  épisode  sur  la  tombe  du  Soldat,  placé  au  centre  de  la  pièce  est  sans  doute  le  passage,  sinon  le  plus  important,  du  moins  le  plus  saisissant,  et  est  lourd  de  significations.  La  tombe  du  Soldat  n'est  pas  vraiment  un  monument  en  soit,  c'est  une  tombe  surmontée  d'une  flamme symbolique pour les milliers de soldats morts pour la France. Mais elle est placée sous  l'Arc  de  Triomphe  qui  l'abrite,  et  qui  n'est  autre  qu'une  œuvre  d'art  qui  commémore  une  victoire  de  Napoléon.  Walker  Benjamin,  dans  son  essai  The  Work  of  Art  distingue  deux  types  d'œuvres d'art au sens large du terme (peinture, sculpture, architecture, etc.). Le premier type  est celui qui concerne les œuvres à valeur de culte (cult value) et le second est celui des œuvres  faites pour être exposées (exhibition value). Benjamin explique que certaines œuvres d'art, et  surtout les monuments et statues, sont produites en premier lieu en tant qu'objet de culte, et  donc que ce qui importait était leur existence, non leur exposition. Benjamin ajoute que « today  the  cult  value  would  seem  to  demand  that  the  work  of  art  remains  hidden. «  C'est  ce  qui  se  passe avec l'Arc de Triomphe, placé au cœur de Paris pour être vu, admiré, photographié, filmé,  etc. et la tombe du Soldat, placée au même endroit, mais pourtant cachée, simple, surmontée 

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d'une flamme qui « tremblote «. Le contraste est saisissant; et l'on ne peut s'empêcher d’y voir  le contraste que trace Benjamin entre le monument qui est là pour être vu, et le monument qui  est là pour être là, a valeur de culte. Benjamin déclare que « It is easier to exhibit a portrait bust  that can be sent here and there than to exhibit the statue of a divinity that has its fixed place in  the interior of a temple. « (p. 39) Ainsi, l'Arc de Triomphe est exposé à tous, et, à l'intérieur de  ce monument – de ce « temple « – la tombe du Soldat est fixée, cachée, car elle est là pour le  culte: ce qui compte, c'est qu'elle soit  là, qu'on la voit ou pas. La plupart des français, après la  Première  Guerre  Mondiale,  n'ont  sans  doute  jamais  vu  la  tombe  du  Soldat  Inconnu,  mais  ils  savent qu'elle existe, et ce qui compte, après tout, c'est qu'elle existe, qu'on la voit ou pas.    Cette  valeur  de  culte,  de  divin  qui  est  donc  donnée  à  la  tombe  du  Soldat  pourrait 

 

expliquer en partie pourquoi c'est à cet endroit de culte, dans le Temple que représente l'Arc de  Triomphe, que l'homme désespéré qui veut se suicider reçoit une vision divine sous forme de  souvenir. Lorsqu'il revient à lui (se réveille? Sort de son état de transe?) il n'est plus le même  homme,  comme  s'il  était,  lui,  sorti  de  la  tombe,  et  rentré  chez  lui  pour  recommencer  une  nouvelle vie, pour ressusciter, comme Lazare. Observons la continuation de cette vision divine  dans la pièce, un peu plus loin, dans un dialogue entre Philippe et Odile, qui le prie de demander  d'elle ce qu'il voudra pourvut que cela le sauve:  « Odile ‐ [...] Ce ne sont plus de banales gentillesses que je vous offre... demandez‐moi  ce que vous voudrez... oui... ce que vous voudrez...  Philippe – Si j'acceptais, je serais le dernier des misérables.  Odile – Vous demandiez autrefois... 

