LE PAON

Il va sûrement se marier aujourd'hui.

Ce devait être pour hier. En habit de gala, il était prêt. Il n'attendait que sa fiancée. Elle n'est pas venue. Elle ne peut tarder.

Glorieux, il se promène avec une allure de prince indien et porte sur lui les riches présents d'usage. L'amour avive l'éclat de ses couleurs et son aigrette tremble comme une lyre.

La fiancée n'arrive pas.

Il monte au haut du toit et regarde du côté du soleil. Il jette son cri diabolique :

Léon I Léon I

C'est ainsi qu'il appelle sa fiancée. Il ne voit rien venir et personne ne répond. Les volailles habituées ne lèvent même point la tête. Elles sont lasses de l'admirer. Il redescend dans la cour, si sûr d'être beau qu'il est incapable de rancune.

Son mariage sera pour demain.

Jules RENARD, Histoires naturelles, 1896.

1. Sa beauté éclatante est à la source de son assurance : « allure de prince indien «; « éclat de ses couleurs «, « son aigrette tremble comme une lyre «; « sa robe à queue toute lourde des yeux qui n'ont pu se détacher d'elle «.

   Les images évoquent des estampes indiennes, harmonieuses, colorées, vivantes.

2. Sa vanité naïve l'enferme hors de la réalité : «Il n'attendait que sa fiancée... Elle ne peut tarder «; « Si sûr d'être beau qu'il est incapable de rancune «; «Il gravit les marches... d'un pas officiel «.

1. L'indifférence des volailles : « Les volailles habituées ne lèvent même point la tête. Elles sont lasses de l'admirer «;

2. La « fiancée « fait faux bond.

   Sa beauté ne le fait pas aimer.

3. Un animal purement décoratif : « ne sachant que faire... «

3. La qualité de l'humour (un humour fondé sur le contraste)