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La mondialisation abolit-elle l'opposition nord/sud ?

Publié le 22/03/2011

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La mondialisation abolit-elle l’opposition nord/sud ? Le Chili est devenu membre de l'OCDE le 11 janvier 2010. L'Estonie, Israël et la Slovénie le 27 mai 2010. Aussi, ce sont aussi bien des pays du Nord et du Sud qui cette année ont intégré le « club » des pays développé. Mondialisation : mise en relation des différentes parties du monde d’abord par la multiplication des flux puis par l’internationalisation des échanges. Abolir : mettre un terme à la validité de Opposition Nord/Sud : d’où vient-elle ? En quoi est elle ou a-t-elle été valide ? Effet de la colonisation, de la  révolution industrielle, et de la première mondialisation. Ainsi l’Europe et les premiers « gagnants » de la mondialisation (USA, Japon, NPI, Australie, Nouvelle Zélande) se retrouvent qualifiés de pays du Nord, car ils sont caractérisés par : PIB/h élevé, IDH > 0.8, niveau de vie élevé, taux d’urbanisation élevé, tertiarisation de l’économie, entre autres. Aujourd’hui, le terme de pays du Nord prend aussi en compte les pays issus de l’ex bloc communiste, actuellement considérés comme étant « en transition » par l’ONU. Par opposition, on parle également de pays du Sud, terme regroupant des territoires diversifiés : - des pays émergents, acteurs montant dans ce que F. Braudel appelle l’économie-monde : Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud, Mexique, … - des pays vivant d’une rente (pétrolière, matière première propre à leur territoire…), au PIB important, mais ayant des retards et des carences sur le plan du développement (IDH, indice de Gini, situation alimentaire parfois précaire…) : monarchie du Golfe arabo-persique (EAU, Arabie Saoudite, Koweït, Qatar, …), Argentine (exportations de viande), Maroc (matières premières minières), … - des pays en marge, que l’ONU qualifie de PMA : situés dans la « diagonale de la sécheresse » (Mauritanie à la Somalie), certains pays d’Asie (Laos, Bhoutan, Bangladesh, Afghanistan), et d’autres pays (Haïti, …) Le processus d’intégration croissante auquel répond le phénomène de mondialisation entraîne t-il la mise en place d’un nouveau système monde remettant en cause les oppositions historiques et structurelles de part et d’autre de la ligne Nord-Sud ? i - dans sa logique d’intégration des différentes parties du monde par l’internationalisation des flux et des échanges, la mondialisation tend à intégrer une part croissante d’acteurs du Sud dans le système-monde, remettant à la fois en cause la ligne Nord/Sud et les oppositions préexistantes 1-1) EN EFFET, La limite NORD/SUD n’est pas une limite fixe, surtout avec la mondialisation :    * On peut évoquer sur ce point l’exemple des NPI d’Asie, ou « 4 Dragons », qui en sont un véritable symbole. En effet, Hong-Kong, la Corée du Sud, Singapour et Taiwan, anciennes colonies ou territoires ayant vécu des conflits durant la première moitié du 20ème siècle, ont changé de statut en quelques décennies, et sont aujourd’hui unanimement considérés comme des pays du Nord. Ainsi, croissance économique et développement ont été rendus possibles grâce à la mondialisation, en particulier avec le modèle d’Akamatsu : arrivée massive de capitaux venant du « grand frère » japonais, diffusion de techniques de production comme le taylorisme ou le toyotisme, … Aujourd’hui, d’après les chiffres du FMI, un Sud-Coréen dispose d’un pouvoir d’achat nettement supérieur à celui d’un Portugais.

   * D’autre part, face à la forte croissance des pays dits « émergents » (Brésil, Chine, Afrique du Sud), dynamique qui tend à les rapprocher des pays du Nord, on peut penser que cette limite Nord/Sud devra être reconsidérée d’ici quelques années. D’abord parce qu’il y a croissance économique dans ces pays émergent. Par exemple, alors que de nombreux pays du Nord ont connu une contraction de leur PIB en 2009, celui de la Chine a augmenté de plus de 8 % selon les estimations. Mais, c’est aussi parce que ces pays connaissent une phase de développement, même si des retards persistent. A titre d’exemple, l’IDH du Brésil était de 0,65 en 1975, il est aujourd’hui supérieur à 0,81 (mais encore loin du 0,95 qu’affiche la plupart des pays de la Triade).

