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La voie de fait

Publié le 30/10/2011

Extrait du document

les exceptions aux règles de répartition des compétences de droit commun

  1. I.                   Les hypothèses de concurrence entre les deux ordres de juridiction

 

  1. A.     Les données du problème

Il est fréquent qu’à l’occasion d’un litige relevant de sa compétence, le juge judiciaire se trouve confronté à l’application d’un acte adm. Cette fréquence s’explique par le fait que la grande majorité du droit positif à pour origine des décrets et des arrêtés donc des actes administratifs. Deux types de problème peuvent se rencontrer

Premier type, l’acte adm n’est pas clair et il s’agira alors de déterminer si le juge judiciaire est compétent pour l’interpréter.

Deuxième : l’une des parties du litige met en cause la légalité d’un acte adm, il s’agit alors de savoir si le juge judiciaire peut apprécier lui-même la légalité de cet acte. Si le juge judiciaire tranche lui-même le problème, on dira qu’il règle une question préalable. En revanche s’il s’estime incompétent on dira qu’il renvoie une question préjudicielle au juge adm dans ce cas il va sursoir à statuer jusqu’à ka réponse du juge adm. Si on applique de façon stricte la règle de séparation entre les autorités adm et judiciaires on devrait considérer que le juge judiciaire est incompétent quelque soit la question qui lui est posé. En effet les textes qui institues ce principe interdisent au juge judiciaire de s’immiscer dans les affaires de l’adm et plus spécialement le décret du 16 fructidor AN III lui interdit de connaitre des actes de l’adm.

Cependant du point de vue de l’opportunité et d’une bonne adm, une telle solution serai impraticable. Le tribunal des conflits a défini des règles qui reconnaissent dans une certaine mesure la compétence du juge civil et du juge pénal pour interpréter et pour apprécier la légalité des actes adm

Tribunal des conflits 16 juin 1923, arrêt SEPTFONDS. Le juge civil est compétent pour interpréter les actes adm règlementaires ce qui présente un caractère impersonnel. Ceci s’explique par le fait que le juge civil doit apprécier très fréquemment ce type d’acte et en conséquence s’il était incompétent cela aboutirait a une multiplication des questions préjudicielles. En revanche le juge civil n’est pas compétent pour interpréter les actes nominatifs. Il est également incompétent pour apprécier la légalité des actes adm qu’ils soient règlementaires ou individuels.

  1. B.     La compétence du juge pénal

A l’origine le tribunal des conflits, à l’occasion d’un arrêt du 5 juillet 1980, arrêt AVRANCHES et DESMAREST. Selon cet arrêt le juge pénal est compétent pour interpréter et apprécier la légalité des actes règlementaires qui servent de fondement à la poursuite ou qui sont invoqués comme moyen de défense. Le juge pénal est incompétent pour interpréter et pour apprécier la légalité des actes individuels. La chambre criminelle de la Cour de cassation n’a jamais admis cette solution. 

Finalement cette controverse va se terminer avec la réforme pénale de 1992 qui étant le champ de compétence du juge répressif. Sur l’article L111-5 du code pénal, le juge répressif est compétent pour interpréter et apprécier la légalité des actes adm règlementaire ou non. Lorsque de cet examen dépend la solution du conseil pénal qui lui est soumis.

  1. Les hypothèses de compétence exclusives du juge judiciaire

 

  1. A.     Les litiges concernant le fonctionnement du service public de la justice judiciaire

Le service public de la justice est un service public administratif, donc si l’on applique les règles jurisprudentielles, la répartition des compétences, les litiges occasionnés par ce service public relèvent de la compétence du juge administratif. Toutefois reconnaitre la compétence du juge administratif, pour juger les dysfonctionnements de la justice judiciaire, porterait atteinte à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du juge judiciaire.

En conséquence, en ce qui concerne ces litiges, le tribunal des conflits à définit une règle particulière de répartition des compétences à l’occasion de son arrêt préfet de GUYALLANE du 27 novembre 1952. En ce qui concerne les litiges liés à l’organisation de ce service public, c’est le juge administratif qui est compétent. En revanche pour les litiges liés à son fonctionnement c’est le juge judiciaire qui est compétent.

Ex : l’organisation concerne par exemple les recours contre les décisions créant ou supprimant des tribunaux, des décisions nommant des membres du conseil supérieur de la magistrature ou encore des recours au décisions relatives ou recrutement ou à la carrière des magistrats.

Ex : Le fonctionnement concerne l’exercice de la fonction de juger. Sont concernées toutes les questions qui touchent à la fonction juridictionnelle. C'est-à-dire à la décision de justice elle-même, aux actes qui la préparent et aux actes qui visent à assurer son exécution.

