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le soleil des scorta

Publié le 11/01/2018

Extrait du document

1. Un jour torride d’août 1875, un homme revient sur son âne au petit village de Montepuccio dans la région des Pouilles, en Italie du sud. Il s’appelle Luciano Mascalzone et il vient de passer quinze ans en prison. Malgré le danger, il se rend directement chez les Biscotti et il s’unit physiquement à celle qu’il croit être Filomena. Juste avant de mourir des conséquences de la lapidation menée par les habitants du village, Luciano apprend que ce n’est pas Filomena qui s’est donnée à lui (elle est morte d’une embolie pulmonaire peu après son arrestation) mais sa sœur Immacolata. Treize mois plus tard, la jeune femme meurt à son tour, quelques semaines après avoir accouché d’un garçon nommé Rocco que Don Giorgio, le curé,  va soustraire à la colère des villageois en le confiant à une famille de pêcheurs de San Giocondo. L’enfant, qui a ajouté à son nom celui de ses parents adoptifs, grandit  et devient un brigand qui est craint dans toute la région. Il  s’installe à Montepuccio et se marie à une sourde et muette dont il ignore le nom. Ils auront trois enfants Domenico, Giuseppe et Carmela qui seront élevés dans l’absence de leur père, Rocco Mascalzone Scorta, en marge du village  et avec pour seul ami un garçon rejeté par les siens, Raffaele, surnommé  Faelucc’. En février 1928, Rocco, sentant la mort venir,  va se confesser auprès de Don Giorgio : il fait don de la fortune qu’il a accumulée par les rapines à l’église à la seule condition que les Scorta soient enterrés comme des princes. Ce faisant, il condamne ses enfants à la pauvreté. Rocco a droit à des funérailles fastueuses à la grande stupéfaction de la population qui apprend à cette occasion les dispositions testamentaires du bandit mais sa femme n’a pas cette chance. A sa disparition, elle est brutalement jetée à la fosse commune. Don Giorgio était mort avant elle, Raffaele, qui était en mer, est arrivé trop tard et ses trois enfants étaient loin.   Avertissement : les paragraphes 2 et 3 révèlent la suite de l’intrigue. Si vous voulez garder intact le plaisir de la découverte, passez directement au paragraphe 4.     2. C’est cette triste nouvelle que leur apprend leur ami  Faelucc’ quand Domenico (dix-huit ans, dit  Mimi va fan’culo ), Giuseppe (seize ans, surnommé  Peppe pancia pena ) et Carmela ( la Miuccia ) reviennent à Montepuccio deux mois plus tard. Don Carlo Bozzoni, le nouveau curé a rejeté avec mépris la promesse de son prédécesseur. Les trois enfants décident d’exhumer leur mère de ce caveau d’infâmie et de l’enterrer près du cimetière, aidés de Raffaele qui devient, par cet acte initiatique, le quatrième Scorta mais perd en même temps toute  possibilité d’avouer son amour à Carmela. Un an plus tôt, les trois Scorta étaient partis tenter l’aventure aux Etats-Unis. Mais à Ellis Island, un médecin de l’émigration a refoulé Carmela à cause d’une infection. Ils n’ont pas voulu se séparer et sont revenus ensemble. Sur le bateau du retour, un vieux Polonais, du nom de Korni leur a fait don de huit pièces d’or et d’un crucifix en argent. Cet argent les a sauvés. L’acharnement du père Bozzoni à casser les croix mises sur la tombe de la Muette par les villageois lui vaut l’animosité générale. Son église est désertée. Un jour, on retrouve son corps nu et brûlé par le soleil dans les collines. Il a croisé le chemin de Raffaele qui en se vengeant lui a pris de l’argent et une montre en or. Avec les sous de Korni et de Faelucc’, les Scorta décident d’ouvrir le premier bureau de tabac de Montepuccio. Le temps passe. Carmela a épousé Antonio Manuzio, le fils d’un riche avocat qui a dû subir les pillages de Rocco ; ils ont eu deux fils Elia et Donato, Domenico s’est mariée avec Maria Faratella, la fille d’une famille aisée de commerçants, Raffaele et Giuseppe avec des filles de pêcheurs. Un gigantesque banquet organisé par Raffaele au Trabucco Scorta de Sanacore réunit toute la famille en 1936 : Domenico et Maria avec leurs deux filles, Lucrezia et Nicoletta, Giuseppe avec sa femme Mattea et leur fils Vittorio, les Manuzio, la famille de Raffaele avec le dernier-né Michele « ce repas resta dans toutes les mémoires comme le grand banquet des Scorta… Ce fut l’apogée du clan. Et il aurait fallu que rien ne change ». Les choses ne vont pas tarder à se gâter. Antonio ne rentre pas de la guerre d’Espagne où il est allé combattre aux côtés des fascistes… 3. En 1946, un nouveau curé arrive à Montepuccio. Il regagne progressivement la confiance des habitants mais le jour de la fête patronale de Sant’Elia, on vole les médailles du saint. C’est Elia, le fils de Carmela qui a commis ce larcin. Ses oncles rapportent les reliques mais le cachent pour éviter la colère des Montepucciens.  