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Lecture Analytique: Mariage De Figaro

Publié le 02/10/2010

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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (1732-1799) est l’une des figures emblématiques du siècle des Lumières. C’est un célèbre dramaturge français, auteur du Mariage de Figaro, second volet d'une trilogie. Ecrite en 1778, cette pièce est censurée et ne peut être jouée qu'en 1784. Elle est aujourd’hui considérée comme un chef-d’œuvre du théâtre français et international et constitue par sa dénonciation des privilèges archaïques de la noblesse, l’un des signes avant-coureurs de la Révolution française. Beaumarchais y remet en scène les principaux personnages de sa pièce Le Barbier de Séville (1775) : le barbier Figaro, le comte Almaviva et Rosine, appelée maintenant la Comtesse. Bartholo, autre personnage essentiel du Barbier, joue lui un rôle beaucoup plus secondaire. Deux ans après sa première représentation, la pièce a été adaptée en opéra par Mozart et Lorenzo da Ponte sous le titre Le nozze di Figaro (Les Noces de Figaro).

L'auteur nous livre dans cette 3ème scène de l’ acte 5, l’un des plus longs monologues de toute l'histoire du théâtre français. Sur le conseil de sa mère, Figaro se rend au jardin où ont lieu les rendez-vous, pensant que Suzanne l'a trahi. Au travers de ce long monologue, Figaro philosophe, reflétant les contestations des Lumières.

 

Figaro réalise dans cette scène, un réquisitoire social qui reflète les contestations des Lumières. L’attaque de Figaro vise les nobles et il critique en premier lieu la censure. Ce thème a déjà été effleuré dans le procès de son mariage mais il est ici largement développé dans le début de l'extrait. Nous retrouvons tout d’abord le champ lexical de l'expression écrite de l'opinion : " sottises imprimées"; "éloge flatteur "; " petits écrits "; "je puis tout imprimer "; " journal inutile "; " diables à la feuille ", qui revendique bien évidemment la liberté d'expression des écrits. A travers le personnage de Figaro, c’est Beaumarchais qui parle, lui qui a souvent fait face à ce genre de problèmes. Pour amener le lecteur à se ranger de son point de vue, l’auteur utilise certains procédés stylistiques qui donnent de la force aux propos de Figaro. On peut remarquer l’emploi d’un rythme ternaire qui donne de l’ampleur à certaines phrases comme par exemple: " Je lui dirais… que les sottises imprimées n'ont d'importance, qu'aux lieux où l'on en gène le cours ; que sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ; et qu'il n'y a que les petits hommes, qui redoutent les petits écrits." Elle comporte en effet trois portions de phrases, trois subordonnées qui reflète un rythme oratoire. On constate aussi l’emploi de figures de style comme l’ anaphore en " que ", ou l’ antithèse entre " blâmer " et " éloge " et enfin le parallélisme entre " petits hommes " et " petits écrits ". Figaro fait aussi une description humoristique de la censure et utilise le registre ironique " on me dit que […] et que, pourvu que je ne parle ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l'opéra [… je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs. " Cette phrase qui met en relief l’hypocrisie des censeurs, comporte une nouvelle anaphore en " ni " qui rythme la phrase et donne de la puissance au réquisitoire Figaro. De plus, la censure est contentée par des journalistes : " je vois s'élever contre moi mille pauvres diables à la feuille " et la rivalité entre journalistes permet d'accentuer le poids de la censure. D’autre part, la censure est aveugle et dénuée de bon sens : Figaro va en prison pour avoir écrit un traité d’économie. Il explique alors que se suicider serait préférable à faire du théâtre: « me fussé-je mis une pierre au cou « car on ne peut ainsi plaire à tout le monde et on s’expose ainsi aux mécontentements «ne pouvant avilir l’esprit, on se venge en le maltraitant «. Cette censure entretient donc les inégalités et à l’époque, tout ce qui concerne la pensée est l’objet du contrôle de l’état, le régime est totalitaire. La pièce du Mariage de Figaro, censurée durant quatre ans, représente, en plus du monologue de Figaro, le contrôle excessif de l’art et de la pensée, de la liberté d’expression.

