Devoir de Philosophie

Le Nègre de Surinam-Candide

Publié le 27/06/2011

Extrait du document

A)   Le contexte : la question de l’esclavage au 18eme siècle

Qu’est-ce que l’esclavage ?

De quand date-t-il ?

Quand a-t-il été aboli en France ?

 

Définition donnée par Jaucourt dans l’Encyclopédie : « L’esclavage est l’établissement d’un droit fondé sur la force, lequel droit rend un homme tellement propre à un autre homme, qu’il est le maître absolu de sa vie, de ses biens, et de sa liberté ».

     Négation du droit naturel de tout être humain à disposer de lui-même.

 

Date de l’antiquité : Athènes, Rome : donnée économique, sociale et politique incontournable. En Europe, dés l’an mille, le servage : paysans non libres : pas le droit de quitter la terre du maître. Le maître peut donner le serf, le vendre ; ses enfants sont sa propriété. En Asie, début de la traite des Noirs : les marchands arabes les achètent et les vendent dans l’Empire musulman.

Va disparaître en Europe, mais se répand dans les nouveaux territoires découverts par les Européens : font d’abord travailler les indiens, puis (comme ils meurent trop), vont chercher les esclaves en Afrique : commerce triangulaire :

Commentaire de la carte :

Les bateaux négriers quittent l’Europe en emportant armes, vêtements, outils, bijoux de pacotille. Troque en Afrique cette marchandise contre des esclaves (capturés par les trafiquants arabes ou africains), qu’ils emmènent ensuite en Amérique dans des conditions, rapportées et vendues dans les ports européens. Profit énorme, 18 mois de parcours.

Au total, 15 a 30 millions de déportés, en 300 ans.

-      Esclavage aboli en France en 1794, rétabli en 1802, aboli définitivement en 1848.

 

Quelle est la condition des esclaves, au 18eme siècle ?

Observation des images et des extraits du code noir : Conditions très difficiles, lois très dures vis-à-vis des esclaves.

 

 

B)    Lecture analytique

Le conte s’attaque à la philosophie optimiste de Leibniz : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ». Voltaire fait voyager Candide pour dresser un triste tableau du monde, livré aux guerres de l’intolérance.

Surinam : ville de Guyane, Hollandaise. Nègre : mot sans intention péjorative au 18eme siècle.

 

 

C’est l’esclavage qui est dénoncé dans cet extrait. Situation au 18eme siècle : commerce triangulaire. Le commerce triangulaire désigne les échanges entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques, mis en place pour assurer la distribution d’esclaves noirs nécessaire aux colonies du nouveau monde, pour approvisionner l’Europe en produits de ces colonies et pour fournir à l’Afrique des produits européens et américains. Navires occidentaux se rendant sur les cotes africaines pour échanger des esclaves contre des marchandises ; puis transfert des esclaves en Amérique et échange contre une lettre de change, du sucre, du café, du cacao, de l’indigo et du tabac ; enfin acheminement des produits américains vers les ports européens. Les colonies emploient des esclaves. 

Problématique : Comment cette scène de conte fait-elle une argumentation efficace de l’esclavage ?

 

  1. Un contraste frappant entre la scène aperçue par Candide et le lecteur et l’attitude de l’esclave

  

1. Une situation totalement pathétique :

 

-      L’état du Nègre : il lui manque des habits et des membres. Il est « étendu par terre » : il a l’air à moitié mort

-      Le vocabulaire marquant le caractère pathétique de cette situation (employé par le narrateur et par Candide) : « pauvre homme » ; « l’état horrible » ; « abomination ».

 

La réaction de Candide est le reflet de la pensée de l’auteur. Il passe de l’étonnement face au spectacle pathétique (exclamations interrogations et dialogue avec l’esclave au début du texte), au désespoir face à cette situation (exclamations de la fin du texte : « O Pangloss ! » ; « Hélas ! » et pleurs de Candide qui entre dans la ville – Insistance «  versait des larmes » + « en pleurant »)

 

-      Voltaire cherche ainsi à provoquer la pitié du lecteur pour ce pauvre esclave : C’est déjà un moyen de le convaincre de supprimer l’esclavage. C’est aussi une façon de remettre en cause la philosophie optimiste de Leibniz et Pangloss.