Au bout d’un an de clandestinité, Domenico lui propose de partir vers le nord mais Elia choisit de rester. Il rentre au village et aide sa mère au tabac. Pendant cette longue absence, Donato a plongé dans la mélancolie et, pour le distraire, Giuseppe a pris l’habitude de l’emmener avec lui dans ses voyages de contrebandier en mer. Domenico et Giuseppe se retrouvent tous les jours à la terrasse du café Da Pizzone avec Peppino, le patron. Ils jouent aux cartes jusqu’au jour où  Domenico ne vient pas. On le retrouve mort dans son champ d’oliviers. Giuseppe ne survit pas longtemps à son frère. Carmela abandonne progressivement le commerce à Elia mais le garçon qui se consume d’amour pour la belle Maria Carminella est en train de devenir fou. Après avoir rendu visite à une vieille sorcière calabraise, Elia met le feu au bureau de tabac. Mais Maria cède à Elia et les deux jeunes gens se mettent à reconstruire le commerce. Sentant sa mort venir Raffaele avoue à Donato qu’il est responsable de la mort de Don Carlo et qu’il a aimé sa mère. Donato passe de plus en plus de temps en mer. La contrebande de cigarettes a fait place au passage de clandestins. Il devient de plus en plus sombre après la rencontre d’Alba la jeune réfugiée albanaise. Après avoir fait faire un tour en mer à Emilio le fils de Michele, comme Giuseppe l’avait fait avant lui, Donato disparaît à tout jamais. En 1980, Carmela décède à son tour au moment du tremblement de terre. A Montepuccio, le vieux curé don Salvatore a pris sa retraite. Il a raconté à Anna, la fille d’Elia et de Maria, les secrets de Carmela et de Raffaele. « Anna. La dernière des Scorta. Elle choisissait ce nom. Elle choisissait la lignée des mangeurs de soleil ».   4. De 1875 à la fin du XXe siècle, Laurent Gaudé nous offre les « cent ans de servitude » de la dynastie des Scorta qui est vouée à l’opprobre et à la sueur par une double faute originelle, une union fondée sur un malentendu et un meurtre sauvage. De Luciano à Elia en passant par Rocco, Carmela et Elia, le destin des Scorta semble être de repousser, tel Sisyphe,  les roches sèches des Pouilles jusqu’au sommet de la survie sociale sans jamais jouir d’un autre héritage que celui des secrets enfouis, des malédictions sourdes et des solidarités forcées par l’exclusion. La fortune de Rocco, la chance américaine, le petit pécule du bureau de tabac, les ouvertures offertes par les unions matrimoniales ne semblent pas pouvoir profiter aux générations suivantes qui à chaque fois doivent repartir de zéro dans la chaleur écrasante des montagnes. Dans cette famille de « taciturnes » poursuivie par le destin, des solidarités se créent pourtant, cet instinct de survie qui se transmue progressivement en amour, en attachement viscéral à cette terre et à ce village qui pourtant les rejettent.  « Lorsque le soleil règne dans le ciel, à faire claquer les pierres, dit Domenico, il n’y a rien à faire. Nous l’aimons trop cette terre. Elle n’offre rien, elle est plus pauvre que nous, mais lorsque le soleil la chauffe, aucun d’entre nous ne peut la quitter. Nous sommes nés du soleil, Elia…. Nous sommes les mangeurs de soleil. Je savais que tu ne partirais pas. S’il avait plu ces derniers jours, peut-être, oui. »Tantôt excommuniés par un Don Carlo, tantôt sauvés par un Don Giorgio ou écoutés par un Don Salvatore, les Scorta sont des pécheurs en équilibre entre le rachat et la faute, savourant le peu que la vie peut leur donner sur la terrasse fragile du trabucco existentiel.  C’est ce que Raffaele explique à Elia : « Nous n’avons été ni meilleurs ni pires que les autres, Elia. Nous avons essayé. C’est tout. De toutes nos forces, nous avons essayé. Chaque génération essaie. Consolider ce que l’on possède. Ou l’agrandir. Prendre soin des siens. Chacun essaie de faire au mieux. Il n’y a rien d’autre à faire que d’essayer. Mais il ne faut rien attendre de la fin de la course. Tu sais ce qu’il y a à la fin de la course ? La vieillesse, rien d’autre. Alors écoute ton vieil oncle Faelucc’ qui ne sait rien de rien et n’a pas fait d’études. Il faut profiter de la sueur. C’est ce que je dis moi. Car ce sont les plus beaux moments de la vie. Quand tu te bats pour quelque chose, quand tu travailles jour et nuit comme un damné et que tu n’as pas le temps de voir ta femme et tes enfants, quand tu sues pour construire ce que tu désires, tu vis les plus beaux moments de ta vie. Crois-moi. Rien ne valait pour ta mère, tes oncles et moi les années où nous n’avions rien, pas un sou en poche, et où nous nous sommes battus pour le bureau de tabac. C’étaient des années dures. Mais pour chacun d’entre nous, ce furent les plus beaux instants de notre vie. Tout à construire et un appétit de lion. Il faut profiter de la sueur, Elia. Souviens-toi de cela. Après, tout finit si vite, crois-moi. » (184) 5. En 2004, Laurent Gaudé obtient avec ce très beau roman le Prix Goncourt, le Prix Giono et le Prix du roman populiste et surtout rencontre un très large public déjà conquis par son précédent opus La mort du Roi Tsongor. Œuvre à deux voix où un narrateur omniscient raconte la saga de la famille en laissant à chaque fin de chapitre la parole à Carmela qui se confie à Don Salvatore, Le soleil des Scorta est un roman solaire et humaniste, épique et tragique, populaire et comique servi par une langue simple mais profonde qui ne concède rien pourtant à la précision de l’analyse et à l’amour des gens et des paysages. C’est pour cela que l’on aime la littérature : découvrir d’autres pays, d’autres lieux, d’autres vies.

