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le cheval est celui des animaux domestiques qui a les plus longues oreilles.

Publié le 22/10/2012

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le cheval est celui des animaux domestiques qui a les plus longues oreilles... — P. Voilà, Socrate, qui prêterait à rire. — S. Non, pas encore. Mais si je m'appliquais sérieusement à te persuader, en composant un discours à la louange de l'âne, que j'appellerais cheval, disant estimable la possession de cette bête chez soi comme à la guerre, servant de monture au combat, capable de porter les bagages et propre à mille autres usages... — P. Pour le coup, ce serait du plus haut comique. — S. Un ami ridicule ne vaut-il pas mieux qu'un ennemi redoutable ? — P. Évidemment. — S. Ainsi lorsqu'un orateur qui ignore le bien et le mal et trouve la cité dans le même cas, la persuade non pas que c'est du cheval qu'il fait l'éloge en parlant de « l'ombre de l'âne «, mais qu'il fait celui du bien en parlant du mal ; lorsque, bien informé des opinions de la foule, il l'aura persuadée de faire le mal au lieu du bien, quel fruit, après cela, crois-tu que la rhétorique récoltera de ce qu'elle a semé ? — P. Un fruit pas très satisfaisant. — S. Mais, mon cher, est-ce que nous n'aurions pas vilipendé plus brutalement qu'il ne sied l'art des discours ? Il pourrait répliquer : 14 quels raisonnements étonnants débitez-vous là ? Pour ma part, je ne force personne à apprendre à discourir s'il ignore le vrai, au contraire : si l'on m'en croit, que l'on commence par s'en assurer la connaissance avant de venir à moi ; mais ce que je proclame, c'est que l'on aura beau connaître le vrai, sans moi, on ne sera pas plus avancé pour cela dans l'art de persuader «. — P. N'aurait-il pas quelque droit à tenir ce langage ? — S. J'en conviens si du moins les arguments qu'il recueille attestent qu'il est un art. Mais il me semble que j'en entends d'autres qui viennent protester qu'il ment et qu'il n'est pas un art, mais une pure routine : 14 De véritable art du dire sans attache à la vérité, il n'y en a point et il n'y en aura jamais « dit le Laconien. Phèdre, 259e-260e 6. LE DIALOGUE COMME EXERCICE DIALECTIQUE [L'ÉTRANGER-LE JEUNE SOCRATE] —É. A notre présent propos, enchaînons-en un autre qui, par-delà notre enquête actuelle, concerne de façon générale la nature des entretiens dialectiques du genre de celui-ci. — J.S. De quoi s'agit-il ? — É. Suppose que l'on nous pose la question suivante : dans une classe où l'on apprend à lire, lorsque l'on demande à un élève de quelles lettres est composé tel mot, dirons-nous qu'on se borne à la question posée ou bien qu'on vise à le rendre meilleur lecteur de tous les mots qu'il pourra rencontrer ? — J.S. De tous les mots, cela va de soi. — É. Dès lors, que dirons-nous de l'enquête que nous menons présentement sur la politique ? se limite-t-elle au cas de ce dernier ou bien vise-t-elle à nous rendre meilleurs dialecticiens sur tous les sujets ? — J.S. Sur tous les sujets évidemment. — É. Assurément, ce n'est pas pour le tissage lui-même qu'un homme sensé se mettrait en quête d'une définition du tissage. Mais je crois qu'il y a une chose qui échappe à la plupart des gens : c'est que pour certaines des réalités, il y a des ressemblances naturelles, sensibles et faciles à saisir, qu'il n'y a aucune difficulté à mettre en évidence quand on veut les démontrer facilement, non pas à grands frais, mais sans preuve, à quiconque veut s'en rendre compte ; alors qu'en revanche pour d'autres réalités, les plus éminentes et celles qui ont le plus de prix, il n'existe aucune image qui soit faite pour les rendre évidentes aux hommes, image qu'il suffirait de montrer, en l'ordonnant à quelqu'une des sensations pour contenter l'âme de l'homme qui désire lui donner satisfaction. Voilà la raison pour laquelle il faut s'entraîner à être à même de donner et de recevoir raison de toutes choses : c'est que celles qui sont incorporelles, les plus belles et les plus grandes, ne peuvent se montrer clai- rement que par la définition, et par rien d'autre ; or c'est elles que tous nos présents propos ont en vue. Mais en tout domaine il est plus aisé de s'exercer sur les sujets mineurs que sur les sujets majeurs. — J.S. On ne saurait mieux dire. — É. Rappelons donc les raisons que nous avons eues de dire tout ce que nous avons dit là-dessus. — J.S. Quelles sont-elles ? — É. Précisément l'ennui que nous infligea la prolixité de notre discours sur le tissage, puis sur la révolution rétrograde de l'univers, puis à propos du sophiste sur l'existence du non-être ; conscients de sa longueur excessive, nous nous en sommes fait grief, craignant d'avoir fait digression et d'en avoir abusé. Admets que c'est pour éviter pareils scrupules à l'avenir que nous venons de préciser tout cela. — J.S. Soit, poursuis seulement. — É. Je dis donc qu'il faut que toi et moi nous nous souvenions de ce que nous venons de dire chaque fois qu'il s'agira de blâmer ou de louer brièveté aussi bien la brièveté que la longueur des propos que nous tiendrons sur quelque sujet que ce soit : ce n'est pas en comparant les longueurs qu'il faut en juger, mais bien, conformément à cette partie de l'art de mesurer que nous recommandions tout à l'heure à notre souvenir, d'après la convenance. — J.S. C'est juste. — É. Encore n'est-ce pas non plus toute chose qu'il faut mesurer à cette aune. Car ce n'est nullement pour l'agrément, sauf à titre accessoire, que nous exigerons longueur appropriée ; et ce n'est pas non plus au premier rang de notre préférence, mais au second, que l'argument nous convie à mettre la facilité et la rapidité dans la découverte de la solution du problème posé, car il nous convie bien plutôt à accorder prévalence au procédé de recherche qui met à même de diviser selon les espèces et en particulier à poursuivre, si longue qu'elle soit, l'argumentation qui rend l'auditeur plus inventif sans plus s'irriter de ce qu'elle est longue qu'on ne le ferait si elle était plus courte. Au surplus, celui qui blâme la longueur des propos dans des entretiens comme les nôtres et n'accepte pas les détours qui reviennent à leur point de départ, l'argu-