 

2. L’acceptation de la situation par l’esclave

 

-      Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, l’esclave ne se plaint pas de la situation. Il l’accepte totalement

-      On le voit d’abord au ton poli de l’esclave, pas du tout dans la révolte, quand il parle de son maître à Candide : « fameux négociant » / « oui, monsieur ».

-      Puis, l’esclave a l’air, par son discours de cautionner la façon dont il est traité : il montre que ce traitement est logique par des phrases qui donne l’impression que le traitement est logique. Phrases simples (pas de revendications, tout est normal). Phrases mettant en place un rapport de cause /conséquence, comme si tout était évident. Les phrases sont d’ailleurs juxtaposées, comme s’il acceptait logiquement son sort : « je me suis trouver dans les deux cas »

-      La fin du discours de l’esclave est un peu différente, il entre un peu dans la contestation : plainte « hélas ! » et dénonciation « horrible ».

 

3. Les effets de ce contraste

  1.  

-      Pourquoi créer un tel contraste entre la pitié qu’inspirent l’esclave et son absence de plainte ? Cela renforce en fait l’horreur de la situation. L’esclave a l’air encore plus démuni du fait de ne pas être en mesure de voir l’horreur et de se défendre. Il faut donc l’aider.

-      Cela permet aussi de ne pas être dans la dénonciation directe  et violente (celle que pourrait faire l’esclave). Voltaire choisit plutôt ici la dénonciation implicite/indirecte : problème de censure+oblige le lecteur a réfléchir par lui même (exerce son esprit critique) : méthode propre aux Lumières.

 

 

 

  1. Une critique indirecte et ironique, mais des accusations sérieuses
    1. L’ironie et l’humour, armes de la dénonciation indirecte (derrière la voix « innocente » du Nègre s’exprime la critique de Voltaire)

-      Humour dans le découpage du Nègre : « jambe gauche » / « main droite » : parallèles. Cela fait sourire, ce qui renforce paradoxalement le caractère pathétique, et la dénonciation.

-      Nom de « Vanderdendur », invention comique de Voltaire, imitation du hollandais, dans laquelle on entend bien « vendeur » « (à la) dent dure » : c’est un commerçant qui ne pense qu’à ce qu’il va vendre, pas à ceux qui travaillent durement pour lui. Ce qu’il veut, c’est de l’argent. Pas de pitié. Les commerçants sont donc dénoncés.

-      L.11 et 12 : contraste ironique de la part de Voltaire entre le « sucre », produit « superflu », de « luxe » (au 18ème siècle) et le traitement horrible des esclaves qui produisent ce lux pour les européens. Il s’agit de faire »culpabiliser » le lecteur européen, satisfait de ses plaisir de riches qui coûtent pourtant la vie à des hommes. (Référence également à Montesquieu)

-      Discours de la mère totalement ironique : la mère dit que l’esclavage est positif (honneur, fortune, heureux » vocabulaire mélioratif). Pourtant, derrière, on sent la critique de Voltaire qui pense tout le contraire (antiphrase). Ironie de l’utilisation du mot « fétiches » (objets magiques dans les cultes animistes d’Afrique Noire) qui désignent les prêtres hollandais. On vois que la mère est assez naïve, ce qui permet de se dire qu’on ne peut adhérer à a son discours.

 

 

  1.  
    1. Des faits réels dénoncés : des accusations sérieuses

 

-      Derrière l’ironie et l’humour, l’accusation est grave. C’est d’abord le « Code Noir » qui est dénoncé, c'est-à-dire les lois qui sont appliquées aux esclaves. La référence à la main et à la jambe coupées est sérieuse. Cela se passait réellement ainsi.

-      Voltaire insiste sur l’accusation des religieux. Il semble dire que ce sont les religieux qui organisent le trafic d’esclaves : ils venir convertir les esclaves (ici en Guinée) pour les envoyer ensuite dans les colonies ; en leur faisant croire que c’est ce qu’il faut faire. Par la voix de l’esclave, il dénonce d’ailleurs la profonde contradiction de ce comportement : raisonnement l.18 à 22. Le christianisme se veut religion universelle, et prêche le fait que tout les homme sont frères et doivent s’aimer les uns les autres. Or, comme le montre bien l’esclave, on ne peut traiter ainsi des hommes  qui sont nos frères.

Cautionner l’esclavage, c’est donc être un mauvais chrétien. Voltaire montre bien les contradictions de l’Eglise en son temps…

Liens utiles