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Lecture Analytique : " Si Tu T'imagines " Queneau

Publié le 17/01/2011

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Présentation du texte

 

Queneau est un poète français de la 1ère moitié de XXe siècle. Il a d’abord appartenu au mouvement surréaliste puis au mouvement de l’ « Oulipo « qui lui a succédé. 

« Si tu t’imagines « appartient au 3e recueil de poésie de Ronsard et est publié en 1952. A sa sortie, le poème passe inaperçu dans ce recueil jusqu’à ce qu’il soit rendu célèbre par la voix de Julie Gréco qui le chante quelques années plus tard. Ici, Queneau s’inspire de l’un de ses prédécesseurs, Ronsard, pour retraiter du même thème, celui du Corpe Diem qui signifie « cueille le jour «. Cependant, cette réécriture de Queneau est caractérisée par un humour féroce et un niveau de langue qui se veut volontairement familier, populaire et propre à toucher beaucoup de monde.

 

Les questions qui se posent alors à nous sont les suivantes : « Comment se manifeste l’hommage à Ronsard ?« et « Qu’est-ce qui fait l’originalité de ce texte ? «

 

I) L’hommage à Ronsard

 

1) Les sources d’inspiration de Queneau

 

Ce poème de Queneau s’inspire de la très célèbre « Ode à Cassandre « de Ronsard.

On retrouve tout d’abord une ressemblance au niveau de l’interpellation de la destinataire : « mignonne « chez Ronsard qui devient « fillette « chez Queneau. Cette interpellation chez les deux poètes est répétitive. De plus, Queneau reprend l’adjectif ‘mignon’ au vers 17 avec « tes mignons biceps « pour caractériser la jeune fille. 

On remarque, de plus, la reprise du teint de rose puisque Ronsard, déjà dans son poème au vers 5 évoquait le teint de la rose et que l’on retrouve chez Queneau au vers 15 (« ton teint de rose «). On retrouve également la reprise de « soleil « au vers 3 chez Ronsard et au vers 29 chez Queneau. La reprise de l’impératif à valeur injonctive est répétée chez les deux poètes au moins deux fois (« cueillez cueillez votre jeunesse « chez Ronsard et « cueille les pétales de la vie « chez Queneau)

Queneau reprend aussi la métaphore de la personnification de la rose utilisée chez Ronsard pour mettre en évidence que la jeunesse est éphémère. 

Chez les deux poètes également, la raison du flétrissement de la beauté est la fuite du temps. Queneau reprend également l’incitation à profiter du moment présent. Il affiche la volonté de pasticher le poème de Ronsard, mais, en même temps, il va vouloir s’en démarquer.

 

2) L’originalité du texte de Queneau

 

On remarque tout d’abord une différence formelle entre Queneau et son modèle puisque Ronsard compose une ode c'est-à-dire 3 sizains avec des vers de 8 syllabes avec un schéma de rimes classique : suivies ou embrassées. En revanche, le poème de Queneau est composé d’une seule longue strophe, avec des vers beaucoup plus courts : des pentasyllabes, c'est-à-dire des vers impaires. Le poème de Queneau est aussi beaucoup plus dynamique, rapide, léger et constant. Ses répétitions reviennent comme une insistance obsédante tel une boite à musique et interviennent sur la fille plus facilement puisqu’il s’agit d’adresser une leçon de moral, une mise en garde. 

De plus, certaines répétitions créent une sorte de bégaiement par fragmentation de l’énoncé. Ainsi, Queneau va tuer tout le lyrisme amoureux que l’on trouvait chez son modèle et va abandonne aussi la langue soutenue que l’on trouvait chez Ronsard pour un niveau de langue beaucoup plus familier et des contradictions comme « xa va « au vers 22. Il y a aussi l’élision de la négation comme au vers 33 « tu vois pas «. à Il y a donc une volonté de reproduire la langue orale.

Enfin, Queneau choisit de donner une image beaucoup plus réaliste et beaucoup plus violente du vieillissement physique en juxtaposant dans le début du texte les éléments de la jeunesse et enfin en fin de texte tous les éléments propres à un vieillissement précoce.

ð Bien qu’il puise un même thème d’inspiration que chez Ronsard, Queneau cherche vraiment à se démarquer par un jeu verbal assez cru.

 

II) Les traces du temps et le ton du locuteur

 

1) Les principales composantes du portrait féminin (vers 15-20 et vers 35-38)

 

La jeune est toujours caractérisé par la même syntaxe (un nom + un complément du nom) Le est toujours très laudatif alors que dans la fin du poème, le lexique est toujours très péjoratif. Elle est au départ jeune puis passe au vieillissement de la peau. On passe ensuite de la minceur à l’embonpoint, puis de la musculature élégante au ramollissement musculaire. Tous les signes s’inversent pour souligner qu’il y a la déchéance physique présenté comme une dégradation brutale.

Les traits sélectionnés le sont sur le mode avant-après en faisant l’ellipse des étapes intermédiaires, ce qui permet d’exagérer et d’accuser les transformations. Le poète donne à voir le vieillissement non pas comme une évolution progressive à laquelle on a le temps de s’habituer mais comme un changement de nature brutal. Ce n’est donc pas un portrait très honnete.

 

2) Le ton de la moquerie

 

C’est surtout l’exclamation ce que tu te goures qui est la plus moqueuse, étant de plus très répétée et constante tout au long du poème (vers 10, 12, 24, 26, 47 et 49). De plus, Queneau fait rimer « amour « avec « toujours « (vers 6-9) ce qui est de l’ordre du stéréotype bien banal et bien usé. Il va également faire rimer « amour « avec « ce que tu te goures (vers 6-7), ce qui est un rappel à l’ordre, un rappel à la réalité de l’amour et aux illusions concernant le sentiment amoureux. L’interjection « ahah « au vers 4 est également très sarcastique et est censée reproduire le rire moqueur du poète. 

Les rêves de jeunesse de cette jeune fille et l’assurance qu’elle peut avoir son ainsi retournés en dérision par le poète. Les interpellations de la destinataire sont dépréciatives et marquent sont immaturité

On pourrait supposer vu le ton particulièrement moqueur que le poète se venge non sans cruauté d’un échec mental.

ð Le poète effectue à travers une moquerie incessante et un portrait très dépréciatif de la femme un acte de prévention face à la fuite du temps et à l’arrivée imminente de la vieillesse.

 

Conclusion

 

On pourrait croire ici à une poésie facile, spontanée et familière comme pourraient le laisser penser l’apparent relâchement de l’expression. Or, le texte est le résultat d’une réécriture très personnelle et très originale : il s’agit en effet pour le poète non seulement d’un fait de sa vie intime mais aussi de formuler un carpe diem de portée bien plus vaste.

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