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Philippe – Quand j'étais un autre homme... Je ne suis plus celui que vous avez connu...  Odile – Si, puisqu'il y a un instant, vous m'aimiez encore!...  Philippe, hors de lui, les yeux hagards – J'oubliais! J'oubliais!  Odile  –  Oh!  Dans  vos  yeux  passe  une  horrible  vision!  Que  voyez‐vous?...  (Philippe  va  parler) Non! Non!... Ne le dites pas!... J'ai peur!... Philippe!... mon cher Philippe!... c'est  moi!... bien moi!  Philippe, revenant au calme. ‐ Pardon, je... Il y a un sujet, voyez‐vous, qu'il ne faut plus  aborder... Jamais!... Jamais!  Odile – Je n'en ai plus envie... gardez votre secret... « (p. 11)    Dans cet extrait, Philippe dit explicitement qu'il n'est plus « celui que [Odile a] connu. « Il 

 

était  un  « autre  homme «  à  Paris,  en  revenant  de  la  guerre.  Il  est  maintenant  rentré  chez  lui  après avoir été sur la tombe du Soldat Inconnu et après avoir eu ce souvenir de Jésus qui parle à  la tombe de Lazare – après avoir obtenu la deuxième vie qu'il recherchait. Il est intéressant de  voir que Philippe, après la guerre, n'est pas retourné chez lui, mais est resté à Paris pour mener  une  vie  d'excès  et  de  débauche.  Lorsqu'il  reçoit  la  « résurrection «,  elle  n'est  pas  apparente  immédiatement:  il  s'en  va  « achever  la  nuit  en  faisant  la  fête  à  Montmartre «  mais,  peu  de  temps après, il rentre chez lui, ce qui est le premier pas vers sa nouvelle vie sans qu'il le sache  (car il pense toujours à se donner la mort, il ne sait pas que c'est chez lui qu'il va rencontrer sa  future  épouse,  alors  en  visite  en  tant  que  religieuse).  Dans  sa  discussion  présentée  ci‐dessus  avec Odile, Philippe semble avoir à nouveau une vision, qui effraie sa compagne. Il est « hors de 

 

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lui, les yeux hagards « et Odile lui parle comme s'il ne la reconnaissait pas. Il emploie les mots  « j'oubliais!  J'oubliais! «,  qui  ramènent  à  nouveau  au  thème  du  souvenir,  thème  majeur  bien  évidemment  dans  ces  pièces  de  théâtre  qui  traitent  de  la  guerre,  et  sur  lesquelles  nous  reviendrons plus tard.    Une fois que Philippe s’est rendu sur la tombe du Soldat et eut le souvenir de Jésus, non 

 

pas la vision comme la sœur Marthe l'interprète (« sauvé par une vision céleste «), il commence  sans s'en rendre compte à se diriger vers une nouvelle vie, une vie de l'après‐guerre. Avant cela,  avant la capacité de se souvenir, il menait une vie qui avait fini par le  mener au désespoir, et  donc  au  suicide.  C'est  en  visitant  ce  lieu  du  mythe  qui  est  le  nouveau  centre  de  la  structure  sociale dont les anciens combattants ont besoin afin de reconstruire leur vie, que la vie reprend  pour  Philippe,  petit  à  petit.  Philippe  a  pris  conscience  à  travers  le  souvenir  reçu  sur  la  tombe  qu'il oubliait – ce qui le terrorise lorsqu'Odile lui dit qu'il est toujours le même homme qu'elle a  connu: « Il y a un instant, vous m'aimiez encore!.. « Philippe réagit comme un possédé, hors de  lui,  les  yeux  hagards:  « J'oubliais!  J'oubliais! «  ‐  il  oubliait  en  effet  lorsqu'il  aimait  Odile  il  y  a  encore un instant, et en oubliant il redevenait celui qu'il avait été après la guerre, lorsqu'il vivait  à  Paris.  Ce  qu'il  oubliait  est  ouvert  à  l'interprétation,  mais  il  semble  évident  qu'il  oubliait  ses  compagnons morts au combat, représentés par la tombe du Soldat.   L'action  de  la  pièce  s'accélère  lorsque  Philippe  rentre  chez  lui:  Alice,  qui  était  muette,  commence à prendre un rôle de plus en plus important, à parler de plus en plus souvent ; les  personnages  vont  et  viennent  dans  la  maison  du  « futur  suicidé «  (Lebleu,  son  ami  prêtre  et  compagnon  de  guerre, son  jardinier,  compagnon  de  guerre  aussi,  Odile  sort  de  sa  cachette...)  mais c'est surtout le personnage d'Alice qui évolue le plus et qui passe d'un rôle quasi inexistant 