   * De plus, on a de l’autre côté quelques pays du Nord qui semblent moins mis en valeur que d’autres dans la logique d’intégration liée à la mondialisation, c’est le cas des PECO d’Europe de l’Est. Ces derniers captent moins d’IDE, ont des IDH moins importants, et pèsent moins dans le commerce mondial que leurs voisins d’Europe de l’Ouest. 1-2) EN PARALLELE, les pays du sud sont dotes de responsabilites croissantes, que ce soit sur le plan economique comme sur le plan politique :    * De plus en plus d’acteurs majeurs de la mondialisation sont issus des pays du Sud, en particulier les FMN. Les multinationales des pays émergents gagnent des places dans la hiérarchie mondiale ; ainsi, on pouvait en recenser 47 dans le classement Fortune 500 en 2006, contre 19 en 1990. On voit en effet monter des firmes chinoises (SINOPEC, …), indiennes (Mittal, qui a fusionné avec Arcelor [Luxembourg]), saoudiennes (ARAMCO), etc. Sur le plan financier, les banques chinoises, par exemple, ont un poids de plus en plus important à l’échelle mondiale (ICBC est devenue la première mondiale). Il en est de même pour les places boursières des pays du Sud, dont certaines rivalisent avec celles des pays du Nord (Johannesburg, Sao Paulo, Shanghai, …).

   * Sur la scène politique internationale, les voix du Sud se font de plus en plus entendre, que ce soit pour défendre des intérêts économiques comme pour des intérêts géopolitiques. Parmi les exemples qui ont fait récemment l’actualité, on peut parler du Sommet de Copenhague de 2009, au sein de laquelle les pays du Sud ont pesé fortement dans les négociations. Il y a aussi le rôle que les pays du Sud ont eu pendant l’ « Uruguay round » du GATT au début des années 90, qui a abouti à la création de l’OMC. On peut également évoquer le poids croissant du G20 au sein des négociations sur l’agriculture dans le cadre de l’OMC. Ces éléments tendent à prouver que l’opposition Nord/Sud s’atténue en termes de puissance de décision, et d’influence à l’échelle mondiale, mais si cette affirmation est à relativiser (comme nous le verrons en III). 1-3)   Enfin, le modele de mondialisation culturelle et sa dynamique d’internationalisation des flux d’informations semblent rapprocher les 2 ensembles :    * Opposition Nord/Sud atténuée sur le plan culturelle avec l’uniformisation relative des modes de vie à l’échelle mondiale. Dans un sens, on a des pays du Sud dont les classes moyennes et aisées ont un mode de vie qui se rapproche de celui des sociétés occidentales (maison et voiture individuelles, consommation de masse, etc.). Dans l’autre sens, on a des éléments culturels spécifiques de certaines régions du Sud (musique, alimentation, …) qui font maintenant partie intégrante de la culture des pays du Nord.

