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« Le droit de l'animal, évolution et perspective » par S. Antoine (extrait de l'anthologie Si les lions pouvaient parler)

Publié le 22/02/2012

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droit
A l'heure actuelle de nombreux textes législatifs et réglementaires ont l'animal pour objet. L'examen de cette abondante législation démontre que le droit de l'animal est une branche du droit d'une particulière complexité. Cette complexité tient à la fois au contenu exact du terme de «droit » appliqué à cette matière et à l'extrême diversité du monde animal. On peut en effet entendre par « droit de l'animal » l'ensemble des règles juridiques destinées à assurer la protection de ses intérêts propres; dans un sens plus large ce terme peut se référer à l'ensemble des textes traitant de l'animal et notamment à ceux relatifs à la protection de la nature. Il s'agit alors d'un droit établi non plus seulement dans l'intérêt du seul animal, mais également et surtout dans l'intérêt de l'homme soucieux d'exploiter au mieux les richesses de la nature. Parler du « droit de l'animal » c'est aussi déterminer les catégories d'animaux auxquels il va s'appliquer. Il n'est pas toujours aisé de distinguer le règne animal du règne végétal et il existe plus d'un million d'espèces diverses. Toutes ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une réglementation, mais la nécessité, maintenant reconnue, de préserver les équilibres naturels amène le juriste à étendre le champ de la législation à des catégories d'êtres vivants de plus en plus nombreuses. Aux difficultés inhérentes à la diversification des espèces s'ajoutent celles qui proviennent de la manière dont l'animal est perçu suivant les fonctions qu'il occupe dans la société. Tantôt il est considéré comme un animal de compagnie et chargé à ce titre d'éléments affectifs, tantôt il est considéré sous son aspect purement utilitaire et seul l'intérêt économique qu'il produit dictera alors les règles juridiques à lui appliquer. Il est animal de laboratoire, gibier, bête de cirque ou de zoo, animal féroce, animal nuisible..., autant de dénominations qui vont engendrer des textes différents; le plus souvent le droit de l'animal n'est que l'accessoire du droit des hommes soucieux de l'utiliser au mieux de leurs intérêts. Le droit de l'animal interfère avec beaucoup d'autres branches du droit; la grande prolifération des textes ayant trait à l'animal touche à tous les domaines du droit: le droit de l'animal est proche de celui de la protection de la nature, il s'intègre dans le droit civil quant à la propriété des biens, il est concerné par le droit pénal quant aux infractions commises envers les animaux, il est englobé dans de nombreux articles du code rural relativement aux lois sur la protection de l'agriculture, aux lois sur la chasse, sur le transport et la détention d'animaux vivants; l'utilisation de l'animal dans les domaines de l'alimentation et de l'expérimentation s'insère dans le droit vétérinaire et dans la réglementation des commerces de boucherie. L'animal est partout présent dans notre vie et le droit de l'animal, tributaire de la vie économique humaine, parvient avec difficulté à établir sa spécificité. Il présente des aspects divers, souvent difficiles à concilier, d'ordre affectif, éthique, économique. Il évolue au gré des transformations de la vie agricole, des découvertes de la biologie, de l'élévation du niveau de vie et des exigences toujours croissantes de la société de consommation. Il est fait de contradictions: au désir de produire des aliments carnés en grande quantité, engendrant élevages industriels et transports d'animaux vivants sur de longues distances, à l'augmentation du nombre de produits pharmaceutiques nécessitant une expérimentation croissante sur l'animal, s'oppose la réaction de ceux qui, au nom de règles morales, s'insurgent contre les méthodes pratiquées. Plus encore que l'ambiguïté de la situation de l'animal dans la société humaine, l'obstacle majeur à la reconnaissance de ses droits par la loi provient de l'intérêt économique qu'il suscite; l'animal représente une source de profit si importante qu'on le laisse volontairement réduit à son aspect de produit utilitaire, sans se soucier de sa nature d'être sensible, vivant et souffrant. Les avantages économiques qui naissent de l'exploitation animale vont de pair avec des considérations politiques: la protection de l'animal passe au second rang quand il s'agit de préserver les intérêts de groupements influents.

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