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Le modèle anglais du « Cabinet Fantôme »

Publié le 18/11/2011

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En Grande-Bretagne, le Cabinet Fantôme (the Shadow Cabinet) est une institution dans laquelle, le principal parti d’opposition (successivement conservateurs ou travaillistes) constitue un « contre-gouvernement «.

 

1.    L’opposition dans le Royaume-Uni

Ce système suppose un groupe politique catalysant quasiment à lui seul toute l’opposition au gouvernement, l’existence d’un parti d’opposition incontournable, autrement dit une vie politique marquée par le bipartisme.

Le système de Westminster, (le système de gouvernement en vigueur en Grande-Bretagne ainsi que dans plusieurs pays du Commonwealth) met particulièrement en avant les deux partis principaux de la Chambre des Communes. Le parti qui possède le deuxième plus grand nombre de sièges à la Chambre est considéré comme l’opposition officielle. Le système politique britannique effectue ainsi un distinguo entre les deux principaux partis et les autres acteurs de la vie politique. Il existe le parti du gouvernement, l’opposition officielle, et les autres partis d’opposition. Cette distinction n’en souffre pas moins de limites, le Labour ayant terminé troisième lors des dernières municipales, en mai 2008 révélant un troisième acteur influent de la scène politique britannique (les Libéraux-Démocrates).

L’opposition officielle – appelée l’Opposition La Plus Loyale de Sa Majesté (Her Majesty’s Most Loyal Opposition) – est tout naturellement dirigée par le chef du parti. Celui-ci est considéré comme le Premier ministre potentiel. Pour le cas où le gouvernement serait contraint de démissionner, c’est au chef de l’opposition de constituer le nouveau gouvernement.

Il est de fait directement informé voire consulté par le 1er ministre sur des questions de défense ou de politique étrangère, et est officiellement reconnu à l’étranger en tant que représentant du Royaume-Uni. Depuis 1923, le leader de l’opposition forme un gouvernement de l’Opposition (Shadow Government ou Shadow Cabinet), financé par les fonds publics du Royaume, chargé en premier lieu de l’informer, au mieux, des différents sujets d’actualité et ayant également vocation à remplacer le gouvernement en titre. Toutefois, il faut noter que le Premier ministre nomme son gouvernement comme il l’entend et n’est pas tenu de reconduire dans leur différent portefeuille les anciens membres du Cabinet fantôme.

2.    Fonctionnement du Cabinet Fantôme

Les membres de l’Official Loyal Opposition Shadow Cabinet sont aussi nombreux que les membres du gouvernement. Chaque ministre a son « ombre « dans le Cabinet fantôme qui a pour fonction de discuter de ses décisions et prises de position, mais aussi de proposer des initiatives. Ils sont appelés les « porte-paroles de l’opposition « ou les « critiques « rattachés à tel ou tel ministre.

L’objectif est clairement affiché : offrir une alternative crédible au gouvernement à l’occasion des élections, en montrant par avance les futurs membres potentiels du Cabinet ministériel. Chacun ayant déjà exercé une fonction similaire dans le Cabinet fantôme, ils sont supposés être avertis des dossiers traités par le ministère auquel ils sont promis. L’appartenance au  Cabinet fantôme est gage de compétence : dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement pourra aussitôt reprendre les dossiers en cours.

Le Cabinet a également une fonction plus pratique, plus politique. Il permet, en effet, de donner une image de discipline (comme dans tout gouvernement) et de professionnalisme du parti. Surtout, il permet une coordination efficace de leurs efforts d’oppositions et de critique du gouvernement.

L’actuel leader de l’Opposition la plus Loyale de Sa Majesté est le conservateur David Cameron.

3.    Autres systèmes de contre-gouvernement

L’efficacité du système explique qu’il ait été expérimenté, plus ou moins durablement, dans de nombreux pays du monde.

Il est appliqué dans plusieurs anciens pays de l’Empire britannique, à l’image du Canada (où l’opposition possède le même titre qu’en Grande-Bretagne), de l’Australie ou de la Nouvelle-Zélande, tous fidèles au système de Westminster. Il est également en vigueur en Irlande, et a été testé en Pologne, en Israël et au Japon.

La constitution d’un système de contre-gouvernement à l’anglaise a plusieurs fois été tentée en France. La première fois avec François Mitterrand en 1966, après son échec à la présidentielle où, au sein de la FGDS se crée un conseil de 12 « contre ministres «. Les virulentes critiques du PCF et une nouvelle défaite électorale font tomber dès 1968 cette tentative dans l’oubli. De 2000 à 2002, Michèle Alliot-Marie (RPR)  s’y essaye à son tour, sans plus de succès puisqu’elle ne parvient pas non plus à étendre le dispositif à toutes les forces d’opposition. La dernière tentative datant de juin 2007 avec  Jean-Marc Ayrault. Ce contre-gouvernement, mort-né,  n’inclue que des membres du PS.

Ces échecs successifs résultent en partie de l’incapacité qu’ont les forces politiques d’opposition à coaliser tous les partis n’appartenant pas à la majorité. Hors système bipartite, un hypothétique contre-gouvernement a nécessairement beaucoup moins d’influence et de crédibilité que ne l’a le Shadow Cabinet au pays de Sa Très Gracieuse Majesté.

 

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