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au rôle presque le plus important – c'est finalement avec elle que Philippe décide de se marier.  Tout se passe très vite lorsqu'il rentre chez lui – en l'espace de deux jours, Philippe revoit ses  compagnons de guerre et demande une jeune fille, par ailleurs ancienne infirmière de guerre,  en mariage. Dans le cas de cette pièce, la visite du personnage principal à la tombe du Soldat  Inconnu est donc primordiale à l'action de la pièce, car c'est sur la tombe qu'il « reçoit « le « don  de souvenir « qui lui permet de continuer à vivre. Cela enclenche tout ce qui se produit ensuite  dans  la  pièce.  Il  faut  noter  que  la  peur  de  l'oubli,  bien  que  peu  explicite,  est  une  chose  qui  terrorise Philippe, et est un thème majeur de la pièce, car sans cette tension entre l'oubli et le  souvenir, il n'y aurait sans doute pas de pièce du tout, puisque ce sont les forces majeures qui  déterminent  le  comportement  de  Philippe  (bien  qu'il  n'arrive  jamais  à  mettre  les  mots  sur  ce  qu'il  ressent).  C'est  lors  de  sa  visite  sur  la  tombe  que  ces  deux  forces  se  rencontrent  et  produisent l'effet de transe décrit dans la pièce comme « une vision céleste « par la religieuse  (ce  qui  démontre  par  ailleurs  son  incapacité  à  se  détacher  de  la  tradition  religieuse  pour  concevoir une autre réalité, peut‐être une autre religion).    La  religion  est  un  thème  récurrent  chez  Raynal  et  Curel.  Elle  fini  toujours  par  être 

 

écartée, non pas reniée, mais dépassée par la nouvelle structure de la société nécessitée par la  guerre.  Elle  est  elle  aussi  redéfinie :  l’institution  du  mariage,  discutée  plus  haut,  se  passe  des  rites religieux. Ce sont les morts qui sacrent le mariage, et non plus le prêtre :  « ELLE – Je boierai à notre bonheur ! A notre bonheur, autorisé par eux !  LUI – Applaudi par eux !  ELLE – Consacré par eux ! 

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LUI – Partagé par eux !  ELLE – Et béni par eux ! « (p. 115)  Ce sont ici les morts qui bénissent l’union sacrée des fiancés. Dans la pièce de Curel, la jeune  femme,  ancienne  infirmière,  est  en  train  de  faire  une  initiation  pour  devenir  bonne  sœur ;  cependant, elle décide après avoir rencontré Philippe de faire faux‐bon à la sœur Marthe qu’elle  accompagnait.  C’est  l’ami  de  Philippe,  le  prêtre  Lebleu,  qui  pousse  les  deux  jeunes  gens  à  se  marier et donc pousse l’apprentie « sœur de charité « à ne pas suivre les ordres religieux. C’est  même  lui  qui  déclare  que  les  sentiments  de  devoir  religieux  cachent  des  pulsions  sexuelles :  « Ce  que  très  sincèrement  vous  nommez  satisfaction  du  devoir  accompli  n’était  que  le  plaisir  physique d’être en contact avec de jeunes hommes. La preuve, c’est que, lorsque vous soignez  de  macabres  vieillards,  ce  généreux  sentiment  se  transforme  en  dégoût «  (p.  23).  L’homme  d’église  ne  produit  pas  ici  le  discours  que  l’on  s’attend  à  entendre  de  la  part  d’un  prêtre.  La  religion  étant  un  rouage  essentiel  à  la  société  de  l’époque,  elle  se  trouve  donc  elle  aussi  questionnée dans les pièces de théâtre.      Le  Tombeau  sous l’Arc de  Triomphe  de Raynal  est  une  pièce  qui  se  déroule  pendant  la 

