Le retour du refoulé correspond à l’expression de ce qui a été refoulé dans l’inconscient, mais de façon déguisée, si bien que le sujet ne le reconnait pas. Les symptômes hystériques sont des expressions déguisées de ce qui est refoulé. Par exemple, Anna O ne pouvait pas boire de verre d’eau. Breuer l’a mise sous hypnose, et a accédé à son inconscient : elle a dit qu’elle avait vu le chien de sa gouvernante laper de l’eau dans un verre, et que cela l’avait dégoûté. Ce souvenir n’était pas accessible à la conscience : il avait été refoulé. Mais après l’avoir dit, Anna O a pu à nouveau boire des verres d’eau normalement : il s’agit de ce qu’elle a nommé la talking cure qui mettra Freud sur la voie de la thérapie psychanalytique, reposant sur la seule parole. Ainsi, tant que le souvenir était refoulé, il s’exprimait de façon déguisée par l’impossibilité de boire un verre d’eau : plus précisément, dès que Anna O voulait boire un verre d’eau, cela rappelait ce souvenir refoulé, qui s’exprimait sans être dit pas l’impossibilité d’accomplir l’acte qu’elle voulait faire (parce qu’il était inconsciemment considéré comme dégoûtant). Le retour du refoulé: explication de l’expression déguisée de représentations refoulées. Lorsque des représentations conscientes rappellent des représentations refoulées par un lien établi par le sujet, celui-ci exprime ce qu’il a refoulé de façon déguisée. Cette expression se fait par tous les actes causés par l’inconscient : symptômes hystériques, actes manqués, perversion de l’exhibitionniste analysé par Stoller, aussi bien que, pour l’individu sain, par les associations d’idées dont nous ne comprenons pas la logique et par les rêves. Examen du cas de Freud : il a refoulé, pour une raison que nous verrons plus tard, l’identification à Hannibal qu’il avait faite à Hannibal dans son enfance, si bien que, lorsqu’il allait en Italie pour ses loisirs, il ne pouvait inconsciemment pas aller à Rome – sans pour autant que cela ne se traduise par aucun symptôme hystérique et théâtral. Remarquons que lorsqu’il était enfant, cette identification à Hannibal n’était pas refoulé. Adulte, elle s’est exprimée de façon déguisée par le fait de ne pas choisir d’aller à Rome, sans savoir pourquoi. Le rêve exprime ce qui refoulé : Freud montre, dans Sur le rêve, que les jeunes enfants (jusqu’à 6 ans compris) rêvent souvent d’un désir qu’ils n’a pas été satisfait dans la réalité, par exemple d’avoir le jouet qu’ils désirent sans l’avoir obtenu. Il en va de même après, lorsque le sujet ne comprend pas ses rêves, mais le désir qui est réalisé est alors inconscient et a été refoulé. Ainsi, le contenu manifeste du rêve (à savoir le récit qui en est fait) correspond à un déguisement du véritable contenu du rêve, qui renvoie à l’inconscient. Ce sens véritable du rêve s’appelle le contenu latent, et la psychanalyse cherche à permettre au sujet de l’atteindre par l’interprétation de ses rêves. Une femme rêvant qu’à table, elle a entre ses mains étrangement un hot dog rêve, du point de vue manifeste, d’un sandwich à la saucisse, mais, le contenu latent de ce rêve consiste, pour elle, à rêver qu’elle possède un pénis. Le rêve permet de bien comprendre comment s’effectue le déguisement. Cela s’effectue de façon par le déplacement et la condensation dans l’ordre du langage. Le déplacement permet de représenter une chose par une autre, par exemple Freud explique que si une patiente rêve d’un chapeau melon, il s’agit là d’un symbole phallique. De même, dans l’hystérie, Elisabeth effectue un déplacement dans sa conversion hystérique : son désir sexuel est exprimé par la cuisse au sein de laquelle elle ressent de la douleur (p.78-79). La condensation permet d’exprimer, dans un mot, plusieurs choses : ainsi, dans le lapsus de Freud, lui empêchant de trouver Signorelli. Freud a fait ce lapsus au moment où il traversait une région d’où venait un patient qui s’est suicidé après que Freud lui ait annoncé qu’il était impuissant. Ce patient avait un grand respect pour les médecins, et on trouve l’expression de ce respect dans « Signor » – Seigneur – de Signorelli. Ainsi, le lapsus de Freud exprime de façon déguisée sa propre culpabilité d’avoir, en voulant soigner ce patient, déclenché ce qui le porta à se suicider. Le déguisement repose ici sur la condensation : Signorelli est la condensation de Signor et de –elli (qui l’on retrouve dans Botticelli qui vient à Freud à la place du nom du peintre cherché). L’important, dans le déguisement de l’inconscient, vient de ce que le sujet lui-même ne reconnaisse pas le contenu inconscient exprimé par le retour du refoulé : cela peut être assez clair pour une personne autre. Par ailleurs, pour comprendre le retour du refoulé, il faut mettre en évidence la façon dont cela exprime l’inconscient, et il faut donc remonter à l’inconscient. Alors, les actes inconscients cessent de paraître absurdes et ils suivent une logique permettant de comprendre leur raison d’être. On peut déjà comprendre l’enjeu de la psychanalyse : il s’agit de permettre au sujet d’exprimer son inconscient par la parole, afin que celui-ci s’exprime autrement que par des symptômes de troubles psychiques.