« de la découverte, passez directement au paragraphe 4.     2.

C'est cette triste nouvelle que leur apprend leur ami  Faelucc' quand Domenico (dix-huit ans, dit  Mimi va fan'culo ), Giuseppe (seize ans, surnommé  Peppe pancia pena ) et Carmela ( la Miuccia ) reviennent à Montepuccio deux mois plus tard.

Don Carlo Bozzoni, le nouveau curé a rejeté avec mépris la promesse de son prédécesseur.

Les trois enfants décident d'exhumer leur mère de ce caveau d'infâmie et de l'enterrer près du cimetière, aidés de Raffaele qui devient, par cet acte initiatique, le quatrième Scorta mais perd en même temps toute  possibilité d'avouer son amour à Carmela.

Un an plus tôt, les trois Scorta étaient partis tenter l'aventure aux Etats-Unis.

Mais à Ellis Island, un médecin de l'émigration a refoulé Carmela à cause d'une infection.

Ils n'ont pas voulu se séparer et sont revenus ensemble.

Sur le bateau du retour, un vieux Polonais, du nom de Korni leur a fait don de huit pièces d'or et d'un crucifix en argent.

Cet argent les a sauvés.

L'acharnement du père Bozzoni à casser les croix mises sur la tombe de la Muette par les villageois lui vaut l'animosité générale.

Son église est désertée.

Un jour, on retrouve son corps nu et brûlé par le soleil dans les collines.

Il a croisé le chemin de Raffaele qui en se vengeant lui a pris de l'argent et une montre en or.

Avec les sous de Korni et de Faelucc', les Scorta décident d'ouvrir le premier bureau de tabac de Montepuccio.

Le temps passe.

Carmela a épousé Antonio Manuzio, le fils d'un riche avocat qui a dû subir les pillages de Rocco ; ils ont eu deux fils Elia et Donato, Domenico s'est mariée avec Maria Faratella, la fille d'une famille aisée de commerçants, Raffaele et Giuseppe avec des filles de pêcheurs.

Un gigantesque banquet organisé par Raffaele au Trabucco Scorta de Sanacore réunit toute la famille en 1936 : Domenico et Maria avec leurs deux filles, Lucrezia et Nicoletta, Giuseppe avec sa femme Mattea et leur fils Vittorio, les Manuzio, la famille de Raffaele avec le dernier-né Michele « ce repas resta dans toutes les mémoires comme le grand banquet des Scorta… Ce fut l'apogée du clan.

Et il aurait fallu que rien ne change ».

Les choses ne vont pas tarder à se gâter.

Antonio ne rentre pas de la guerre d'Espagne où il est allé combattre aux côtés des fascistes… 3.

En 1946, un nouveau curé arrive à Montepuccio.

Il regagne progressivement la confiance des habitants. »

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