Devoir de Philosophie

Les difficultés de l'insertion

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

3 octobre 1990 - Les nouvelles en provenance de l'est du pays sont alarmantes. Il ne se passe de journée sans que l'on apprenne la fermeture d'entreprises importantes et de mise au chômage de milliers de salariés. Ainsi l'arrêt de la production des automobiles Wartburg, à Eisenach en Thuringe, décidée la semaine dernière par la Treuhandanstalt, l'organisme chargé des privatisations, supprime brusquement l'emploi de près de 20 000 ouvriers et employés dans une région peu industrialisée. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté le 21 février à Rostock, protestant contre l'annonce de la réduction de moitié du personnel des chantiers navals. La spirale de la chute La récession atteint tous les domaines : la production chute de 60 % dans l'industrie alimentaire, de 35 % dans l'industrie mécanique. L'année 1990 aura vu le produit national brut de l'ex-RDA baisser de près de 20 %. Les répercussions sur l'emploi sont à la mesure de cette désintégration de l'appareil productif. Aujourd'hui, on recense 760 000 chômeurs et 1,86 million de chômeurs partiels. Les experts prévoient la disparition rapide de 3,5 millions d'emplois sur les 9 millions qui existaient jusque-là dans l'ancienne RDA. Ces derniers ne seront qu'en partie compensés par la création prévue d'environ 1,5 million de postes de travail dans l'artisanat et les services. Est-on entré dans la " spirale de la chute " ? Des phénomènes inquiétants commencent à apparaître, comme le départ vers l'Ouest des cadres et ouvriers qualifiés. Ainsi, le magazine der Spiegel rapporte que, après l'échec de la reprise par AEG de l'entreprise est-allemande EAW, l'ensemble du département commercial de cette dernière ( une centaine de personnes) est passé chez AEG à l'Ouest, emportant le fichier clients d'EAW... L'aspiration de la force de travail est-allemande par une économie ouest-allemande dopée par l'ouverture d'un nouveau marché de 16 millions de consommateurs prend parfois des aspects absurdes : on peut voir des ouvrières de Thuringe effectuer un parcours quotidien de près de 600 kilomètres pour aller travailler aux expéditions de l'entreprise de vente par correspondance Quelle, près de Nuremberg, qui manque de main-d'oeuvre en raison de l'augmentation des commandes en provenance des nouveaux Länder. Les pronostics des instituts économiques, qui prévoyaient un début de reprise pour le milieu de l'année 1991, apparaissent aujourd'hui comme beaucoup trop optimistes. Le bout du tunnel, de l'avis de l'ancien chancelier Schmidt, ne pourrait être entrevu qu'en 1992. De nombreux obstacles empêchent pour l'instant les industriels ouest-allemands d'investir de manière significative à l'Est. Les investisseurs potentiels sont très réticents pour procéder aux acquisitions immobilières nécessaires à leur activité, car les questions foncières sont loin d'être juridiquement réglées ils risquent à tout moment de voir leurs acquisitions remises en cause par d'anciens propriétaires ou leurs héritiers. Le rythme de rénovation des infrastructures, transports, télécommunications, indispensables à l'activité d'entreprises modernes, est insuffisant pour inciter les industriels occidentaux à faire le saut. Peu nombreux sont également les cadres disposés, même au prix d'importantes promotions, à quitter le doux confort occidental pour participer à la mise sur pied d'un appareil moderne de production. Ils en sont dissuadés par les conditions de vie quasi spartiates qui leur sont imposées, entre l'Elbe et l'Oder, dans les domaines du logement, de la santé et de l'éducation. L' " état de grâce " social dont bénéficie aujourd'hui le gouvernement dans les nouveaux Länder est sur le point de prendre fin, ce qui place le chancelier Kohl devant un choix difficile : pour éviter l'explosion sociale à l'Est, il devra exiger de la part des habitants de la partie occidentale du pays des efforts dont il leur avait jusque-là caché la nécessité. LUC ROSENZWEIG Le Monde du 24-25 février 1991

Liens utiles