   * On peut aussi parler d’abolition de l’opposition Nord/Sud sur le plan linguistique, dans la mesure où on assiste  à la disparition de dialectes et langues au profit de quelques langues (unification linguistique surtout au profit de l’anglais) – cf. Claude Hagège. Aussi, il y a diffusion du sport moderne au détriment de jeux traditionnels dont les grands rendez-vous sont généralement dans les pays du Nord (quelques exceptions récentes avec l’apparition des pays émergents : JO de Pékin 2008, Coupe du monde de football en RSA en 2010). Ii- Les acteurs de la mondialisation jouent sur les gradients des différents territoires, l'opposition Nord/Sud en est donc un moteur et par conséquent la mondialisation accroit cette opposition Nord/Sud 2-1) Ces gradients se font sentir à travers un certain nombre de phénomènes.    * On peut parler tout d'abord des migrations internationales, car en ce qui concerne les travailleurs, 65% de ces derniers proviennent des pays du sud et les pays du Nord accueillent 60% des immigrés; cela souligne bien l'opposition entre Nord et Sud, les pays du Nord étant une région attractive, avec un certain nombre d'atouts économiques et sociaux. Ensuite, il faut évoquer les cas par exemple des différentes législations sociales, parfois très assouplies, dans le but de faire venir certains centres de production de grandes entreprises; les salaires en sont les principaux exemples, ainsi un salarié du textile japonais touchait en 2004 selon l'ITC américain 22,76 dollars l'heure tandis qu'un Bengali touchait 0,25 dollar. Le cas de la finance est lui aussi assez révélateur, puisque l'activité financière (au travers des bourses, des banques ou encore des investisseurs institutionnels) se concentre au Nord comme en témoigne le fait que 85% de la capitalisation boursière du monde se fasse dans les bourses des pays occidentaux; le Nord possède non seulement les acteurs incontournables de la finance, en plus de posséder une avance technologique, logistique et humaine qui aboutissent à cette avance en terme de finance, révélateur de différences structurelles importantes. Les murs qui se dessinent le long de cette ligne imaginaire Nord/Sud (Mexique, USA, enclaves espagnoles…) sont des éléments révélateurs de cette fracture qui existe encore.

2-2) La mondialisation repose certes sur une interconnexion croissante des territoires, il n'empêche qu'elle met en place une hiérarchie au niveau mondial, hiérarchie entre pays, en fonction des avantages comparatifs de chacun.    * C'est le cas lorsque que l'on parle de la division internationale du travail menée par les grandes FMN, avec une segmentation croissante de leurs appareils productifs et l'apparition d'une lourde opposition entre pays du Nord et du Sud. Les premiers concentrent les centres de commandement et de gestion à l'aide d'une main d'œuvre qualifié. Les seconds ont quant à eux plutôt tendance à devenir des pays ateliers, les sièges de délocalisations du fait d'une législation sociale parfois plus souple et d'avantages fiscaux, principalement dans les industries de main d'œuvre demandant peu de technologie. Aussi le gouffre séparant dans certains cas pays du Nord et pays du Sud ne cesse d'augmenter, les transferts technologiques des premiers vers les seconds ne suffisent par exemple pas pour contrecarrés les innovations technologiques et logistiques des premiers. La mondialisation, dans sa logique de fragmentation, oppose constamment les deux hémisphères économiques de notre planète. Cela a pour conséquence, entre autres, de créer une interdépendance entre ces deux pôles bien plus nocive pour les pays du sud; en effet, ces derniers dépendent des produits manufacturés par les pays du Nord, ils importent des produits qu'ils ont parfois eux mêmes fabriqués. On peut néanmoins nuancer cette position car les pays du Nord sont très dépendants énergiquement: du pétrole des monarchies du Golfe Arabo-Persique, de matières premières minières présentent dans des pays comme le Brésil ou encore du gaz. Néanmoins, on peut affirmer que la production des pays du Sud dépendent très fortement de la demande des pays du Nord (pétrole, mines, productions diverses suite à des délocalisations), les pays émergents comme le Brésil, la Chine ou le Mexique ayant encore bien du mal à suivre une telle demande.

2-3)  Par conséquent, les pays du Sud finissent par dépendre de plus en plus des pays du Nord, dépendance que l'on remarque au niveau de l'influence sur le plan économique et politique.    * Ce phénomène c'est déjà fait sentir dans les années 80, quand pour résoudre le problème de sur-endettement des pays du Sud, les économies du Nord ont décidé d'imposer des plans d'ajustement structurel, jugés nécessaires pour stabiliser des économies moribondes. De tels plans se sont révélés désastreux, les années 80 ont d'ailleurs finies par être nommés la \"décennie perdue\". Cela prouve le manque d'influence des pays du Sud, qui ont de plus peu d'autorité au sein d'institutions internationales d'ordre économique comme le FMI (longtemps jugé comme étant un instrument de la politique internationale des États-Unis). Enfin, il est clair que cette mondialisation, en augmentant les rapports de force d'un point de vue économique entre pays du Nord et du Sud, favorise la faiblesse d'un point de vue politique des pays en voie de développement. Bien que l'ONU se veuille égalitaire, la présence d'un seul État du Sud dans le conseil de sécurité montre à quel point ceux-ci sont géopolitiquement faibles. Et les rares fois où ces derniers ont essayé de s'imposer sur la scène internationale cela s'est fini en échec, comme en témoigne le cas du tribunal international pour la justice climatique  voulu par le président bolivien Evo Morales.