  1. B.     Le juge judiciaire gardien traditionnel des libertés fondamentales et du droit de propriété.

La raison d’être de la compétence du juge judiciaire dans ce domaine est historique. Elle est née au fait qu’à l’origine il n’existait pas de distinction réelle entre l’administration et son juge. En conséquence le juge judiciaire était mieux placé pour protéger les libertés fondamentales et le droit de propriété contre les atteintes qui lui auraient été portées contre l’administration.

Actuellement cette compétence est partiellement reconnue par l’article 66 de la constitution qui concerne la liberté individuelle. Le respect du principe selon lequel «  nul ne peut être arbitrairement détenu est assuré par l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle. »

En revanche il n’existe pas dans la constitution de règles équivalentes concernant la protection du droit de propriété. Cependant, traditionnellement la jurisprudence à toujours reconnue la compétence du juge judiciaire dans ce domaine. La compétence du juge judiciaire en matière de protection des libertés fondamentales et du droit de propriété résulte de textes de lois et de théories jurisprudentielles de l’organisme et de la voie de fait.

  1. 1.     Les illustrations législatives du principe

Ponctuellement différentes lois dont l’origine est souvent ancienne ont attribué compétences au juge judiciaire pour protéger les libertés fondamentales et le droit de propriété.

Ex : le contentieux de l’hospitalisation psychiatrique, ce contentieux relève essentiellement du juge judiciaire par l’article L3113-1. Dans ce domaine, la répartition des compétences à été précisée par le conseil d’état dans son arrêt de section du 1er avril 2004, arrêt LAPORTE. Il appartient à la juridiction adm d’apprécier la régularité de la décision administrative ordonnant l’hospitalisation d’office. En revanche l’autorité judiciaire est seule compétente pour apprécier la nécessité de la mesure prise et pour en réparer les conséquences dommageables.

 

Ex : le code d’expropriation dont l’origine remonte à 1810 attribue compétences au juge judiciaire pour opérer le transfert de propriété des biens et pour indemniser la personne expropriée.

En revanche le juge administratif est seul compétent pour se prononcer sur la légalité de la déclaration d’utilité publique qui décide du principe d’expropriation. Il est également compétent pour connaitre de la légalité de l’arrêté de cessibilité qui identifie les parcelles à exproprier.

En dehors des solutions législatives, l’article 136 du Code de procédure pénal octroie une compétence plus générale au juge judiciaire «  dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l’autorité administrative et les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents. » Ainsi ce texte parait imposer la compétence exclusive des tribunaux judiciaires pour juger l’administration en cas d’atteinte aux libertés individuelles. Le tribunal des conflits à toutefois interprété l’article 136 du code de procédure pénal de façon très restrictive.

Tribunal des conflits 16 novembre 1964 : arrêt CLÉMENT. Pour le tribunal des conflits, cette interprétation stricte est née au fait que l’article 136 doit être compris comme une dérogation au principe de séparation des autorités administrative et judiciaire.

En conséquence les tribunaux judiciaires sont compétents pour réparer les dommages subits, mais sont incompétent pour apprécier la légalité des décisions administratives à l’origine de l’atteinte à la liberté adm. Confronté à l’une de ces décisions le juge judiciaire doit donc sursoir à statuer et renvoyer une question préjudicielle au juge administratif.

C’est donc le juge administratif qui décide du bien-fondé de l’action en dommages et intérêts. Le juge judiciaire n’est donc plus compétent que pour évaluer le montant de ces dommages et intérêts. L’efficacité de l’article 136 est donc pratiquement réduite à néant, ce qui explique qu’il n’est que très rarement appliqué par les justiciables.

  1. 2.     La théorie jurisprudentielle de l’emprise

Cette théorie concerne exclusivement les atteintes portées par l’administration à la propriété privée lorsqu’elle se manifeste par une occupation ou une dépossession temporaire ou définitive, partielle ou totale. Seule la propriété privée des immeubles est concernée par cette théorie. Ce qui exclut à la fois les meubles et les différents démembrements du droit de propriété.

Ex : tribunal des conflits  26 octobre 1981, arrêt syndicat de copropriétaire d’ARMENONVILLE. L’emprise n’est pas constituée dans un cas ou l’administration porte atteinte à une servitude de passages. Cependant s’agissant des démembrements de la propriété occupée une exception concerne les titulaires de concession funéraire.

