LE PRAGMATISME - PLATON
Publié le 22/02/2012
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Socrate expose la thèse de Protagoras: «Car j'affirme, moi, que la vérité est telle que je l'ai définie, que chacun de nous est la mesure de ce qui est et de ce qui n'est pas, mais qu'un homme diffère infiniment d'un autre précisément en ce que les choses sont et paraissent autres à celui-ci, et autres à celui-là. Quant à la sagesse et à l'homme sage, je suis bien loin d'en nier l'existence; mais par homme sage j'entends précisément celui qui, changeant la face des objets, les fait apparaître et être bons à celui à qui ils apparaissaient et étaient mauvais. Et ne va pas de nouveau donner la chasse aux mots de cette définition ; je vais m'expliquer plus clairement pour te faire saisir ma pensée. Rappelle-toi, par exemple, ce qui a été dit précédemment, que les aliments paraissent et sont amers au malade et qu'ils sont et paraissent le contraire à l'homme bien portant. Ni l'un ni l'autre ne doit être représenté comme plus sage — cela n'est même pas possible — et il ne faut pas non plus soutenir que le malade est ignorant, parce qu'il est dans cette opinion, ni que l'homme bien portant est sage, parce qu'il est dans l'opinion contraire. Ce qu'il faut, c'est faire passer le malade à un autre état, meilleur que le sien.
De même en ce qui concerne l'éducation, il faut faire passer les hommes d'un état à un état meilleur ; mais, tandis que le médecin le fait par des remèdes, le sophiste le fait par des discours. Jamais en effet on n'est parvenu à faire qu'un homme qui avait des opinions fausses ait ensuite des opinions vraies, puisqu'il n'est pas possible d'avoir des opinions sur ce qui n'est pas, ni d'autres impressions que celles qu'on éprouve, et celles-ci sont toujours vraies. Mais je crois que, lorsqu'un homme, par une mauvaise disposition de l'âme, a des opinions en conformité avec cette disposition, en changeant cette disposition
contre une bonne, on lui fait avoir des opinions différentes, conformes à sa disposition nouvelle, opinions que certains, par ignorance, qualifient de vraies. Moi, je conviens que les unes sont meilleures que les autres, mais plus vraies, non pas. Et quant aux sages, mon cher Socrate, je suis loin de les comparer aux grenouilles: quand ils ont affaire au corps, je les appelle médecins; aux plantes, laboureurs. J'affirme en effet que les laboureurs remplacent dans les plantes, quand ils en trouvent de malades, les sensations mauvaises par des sensations bonnes, saines [et vraies1, et que les orateurs sages et bons font en sorte que les bonnes choses paraissent justes aux États, au lieu des mauvaises. A la vérité, ce qui paraît juste et honnête à chaque cité est tel pour elle, tant qu'elle en juge ainsi ; seulement le sage, chaque fois que les choses sont mauvaises pour les citoyens, y substitue des choses qui sont et leur paraissent bonnes. Pour la même raison, le sophiste capable de diriger ainsi ses élèves est sage et mérite un salaire considérable quand leur éducation est terminée.
C'est en ce sens qu'il y a des gens plus sages les uns que les autres, sans que personne ait des opinions fausses, et toi, que tu le veuilles ou non, il faut te résigner à être la mesure des choses
(Théétète).
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