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L'episode des cyclopes

Publié le 21/01/2011

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Quel est l’intérêt de l’épisode des Cyclopes ?

 

Chronologiquement, point de départ de l’Odyssée ; aventure qui fonde l’errance d’Ulysse (en éveillant la colère de Poséidon). Épisode devenu l’un des plus célèbres de l’œuvre ® au-delà d’un apparent manichéisme entre l’homme rusé et le géant bestial, il y a un échange menaçant entre la civilisation et la barbarie.

 

I- Un monde sauvage

 

A-      Un monde isolé du reste des hommes

 

Nature laissée à elle-même, absence de bateaux. Culture non maîtrisée, stade de l’élevage. Géants vivent dans les entrailles de la terre, en haut des montagnes, dans des grottes.

Au niveau politique, organisation clanique, proche de la horde (absence d’assemblées pour les conseils et de lois). Chacun fait la loi dans sa famille.

Polyphème est un solitaire parmi ces solitaires car ne les fréquente pas et vit à part. Proche de l’animal, se confond avec la nature (ne ressemble pas à un mangeur de pain mais plutôt au sommet boisé d’une montagne). Abandonné de ses compagnons après sa mutilation, ses seuls vrais amis sont ses moutons (adresse pathétique au bélier).

 

B-      Où peut se lire l’allégorie d’une éruption volcanique

 

-      Polyphème ressemble au sommet boisé d’une haute montagne.

-      Son œil unique = le cratère. Mention aussi de la fumée.

-      Il mange les hommes.

-      Lorsqu’Ulysse l’aveugle, du sang jaillit : de la lave ?

-      Vapeurs de la pupille en feu.

-      Bruits : grésillements, sifflements, rugissement.

-      Polyphème lance un rocher.

 

C-      Un non respect des dieux et de la loi sacrée de l’hospitalité

 

Quand survient Polyphème, les Grecs ne l’agressent pas et, au contraire, le supplient. Là se manifeste l’opposition entre le cyclope et les hommes (intérêt immédiat vs loi généreuse qui fait qu’on aide un inconnu qui le demande).

Impiété de Polyphème (religion remplacée par un sentiment égoïste filial envers Poséidon) qui va de pair avec son anthropophagie et le rapproche des bêtes fauves.

 

II-      Naissance d’un héros ?

 

A-      L’homme aux mille tours

 

Intelligence d’Ulysse et pensée de l’avenir vs Polyphème qui n’a pas compris la prophétie de Télémos > il ne croit qu’à ce qu’il voit immédiatement et en surface, les visages et les objets ne peuvent pour lui être des signes.

À l’inverse, Ulysse anticipe sans cesse : a épargné Maron parmi les Cicones, a gardé son vin, répond qu’il a fait naufrage quand le cyclope s’enquiert de son vaisseau, surmonte sa passion après que le géant a dévoré deux compagnons.

 

B-      Qui maîtrise le langage

 

Jeu de mot sur « personne » manifeste l’extrême humanité d’Ulysse. En jouant sur le nom propre (signifiant de l’individu et trace de mémoire) et le nom commun (signifié de l’absence d’individu et signe d’intelligence), il atteste sa maîtrise du langage, dont l’essence tient entre absence et présence.

Polyphème = celui qui n’a qu’in œil, physiquement et étymologiquement > ne maîtrise pas cette double valeur. En ce sens Ulysse tue en lui un stade antérieur de l’évolution de l’homme.

 

C-      Mais qui est encore capable de violence

 

Cf. rencontre précédente avec les Cicones marquées par les meurtres, viols et vols > vengeance contre une civilisation qui connaît pourtant d’autres moyens pour défricher les terres barbares (éducation défendue par Aristote 2 à 3 siècles plus tard). D’où la tempête qui éloigne d’autant mieux les Grecs d’Ithaque.

Arrivés dans la caverne de Polyphème, Ulysse et ses compagnons volent et mangent les fromages sans vergogne. À l’horreur du repas du cyclope, répond l’horreur de la mutilation infligée par Ulysse.

 

III-      Un épisode clé du point de vue symbolique

 

A-      Un hybris châtié

 

Importance narrative de l’épisode qui explique pourquoi Ulysse mettre dix ans à rentrer. Temps nécessaire pour échapper à la barbarie en soi.

 

B-      Le risque d’une perte d’identité

 

Du point de vue symbolique, en déclarant s’appeler « Personne », Ulysse trompe Polyphème, mais on peut aussi y voir la perte d’identité de celui qui risque de faire partie de la foule des « sans nom », morts dans l’espace non humain. Ainsi on comprend que la pire mort, c’est la mort en mer, parce qu’Ulysse perdrait son kléos (son renom) et qu’il n’aurait pas droit aux honneurs funèbres.

 

C-      Danger auquel répond la parole de l’aède

 

Ulysse prend le relais de Démodocos ; or l’aède connaît l’histoire des dieux et des hommes, il tend un lien entre divin et humain, entre hier et aujourd’hui.

Ulysse transforme donc le « il » du héros en « je », et l’Histoire en témoignage = autre lien entre le groupe et l’individu. Or parole = mémoire : dit la fidélité et la présence durable contre l’oubli ou la présence animale de l’instant. En se nommant, Ulysse donne à la fois des traits mortels au mythe et une présence durable au mortel qu’il est > tout en spécifiant le mythe, il généralise sa personne.

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