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L'adieu à Berlin

Publié le 22/02/2012

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31 août 1994 - Rarement cérémonie officielle aura été aussi lourde de symboles et aussi riche en émotion que celle qui a salué jeudi 8 septembre le départ définitif des " troupes " alliés de Berlin où elles étaient présentes depuis près de cinquante ans. Ce fut une journée joyeuse et nostalgique à la fois, où la satisfaction des dirigeants occidentaux d'avoir vu la paix triompher au coeur du continent s'alliait à la tristesse d'une population consciente de sa dette historique envers les soldats qui incarnaient la détermination de l'Occident face à la menace communiste. Ce fut aussi une journée vouée au souvenir, où revenaient à la mémoire des Berlinois reconnaissants les moments les plus intenses de ce demi-siècle, depuis ces 462 jours de blocus (1948-1949) jusqu'à la folle nuit du 9 novembre 1989 où s'effondra le mur tant honni érigé vingt huit ans plus tôt lors d'une autre nuit, honteuse, celle-là. Un demi-siècle de drames, de peurs et d'espoirs, qui à Berlin symbolisa la déchirure de la vieille Europe puis ses retrouvailles avec elle-même. C'était l'époque où, à l'image du président Kennedy, les peuples d'Europe se sentaient tous " Berlinois ". En ce sens, l' " adieu aux armes " qu'a vécu jeudi la capitale historique de l'Allemagne marque le dernier acte de la guerre froide, l'ultime consécration de l'unité allemande retrouvée. Mais, comme aime à le souligner François Mitterrand, l'Histoire se fait chaque jour et ses leçons doivent être sans cesse méditées. Rien d'étonnant donc que le président français ait tempéré sa réjouissance par un appel à la vigilance, car " le triomphe de la liberté ne va pas sans nouveaux dangers pour la paix ". Le drame qui ensanglante l'ex-Yougoslavie, le regain des nationalismes, le réveil des préjugés ancestraux ethniques et religieux justifient bien sûr cette vigilance de tous les instants. Pour Berlin, redevenue capitale, et pour l'Allemagne tout entière, une nouvelle ère commence. De nouveau maîtresse de son destin, elle doit maintenant affronter pleinement ses responsabilités. L'illusion de la tutelle, que donnait encore la présence des unités alliées, s'est dissipée. L'Allemagne est désormais puissante, au coeur de l'Europe, et les regards convergent de toutes parts sur elle, pour voir ce qu'elle fera de sa force et de sa liberté d'en user. Il y a un siècle et demi, la fin de l'occupation de Berlin par les troupes napoléoniennes marquait le début d'un mouvement d'unification allemande dressé contre les autres pays européens. Aujourd'hui, cette réunification dans la confiance retrouvée rassemble toutes les conditions pour apporter au continent européen la paix et l'unité. A condition, bien sûr, de privilégier l'ouverture, notamment vers les " jeunes démocraties " de la famille européenne. A condition de ne pas remplacer le désir d'expansion du passé par la tentation d'un repli frileux. BULLETIN Le Monde du 10 septembre 1994

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