Arrêt JACQUOT 6 juillet 1981, pour la jurisprudence en effet le contrat de concession de sépulture permet une occupation de service public qui n’a pas le caractère précaire et révocable qui s’attache en général aux occupations du domaine public.

Conseil d’état 21 octobre 1955, arrêt MELINE. La jurisprudence distincte deux types d’emprises :

  • L’emprise régulière : dans ce cas l’occupation ou la dépossession ont été opérés en vertu d’un texte.  en principe c’est le juge administratif qui est compétent sauf si la loi en dispose autrement.  Le juge administratif est compétent pour le contentieux des réquisitions municipales visées par l’article L2115-1 du CJCP. En revanche le code de l’expropriation donne compétence au juge judiciaire pour le transfert de propriété des biens et pour l’indemnisation des personnes …

 

  • L’emprise irrégulière : l’emprise est irrégulière lorsqu’elle n’a pas été autorisée

Cour de cassation 7 mai 1996 arrêt AZUL RÉSIDENCE ; le juge judiciaire annule une ordonnance d’expropriation alors que l’adm à déjà pris possession des lieux. L’annulation juridictionnelle ayant un caractère rétroactif l’occupation du terrain est constitutive d’une emprise irrégulière. Dans cette hypothèse le juge adm est compétent pour se prononcer sur le caractère régulier ou irrégulier de l’emprise. Si l’emprise est irrégulière, c’est le juge judiciaire qui en réparera les conséquences.

  1. 3.     La théorie jurisprudentielle de la voie de fait

 

  1. a.      Le domaine de la voie de fait

Contrairement à l’emprise, la reconnaissance de la voie de fait aboutit à con

Le juge judiciaire peut non seulement réparer les conséquences de la voie de fait, mais peut également constater son existence et adresser des injonctions à l’adm pour qu’elle y mette fin. Ce dernier point est très important puisque jusqu’à une époque récente, le juge administratif ne disposait pas de pouvoirs d’injonction à l’égard de l’administration.

La voie de fait est considérée comme une atteinte tellement grave à la propriété privée à une liberté fondamentale que l’action de l’adm se trouve totalement dénaturée. En conséquence, il n’y a plus de raison de lui faire bénéficier d’un privilège de juridiction et de lui appliquer des règles dérogatoires du droit commun.

Il existe deux types de voix de fait :

  • Les voies de fait par manque de droit ; dans ces hypothèses c’est une décision qui est directement en cause. Tribunal des conflits 9 juin 1986 arrêt EUCAT une décision retirant un passeport à son titulaire peut être constitutif d’une voie de fait.

 

  • Les voies de fait par rang de procédure qui concerne l’exécution irrégulière de décisions administratives. Plus précisément dans un tel cas est en cause l’administration qui procède à l’exécution forcée de l’une de ces décisions dans les cas où elle n’est pas autorisée à le faire et ou elle dû en conséquence saisir un juge.

Ex : conseil d’état 11 mars 1998 arrêt AUGER. Pour s’assurer que son arrêté ordonnant la fermeture d’un local sera respecté, la police fait murer la porte de son local 4 novembre 1991 arrêt BELADGIMI. Un véhicule laissé en stationnement pendant plus de 7 jours consécutifs au même endroit est enlevé par la fourrière et détruit le même jour par les services municipaux. Le code de la route permettait l’enlèvement par la fourrière d’un véhicule laissé trop longtemps en stationnement. En revanche le code précisait que ne peuvent être livrés à la destruction que les véhicules laissés en fourrière et réputés abandonnés à l’expiration d’un délai de 10 jours à compter de la mise en demeure faite au propriétaire. La destruction du véhicule était donc constitutive d’une voie de fait

  1. b.     Les conditions de la reconnaissance de la voie de fait

La jurisprudence à défini trois conditions cumulatives pour que la voie de fait soit constituée :

  • Une atteinte à la propriété privée ou à une liberté fondamentale. Le domaine de la voie de fait est plus large que sur l’emprise qui le concerne que la propriété privée immobilière. Lorsque c’est la propriété privée immobilière qui est atteinte, la première condition de la voie de fait est remplie, si cette atteinte se traduit par une emprise. Lorsque c’est une liberté qui est atteinte, il se pose la question de savoir si elle présente ou non un caractère fondamental. En cas de réponse négative  il n’y aura pas voie de fait, mais le considérant comme une inégalité relevant du juge administratif. La plupart des libertés sont des libertés fondamentales. La liberté d’aller et de venir, la liberté de la presse ou encore la liberté du commerce et de l’industrie.