« LE DISCOURS PHILOSOPHIQUE 6.

LE DIALOGUE COMME EXERCICE DIALECTIQUE [L'ÉTRANGER-LE JEUNE SOCRATE] 31 - É.

A notre présent propos, enchaînons-en un autre qui, par-delà notre enquête actuelle, concerne de façon générale la nature des entretiens dialectiques du genre de celui-ci.

- J.S.

De quoi s'agit-il? - É.

Sup­ pose que l'on nous pose la question suivante : dans une classe où l'on apprend à lire, lorsque l'on demande à un élève de quelles lettres est composé tel mot, dirons-nous qu'on se borne à la question posée ou bien qu'on vise à le rendre meilleur lecteur de tous les mots qu'il pourra rencontrer? - J.S.

De tous les mots, cela va de soi.

- É.

Dès lors, que dirons-nous de l'enquête que nous menons présentement sur la politique ? se limite-t-elle au cas de ce dernier ou bien vise-t-elle à nous rendre meilleurs dialecticiens sur tous les sujets ? - J.S.

Sur tous les sujets évidemment.

- É.

Assurément, ce n'est pas pour le tissage lui­ même qu'un homme sensé se mettrait en quête d'une définition du tissage.

Mais je crois qu'il y a une chose qui échappe à la plupart des gens : c'est que pour certaines des réalités, il y a des ressemblances natu­ relles, sensibles et faciles à saisir, qu'il n'y a aucune difficulté à mettre en évidence quand on veut les démontrer facilement, non pas à grands frais, mais sans preuve, à quiconque veut s'en rendre compte; alors qu'en revanche pour d'autres réalités, les plus éminentes et celles qui ont le plus de prix, il n'existe aucune image qui soit faite pour les rendre évidentes aux hommes, image qu'il suffirait de montrer, en l'or­ donnant à quelqu'une des sensations pour contenter l'âme de l'homme qui désire lui donner satisfaction.

Voilà la raison pour laquelle il f~ut s'entraîner à être à même de donner et de recevoir raison de toutes choses : c'est que celles qui sont incorporelles, les plus belles et les plus grandes, ne peuvent se montrer dai-. »

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