Figaro accomplit dans ce réquisitoire une critique de la société du 18ème siècle qui se manifeste comme nous l’avons vu plus haut, par une critique de le censure mais aussi par la critique du privilège de naissance. Figaro compare son destin et celui du comte. Il effectue d’abord une dévalorisation humoristique de la naissance : « vous qui vous êtes donnés la peine de naître «, qui entraîne passivité, hiérarchie sociale préétablie et des positions fixées à l’avance. Puis il qualifie le Comte d’homme «assez ordinaire « alors que la considération générale fait que «parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie «. On discerne ici une nouvelle antithèse entre seigneur et génie. Figaro généralise sa situation en assimilant le comte aux «puissants «. Ce premier a dû déployer plus d’énergie qu’on a mis à « gouverner toutes les Espagnes pendant cent ans « pour survivre alors que le comte s’est juste donné la peine de naître. Il appartient à la foule obscure. Naître est la tâche du comte, exécuter la sienne. L’humour est une fois de plus l’arme majeure de Figaro, qui bien que constamment mis en échec, garde son sens de l’humour et de l’ironie. En outre, la volonté est plus importante que le rang selon Figaro. Il exprime son impression de manque « fils de je ne sais pas qui «, mais possède pour autant une volonté de vaincre, montrée par les hyperboles « pour gouverner toutes les Espagnes «; les juxtapositions « j’apprends la chimie , la pharmacie « et les verbes d’action «j’apprends «, « je me jette «, « je veux «. Par ailleurs, Figaro s’exprime aussi sous forme d’interpellations, et de questions adressées au Comte. C’est en quelque sorte une forme de dialogue qui lui permet de se libérer de sa colère et qui donne un aspect vivant au monologue. Dans ce monologue transparait l’une des plus importantes contestations du siècle des Lumières à savoir la revendication du mérite de l’individu contre le privilège de la naissance noble.

Mais certaines autres cibles sont visées par Figaro., Ainsi il formule par exemple au début du monologue, une attaque contre l'arbitraire des puissants: " ces puissants de quatre jours ". De même, lorsqu'il publie son journal inutile " on " le supprime mais les puissants ne sont pas nommés. Ils ne sont définis qu'à l'aide de périphrases ou de pronoms indéfinis. Figaro cible ensuite la malhonnêteté est fait remarquer qu’elle est récompensée : il ne gagne bien sa vie seulement quand il fait un métier malhonnête : banquier du pharaon. Sa réussite sociale est alors liée à la malhonnêteté. En effet, lorsqu'il fut banquier du pharaon, il put être introduit dans des salons mondains: " je me fais banquier du pharaon : alors bonne gens ! je soupe en ville, et les personnes dites comme il faut m'ouvrent poliment leur maison... "La malhonnêteté et le réussite sociale sont donc étroitement liées. La conséquence de tout ceci est la pulsion suicidaire de Figaro. Sa dénonciation sociale aboutit à une prise de conscience: " Pour le coup je quittai le monde, et vingt brasses d'eau m'en allaient séparer… ". Pour finir, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, très habilement, critique probablement l’Eglise et le fanatisme religieux de son époque en critiquant le système religieux persan.

 

Conclusion 

Ce monologue est donc indéniablement un reflet des contestations des Lumières et il repose sur la dénonciation de plusieurs inégalités. Il lutte tout d’abord avec virulence en faveur de la liberté d’expression, et pour le droit aux écrivains de n’être plus censurés. Puis il lutte pour la prise en compte du mérite de l’individu contre le privilège de la naissance noble. Enfin cible les « puissants « et la tyrannie qui est exercée par l’Etat sur les esprits, ainsi que l’omniprésence de l’Eglise catholique dans la société du 18ème siècle. Il est aussi important de remarquer que dans cette scène, le valet de comédie change de statut et devient personnage romanesque luttant pour le peuple. Ce texte est donc profondément révolutionnaire par tous ces différents aspects.

 

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