 

  • Tribunal des conflits 13 janvier 1992 arrêt association nouvelle des girondins de bordeaux. La rétrogradation d’un club de foot ne constitue pas une atteinte à la liberté fondamentale.
  • L’atteinte doit être grave

Conseil d’État section 8 avril 1961 arrêt KLEIN. L’administration av               ait déplacé de quelque mètre une clôture empiétant ainsi sur une parcelle appartenant à une personne privée. L’atteinte n’est pas suffisamment grave pour être qualifié de voie de fait.

Cour de cassation : 16 avril 1991 ; arrêt GUEZ. Un arrêté du préfet de police avait interdit les spectacles de rue dans quelques rues de la capitale. La cour va considérer que l’atteinte portée à la liberté du commerce et de l’industrie n’est pas d’une gravité certaine il n’y a donc pas voie de fait. La mesure prise doit être manifestement insusceptible d’être attachée à un pouvoir appartenant à l’administration.

Cette formule a été utilisée pour la première fois par le conseil d’état dans son arrêt du 18 novembre 1949 ; Arrêt CARLIER. A l’origine cette condition était considérée comme **** dans les cas ou l’administration utilisait un pouvoir qui ne lui appartenait en aucun cas.

Ex : conseil d’état 13 juillet 1966 ; arrêt GUIGNON. L’autorité militaire avait fait poser des CD sur la prête privée d’un officier

Par la suite la jurisprudence va interpréter différemment cette condition dans un sens plus favorable à la reconnaissance de la voie de fait ce est-ce que l’on appelle la jurisprudence des passes port. Le juge ne reconnait plus seulement la voie de fait dans le seul cas ou l’administration utilise un pouvoir qui ne lui appartient pas. Il va vérifier si dans l’affaire qui est soumise, le texte qui fonde les pouvoirs de l’administration permet l’exercice de la prérogative en cause.

Tribunal des conflits 9 juin 1986, arrêt EUCAT. Le requérant attaque une décision de retrait de son passeport. Les deux premières conditions de la voie de fait sont remplies puisque cette mesure porte une atteinte grave à une liberté fondamentale. En revanche si l’on applique la jurisprudence CARLIER on devrait considérer que la troisième condition de reconnaissance de la voie de fait n’est pas remplie.

En effet un décret du 7décembre 1792 permet à l’administration de retirer un passeport. Dans l’arrêt EUCAT cependant, les juges vont aller plus loin dans leur analyse. Ils vont vérifier qu’elles sont les différentes hypothèses qui autorisent l’administration à retirer un passeport. Or d’après le décret de 92 le retrait de passeport ne peut intervenir que dans deux cas.

  • En cas de risque pour la sécurité nationale ou la sécurité publique
  • En cas de poursuites et de condamnations pénales

En l’espèce, le motif invoqué par l’adm était que le requérant était redevable d’un arriéré d’impôt. Il ne s’agit donc pas de l’une des hypothèses visées par le décret de 1792. Il y a donc voie de fait.

Tribunal des conflits 12 janvier 1987, arrêt GRIZIVATZ. Dans cette affaire le retrait du passeport était motivé par une condamnation pénale avec contrainte par corps, dans cette hypothèse il n’y a pas de voie de fait puisque l’adm à utilisé un pouvoir qui lui appartient en poursuivant l’un des objectifs visés par le décret de 1792. Cette jurisprudence avait pour conséquence d’étendre le domaine de la voie de fait elle avait pour inconvénient de brouiller la distinction entre ce qui relève de la voie de fait et ce qui relève d’une simple inégalité.

Le tribunal des conflits est finalement revenu sur cette conception extensive à partir de l’arrêt du tribunal des conflits du 12 mai 1997, préfet de police contre TGI de Paris. Cet arrêt marque un retour à la jurisprudence CARLIER et donc à une conception plus restrictive de la voie de fait.

Tribunal des conflits 23 octobre 2000, arrêt BOUSSADAR. Est contestée une décision de refus de visa. Le tribunal relève que l’autorité administrative a agit sur le fondement de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour aux étrangers en France. En conséquence, le refus de visa ne saurait être regardé comme manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir de l’administration. Conformément à la jurisprudence CARLIER les juges visent le texte applicable sans vérifier quelles sont les hypothèses précises visées par ce texte qui peuvent fonder la décision de refus de visa. En pratique du fait de cette évolution jurisprudentielle, la qualification des faits est fréquemment écartée, l’adm agissant rarement en dehors d’un texte.

