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La loreley Etude littéraire

Publié le 15/12/2013

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119380-171450Guillaume APOLLINAIRE, Alcools « La Loreley » 0Guillaume APOLLINAIRE, Alcools « La Loreley » Introduction : A quoi servent les légendes sinon à faire peur et à se faire peur... Bon nombre de créatures traversent ainsi les siècles et les siècles et les cultures sans perdre de leur pouvoir effrayant et envoûtant. Il en va ainsi de la bête du Gévaudan, du Kraken scandinave ou bien du Loch Ness écossais. Certaines de ces légendes ont également fait de créatures féminines de véritables figures littéraires : les fées bretonnes Vivianne et Morgan (Merlin) ou encore Mélusine (Le livre de Mélusine). La Loreley fait partie de ces figures légendaires consacrées par la littérature, par Heinrich Heine et par la suite par Guillaume Apollinaire dans la section « Rhénanes » d'Alcools. Alors que la tradition assimile cette créature à une sirène qui tue les navigateurs, les attirant par sa beauté vers le rocher qui porte son nom dans le Rhin et sur lequel leur navire se brise, Apollinaire donne sa propre version du personnage. Nous pouvons ainsi nous demander comment le poète parvient à moderniser le mythe Rhénan de la Loreley en se l'appropriant au plus haut point. En effet cette femme originellement bourreau des coeurs ne présente-t-elle pas certaines ressemblances avec Apollinaire en devenant elle-même sa propre victime ? Comment par des jeux d'échos et de brouillages, Apollinaire confère-t-il à ce thème une nouvelle profondeur ? Si l'on retrouve en apparence les grandes lignes de la légende Rhénane, en réalité Apollinaire lui offre une forme aussi ensorcelante que son thème. Cependant il ne se contente pas de moderniser ce mythe, il se l'approprie au point que nous pouvons peut-être voir dans cette Loreley le propre reflet du poète I) Le mythe revisité de la Loreley A) Une beauté fatale - Une beauté exceptionnelle La Loreley est « blonde », « aux yeux pleins de pierreries » (hyperbole et métaphore) et brillant « comme des astres ». L'apostrophe « ô belle Loreley » traduit l'éblouissement du poète. De plus l'évêque « l'absolvit à cause de sa beauté » (hyperbole) - Une « Fleur du Mal » La beauté de la Loreley est fatale, tous les hommes y succombent, elle « laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde », y compris les hommes d'Eglise car même l'évêque est séduit. Ses yeux sont maudits, ils engendrent le mal et ses yeux sont mortels : « Ceux qui [l]'ont regardé ont péri », « [Ses] yeux se sont des flammes ». On repère dans ce vers une tournure emphatique qui permet d'insister sur le caractère infernal des yeux. Le choix de la locution « à cause de sa beauté » met l'accent sur le fait que sa beauté n'est pas tout à fait un avantage. - Un être surnaturel La Loreley possède des pouvoirs et fait référence aux divers mythes Rhénans. Cette légende est ancrée dans un lieu réel : « A Bacharach ». Il existe effectivement un rocher qui est rattaché à la légende de la Loreley. B) Une figure complexe - Une femme polymorphe Elle est qualifiée tours à tours par divers substantifs : « nonne », « Lore en folie », « femme en démence », « vierge », « veuve ». Elle réunit également plusieurs éléments : les « yeux [qui] sont des flammes » et les « cheveux de soleil » pour le feu. Les « yeux pleins de pierreries » pour la terre. Les « yeux couleur du Rhin pour l'eau » - Un bourreau des coeurs Ses yeux sont incandescents. Dans le vers « Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley », on relève une allitération en [l] et une paronomase avec « flambe » et « flammes » qui traduisent le pouvoir de la femme. La Loreley ne peut aimer personne à l'exception de l'amant dont il est question : « Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien ». - Une victime de l'amour La Loreley est séparée de son amant. Le vers « Mon amant est parti pour un pays lointain » est soit un euphémisme pour évoquer le mort, soit l'homme est réellement parti (rupture). « Mon coeur me fait mal depuis qu'il n'est plus là Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla ». Dans ces vers on peut remarquer une anaphore en « Mon coeur me » qui montre son envie de mourir dans sa douleur est forte. Par l'injonction « Faites-moi donc mourir », elle implore l'évêque d'abréger ses souffrances. Elle est incapable d'aimer à nouveau, incapable de vivre. II) Une réécriture envoûtante A) Un poème polymorphe - Un conte Tout d'abord on relève la formule traditionnelle du conte « il était une fois » est remplacée par une formulation à peu près similaire « il y avait ». On remarque dans cette formule l'imparfait et le « il » impersonnel comme dans la formule traditionnelle. On retrouve également les personnages des contes et du Moyen Âge : le « château », la « lance », la « nacelle ». On peut aussi retrouver les grandes étapes du schéma narratif : Situation initiale : une femme fatale aux hommes sur les bords du Rhin. Elément perturbateur : tribunal qui juge cette femme Péripéties : traversée avec les chevaliers qui l'emmènent jusqu'au couvent + volonté de la femme d'aller sur le rocher + éventuelle hallucination Elément de résolution : amant qui vient la chercher Situation finale : mort - Un Lied Def : Poème germanique chanté et accompagné par un instrument Distiques - Rimes suivies - Souplesse des vers - Systèmes d'échos entre certaines rimes (strophes 3 et 5 : « sorcellerie » et « pierreries ») B) Un charme (sort jeté au lecteur) - La polyphonie 3 instances plus ou moins discernables les unes des autres : La Loreley (discourt direct) L'évêque (discours direct) Le poète narrateur (Chevaliers) Peu de poèmes narratifs, beaucoup plus de descriptifs. Le poète se fait troubadour. Absence e ponctuation -> brouillage énonciatif -> Relecture pour discerner qui parle - L'envoûtement Reprises de sonorités : « riez priez » « flambe » / « flammes » Parallélismes : « Mon coeur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là / Mon coeur me fit si mal du jour où il s'en alla » « Il faut bien que je meure » / « Il faudrait que j'en meure » Poème comme un tourbillon dans lequel le lecteur est happé III) Un poème entre syncrétisme culturel et figure personnelle A) Syncrétisme culturel (poète s'inspire de choses connues de tous) - Les mythes antiques Les sirènes - Narcisse - Méduse - Les mythes médiévaux et rhénans Folklore germanique, légendes de l'est, nixes (déesses qui vivent dans l'eau) - Les mythes littéraires Victor Hugo, Notre Dame de Paris : Frollo amoureux d'Esméralda - Shakespeare, Hamlet : Ophélie dont la beauté est une malédiction ce qui la conduit à la folie B) Figure personnelle et appropriation du mythe - Echos personnels « Mon amant est parti dans pour un pays lointain » -> Au sens propre (séparation géographique) : Echo à Annie Playden qui part aussi pour un pays lointain (Amérique) + Ancrage du poème dans l'univers Rhénan : séjour en Allemagne où il l'a rencontrée Poète dans la même posture que Loreley -> victime de l'amour - Incapacité à aimer « Je me croyais mal-aimé tandis que c'était moi qui aimait mal » -> vers 16 « Je n'aime rien » => Rapprochement Apollinaire - Loreley. Apollinaire est à la fois Loreley et victime de Loreley, il est partout, il est les trois personnages à la fois

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