III- En définitive si l’on peut constater une certaine remise en cause de l’opposition nord sud avec la mondialisation, c’est peut être au profit de nouvelles oppositions qui se creent dans les différentes parties du monde et cela à toutes les échelles. 3-1) à l’échelle globale, un nouveau système monde naissant remet en cause le clivage nord/sud    * la diversité des Sud n’est pas nouvelle : en effet dans le rapport Brandt publié 1969 où l’on a pour la première fois parler de la limite Nord/Sud, on évoquait que pour les pays du Sud « la gamme allait d’une nation demi industrialisé comme le Brésil à des pays pauvres enserrés par les terres comme le Tchad ou insulaires comme les Maldives et des pays vivant de la rentre pétrolières comme le Qatar ».  Ainsi cette ligne Nord/Sud qui est selon Carl Schmitt une « ligne globale » séparant des pays historiquement dominés et des pays dominants répond de moins en moins à une logique évidente. On distingue des pays comme la Chine aujourd’hui capable de rivaliser avec les USA (Courrier International parlait dans son numéro 1006 de G2) et au contraire des pays insulaires et des PMA dépendant totalement des pays du Nord (tourisme, exportations surtout concentrées sur un seul produit). Cette diversité est aussi visible politiquement. L’échec dans la mise en place d’un consensus à Copenhague du fait des voix divergentes au Sud l’illustre. On peut alors parler non plus d’un Sud mais de plusieurs « Suds ».

   * Par ailleurs, certains PECO souffrent d’un retard très important tant au niveau économique qu’en terme de développement : Moldavie, Biélorussie ou encore Albanie… 3-2) les phénomènes de régionalisation et de métropolisation tendent à favoriser avec la mondialisation de nouvelles iinégalités    * La métropolisation favorise des inégalités à l’échelle régionale. De fait, des villes, dans la logique d’intégration du système monde, tendent à concentrer l’ensemble des pouvoirs. Par exemple, Séoul réalise plus de 60% du PIB coréen. De même, le PUB (produit urbain brut) de Paris est équivalent à celui de la Hongrie. Ce dernier exemple met en avant l’inégalité des Nord tant au niveau des pays que des villes. Par ailleurs, la mondialisation favorise certains territoires au profit d’autres. A titre d’exemple, la Chine littorale et ses nombreuses ZES est beaucoup plus sujette aux investissements que la Chine intérieure.

   * La régionalisation phénomène indissociable de la mondialisation participe à la dialectique globalisation-fragmentation. Des interfaces se créent et profite de l’influence positive de l’influence d’acteurs prospères. C’est le cas par exemple de la façade Asie-Pacifique ou de l’ALENA. Mais de telles organisations sont sources d’inégalités entres les acteurs : le poids des USA sur l’ALENA est considérable. Des coopérations ont par ailleurs tenté de voir le jour mais sont restés éphémères ou impuissantes face aux obstacles mis en place par certains acteurs : la CARICOM (marché commun des Caraïbes) n’a jamais pu se développer du fait d’obstacles mis en place par les USA. 3-3) ces inégalités se retrouvent à l’echelle locale    * On observe en particulier dans les métropoles du Sud un contraste flagrant entre les CBD symboles de la prospérité économique nouvelle et les bidonvilles qui se développent et illustrent la pauvreté et la misère persistante. Cela peut même se traduire par une ségrégation ethnique ou économique. CONCLUSION Il semble qu’on peut bel et bien affirmer que la mondialisation suit une logique qui tend à atténuer l’opposition les deux « blocs » Nord et Sud. Pour autant, si elle abolit cette opposition, ce n’est pas au profit d’un « espace-monde » unifié, mais plutôt à celui d’une multitude de pôles (métropoles, littoraux, …) à toutes les échelles : la mondialisation redessine le globe en termes de centres et de périphéries.

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