  1. c.      L’actualité de la voie de fait

Au 19ème siècle jusqu’à une époque ressente, la théorie d’une voie de fait constituait la seule hypothèse dans laquelle un juge  pouvait prononcer des injonctions à l’encontre de l’adm. Aujourd’hui le juge adm dispose dans différentes hypothèses d’un tel pouvoir d’injonction notamment les lois du 16 juillet 1980 et du 8 février 1995 permettent aux juridictions adm de prononcer des injonctions éventuellement assorties d’astreintes pour obliger l’adm à exécuter les décisions de justice qui la condamne. Toutefois  cette possibilité n’était pas ouvert dans les cas ou l’adm commettait une simple illégalité et n’avait pas encore été condamné ce qui pouvait poser de grave… et déboucher sur des solutions contestables du point de vue de l’équité. 

Cette difficulté va être révélée par la décision du tribunal des conflits du 12 mai 1997. Préfet de police contre TGI de PARIS. Cette décision a été rendue sur partage du garde des Sceaux et suite à cette intervention plusieurs membres du tribunal ont présenté leur démission. Des passagers clandestins avaient été représentés à bord d’un bateau

Le préfet décide de concilier les passagers à bord du bateau. Les passagers clandestins qui craignent que le bateau reparte saisissent le juge judiciaire sur le fondement de la voie de fait. Ils demandent qui soit enjoint à l’autorité administrative de les faire débarquer et de les placer en zone d’attente. Le juge judiciaire se déclare compétent ce qui va conduire le préfet à mettre en œuvre la procédure de conflit positif. Le tribunal des conflits va considérer qu’il n’y avait pas voie de fait ce qui revient à dire que c’est le juge administratif qui aurait du être saisi pour connaitre de la légalité de la mesure prise par le préfet.

Cependant le juge adm ne disposant pas dans un tel cas de pouvoir d’injonction il ne pouvait en aucun cas contraindre l’adm à faire débarquer les passagers ce qui rendait donc sa saisine inutile. Cette affaire était symptomatique d’une conception extensible de la voie de fait par le juge judiciaire. Cette conception s’expliquant par le fait que seul ce juge peut rendre la justice efficacement dans ce type d’affaires. Ces difficultés sont aujourd’hui en partie résolues depuis que la loi du 30 juin 2000 a créé devant le juge adm une nouvelle procédure de référée des libertés.

Article L521-2 du code de la justice saisi d’une demande de sens justifié par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’adm aurait porté dans l’exercice de ses pouvoirs une attaque grave et manifestement illégale. Ainsi le juge adm, peut désormais enjoint à l’adm de faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale lorsqu’il n’y a pas voie de fait, de la même façon que le juge judiciaire dans les hypothèses où il y a voie de fait. Cependant la théorie de la voie de fait n’a pas été remise en cause. En effet, pour qu’il y ait voie de fait il  est nécessaire que la mesure pose soit manifestement insusceptible d’être rattaché à un pouvoir appartenant à l’adm. Or dans le cadre du référé l’adm porte atteinte à une liberté fondamentale «  dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs » l’utilité de la théorie de la voie de fait a été confirmée à plusieurs reprises par le tribunal des conflits à l’occasion d’un arrêt du 19 novembre 2001, demoiselle de Mohamed contre ministre l’intérieur. La requérante s’était vu confisquer son passeport lors d’un contrôle effectué à la douane dans un aéroport. Dans l’attente d’un contrôle de sa nationalité et de son identité elle est placée en zone d’attente. Elle n’est relâchée qu’au bout de 4 jours. Le tribunal des conflits va considérer que la durée excessive de ce placement permet de considérer qu’une voie de fait à été commise.

On peut aujourd’hui s’interroger sur la légitimité de la surveillance de la théorie de la voie de fait. En réalité il n’existe plus aujourd’hui aucune raison d’ordre juridique ou pratique susceptible de légitimer cette théorie. Le maintient de a voie de fait demeure pour des raisons d’ordre historiques, elle permet de ménager la susceptibilité du juge judiciaire.

Quoi qu’il en soit le maintient de la théorie de la voie de fait nui aux intérêts des administrés que la loi du 30 juin 2000 a pour objet de délier. Elle maintient les risques de conflit de compétence engendré par l’obligation de rechercher si un acte de l’adm attentatoire à une liberté fondamentale se rattache ou non à un pouvoir lui appartenant. De tels conflits sont générateurs de perte de temps pour le justiciable alors que lorsqu’il y a atteinte aux libertés fondamentales il sera toujours urgent d’y mettre fin. Il aurait donc été souhaitable que la nouvelle procédure de référé des libertés s’applique également aux hypothèses ou l’adm sort du cadre de ses pouvoirs.