 

guerre ;  le  tombeau  n’existe  donc  pas  à  l’époque  où  les  personnages  discutent  dans  la  pièce.  Cela  suggère  qu’il  s’agirait  des  restes  de  ce  soldat‐là  (le  fils)  sous  le  tombeau ;  d’une  façon  symbolique,  ce  sont  tous  les  problèmes  soulevés  par  cette  pièce  qui  se  retrouvent  enfermés  dans  le  tombeau.  Le  théâtre  permet  donc  de  commémorer  bien  plus  que  l’acte  de  sacrifice  ultime qu’ont fait les millions de morts : il permet de commémorer des tensions sociales qui ont 

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existées  à  l’époque,  et  que,  sans  lui,  on  oublierait.  En  effet,  les  monuments  ne  peuvent  communiquer  ces  tensions  sociales :  face  à  un  monument,  chacun  a  une  réaction  différente  selon ses connaissances de l’époque commémorée dans la pierre. Au théâtre en revanche, des  idées  plus  subtiles  peuvent  être  mises  en  scène  et  le  spectateur  peut  revivre,  l’espace  de  la  représentation, ce que les gens de l’époque ont vécus. De cette façon, le spectateur se sent plus  proche et prend part au conflit ; il comprend mieux les tensions sociales que soulève la guerre  et,  lorsqu’il  se  rend  sur  un  monument  aux  morts,  le  monument  prend  alors  tout  son  sens.  Le  monument de pierre est érigé par les autorités politiques (ce qui est critiqué dans nombre de  pièces  et  autres  œuvres  littéraires  qui  traitent  de  la  première  guerre  mondiale) ;  la  pièce  de  théâtre  en  revanche  met  en  scène  tout  ce  qu’elle  veut,  toute  une  société  miniature.  Elle  commémore  à  la  fois  les  morts  et  les  survivants  –  ce  que  le  monument  ne  fait  pas  (il  ne  commémore  que  les  morts).  Elle  commémore  aussi  les  lâches,  les  embusqués,  ceux  qui  ne  méritent  pas  d’entrer  dans  l’histoire  mais  dont  le  comportement  doit  être  dénoncé  (il  s’agit  souvent de la figure du père, chez Raynal mais aussi dans Les Marchands de gloire de Pagnol par  exemple).    En  conclusion,  les  deux  pièces  de  théâtre  étudiées  dans  ce  devoir  s’approprient  le 

 

monument  qu’est  la  tombe  du  Soldat  Inconnu  et  s’érigent  elles  aussi  en  monument  en  rapportant  des  comportements  et  problèmes  sociaux  qui  ne  doivent  pas  être  oubliés ;  en  quelque  sorte,  elles  « brodent «  autour  du  monument  qu’est  le  Tombeau.  Tandis  que  le  monument en tant que tel est offert à l’interprétation du spectateur, le théâtre, lui, offre son  interprétation, fait réfléchir et  influence le spectateur. Il permet de pousser la commémoration  plus  loin  et  d’inclure ce  qu’on  a  tendance  à  oublier  une  fois  la  guerre  finie.  L’acte  de  rejouer, 

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éternellement, des scènes de la vie de ceux qui sont morts pour la patrie donne la parole aux  disparus, et c’est peut être la plus belle façon de les commémorer.                               

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Curel, François. La Viveuse et le moribond. La Petite Illustration, Paris, 1926.  Raynal, Paul. Le Tombeau sous l'Arc de Triomphe. Librairie Stock. Delamain et Boutelleau. Paris.  1930.  Benjamin, Walker, The Work of Art in the age of mechanical reproduction, 1936.  Derrida, Structure, sign and play in the discourse of the human sciences. 1978.  Lévi‐Strauss, Anthropologie Structurale. 1958.  Barthes, The Death of the Author. 1968.   

 

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