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Le Grand Théâtre du Monde

Publié le 12/09/2006

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Le Grand Théâtre du Monde est une pièce de théâtre sacramental (d’inspiration religieuse) espagnole en un acte écrite par Pedro Caldéron de la Barca en 1635-1665. Cette pièce nous plonge dans le siècle d'or, l'ère du baroque espagnol. Ce passage met en scène des personnages allégoriques qui font de cette pièce un « théâtre dans le théâtre « détruisant ainsi l’illusion théâtrale. Dans cette scène, Le Roi vient de mourir et se présente devant le Monde pour le jugement final. En quoi cet extrait sert d’outil de propagande religieuse ? Quels sont les procédés mis en œuvre pour y parvenir ? Nous verrons dans un premier temps que cet extrait nous présente la vie comme une pièce de théâtre, et nous verrons dans un second temps la portée des personnages allégoriques. I. La vie est une pièce de théâtre ? A. Le Monde est un dramaturge Caldéron présente Dieu comme un dramaturge qui crée des personnages, leur donne un rôle à jouer, mais reste muet sur l'interprétation : à chaque acteur de jouer au mieux. En conséquence de quoi, le comédien est observé par un spectateur, lui-même dévisagé par un autre témoin et ainsi de suite. Le comédien, et le personnage incarné par celui-ci reflètent l'image même du spectateur leurré qui se rend compte qu’il est lui même un acteur de l'univers. On assiste là à un effet de mise en abyme, ce qui est classique dans le théâtre baroque : le procédé du théâtre dans le théâtre a pour but de rendre illusoire la réalité du théâtre. Caldéon exprime cette mise en abyme à travers de multiples périphrases ainsi que par des termes spécifiques au théâtre. Ainsi, lorsque le Monde dit que « tous quittent la scène progressivement « au vers premier, il sous entend que tous les Hommes qui la crée meurent. Le Monde est un auteur de pièce de théâtre, il prête des costumes à ses comédiens seulement pendant la représentation, c’est-à-dire qu’il donne des rôles au peuple seulement au moment de vivre sa vie, il donne par exemple le rôle du roi. Par ailleurs, le Monde insiste sur le fait « qu’il place très vite dans l’oubli ce qui fut «, ce qui montre bien que pour lui créer des Hommes n’est en fait qu’un jeu. B. Le Roi est un comédien sur la grande scène qu’est le monde La vie est ici présentée comme une grande représentation de pièce de théâtre où chaque personne est en fait un comédien. Ainsi, le personnage du Roi qui a régné en maître tout au long de sa vie « J’ai possédé, gagné, remporté plusieurs victoires « dit-il au vers 25, se rend compte que cela n’était qu’une pièce de théâtre crée par les soins du Monde. Il apprend que « son costume «, c’est-à-dire le costume du roi, était seulement prêté durant le « temps de la représentation «, c’est-à-dire durant le cycle de la vie. Il prend ainsi conscience que comme tous les autres Hommes, ce n’était qu’un comédien de l’univers. Transition : Ainsi, les deux personnages présents font de cette pièce, un théâtre dans le théâtre, mais sont des allégories qui cachent un véritable enjeu de dénonciation… II. La portée des personnages allégoriques Ce passage met, en effet, en scène des personnages allégoriques : le Monde symbolise Dieu tout puissant, et le personnage du Roi symbolise l’Homme matérialiste, ingrat, hautain et vaniteux. A. La vanité du Roi Le personnage du roi est quelqu’un de très vaniteux. L’anaphore « j’ai « aux vers 22 à 27, ainsi que le vers 17 « Le Monde ignore donc si vite celui que je fus ? « renforcent le mépris du roi envers le Monde, c’est-à-dire Dieu. Ce mépris va à l’encontre des bienséances, élaborées dans le théâtre classique. Les énumérations présentes aux vers 22 à 27, « J’ai gouverné, jugé, régi, bien des Etats, J’ai trouvé, reçu, acquis une grande renommée… « présentent le roi comme un personnage sûr de lui. Le baroque se complaît en effet dans la pluralité, d’où son goût pour l’accumulation. Par ailleurs, le roi utilise le champ lexical de la lumière pour se définir « soleil, lumière, splendeur, aurore «, ce qui affirme la grandeur de son estime pour lui même. De plus, le Roi est ici représenté comme quelqu’un de très matérialiste : la métaphore du vers 19 « vêtu de lumière « ainsi que le champ lexical du luxe et de la royauté « dais somptueux, pourpre, sceptre, ceint de laurier, couronne, majesté «, confirme l’importance que le roi accorde aux apparences. Le jeu du paraître est d’ailleurs très présent dans le théâtre baroque.   B. Un enjeu de propagande religieuse Le personnage du Monde, prône la religion chrétienne et en fait même la morale. L’antithèse « qu’ils me quittent poussière, puisque poussière ils sont entrés «, répétée aux vers 4 et 12, est une citation inspirée de la Genèse, qui est la première version de la Bible. Le Monde, avec le mot « poussière « met ici en lumière, la faiblesse de l’Homme face à lui, le tout puissant. Qu’il ait été roi ou paysan, l’Homme peut seulement compter sur la religion qui lui garantit une « récompense « ou un « châtiment «, nous précise le vers 50, Caldéron veut ici nous dire que seule la foi en Dieu conduit à l'ascèse (austérité) pour le salut de l'âme. Le Monde dénonce en réalité la futilité de l'existence: beauté, richesse, pouvoir, travail, qui nous présente ses atours tentants au quotidien, au détriment de la foi. On assiste à une leçon de catéchisme adressée au peuple du XVIIème siècle. L’homme est né à l’état nu, et doit mourir à l’Etat nu souligne le Monde à travers les énumérations des vers 31 et 37, tournant ainsi au ridicule le jeu des apparences du roi « Tu ne garderas ni pourpres, ni sceptre, ni lauriers « « retire ta couronne, ta majesté, dépouille-la, perds-la, oublie-la « afin de prouver, que cette vie n’est en fait qu’une pièce de théâtre. Cette scène nous montre une totale rupture : le Roi vient de mourir et se présente devant Dieu, nous n’avons donc aucun repère spatio-temporel. Ce texte plonge ainsi le spectateur dans l’inconnu de la mort et de l’au-delà. Conclusion : Caldéron, à travers divers procédés baroques adresse une véritable leçon de catéchisme à des peuples tout entiers. La célèbre citation de Sénèque « La vie est une pièce de théâtre: ce qui compte ce n'est pas qu'elle soit longue mais qu'elle soit bien jouée « est ici la substance même du récit, de nombreux auteurs vont d’ailleurs s’en inspiré, notamment William Shakespeare.

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