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Les hommes politiques sont ils des justiciables comme les autres ?

Publié le 16/01/2011

Extrait du document

Problématique: 

 

La justice est un principe philosophique, juridique et moral reposant sur le respect du Droit et de l'équité comme fondement de la vie sociale et de la civilisation. Elle fut inscrite dans l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Au regard de la justice, tous les citoyens sont égaux : ils ont les mêmes droits civils et politiques. Cependant, les hommes politiques, de par leur situation dans la société, disposent de droits ou d'avantages en fonction de leur position qui peut poser le problème de l'équité juridique.

 

I)Les hommes politiques semblent être des justiciables comme les autres

 

Dans un premier temps, nous pouvons constater que, plusieurs personnalités politiques ont fait l'objet de mises en examen. En France, malgré leur statut, à l'exception du président de la République durant son mandat, n'importe quel homme politique peut être soumis à la justice. Ceci peut être constaté tout d'abord dans « l'affaire Elf «, vaste scandale politico-financier ayant éclaté en 1994 et révélant un impressionnant réseau de corruption, mettant en cause politiques et grands patrons. Il a compromis de nombreuses personnalités parmi lesquelles, l'ancien ministre socialiste Roland Dumas qui fera l'objet d'un procès en 2002 avec les autres protagonistes de l'affaire, mais sera finalement relaxé en 2003. Également cité dans ce scandale, Charles Pasqua, homme politique français de droite , ayant été Ministre de l'Intérieur a été mis en cause dans plusieurs affaires depuis les années 2000, parmi lesquelles, l'affaire du siège de GEC-Alsthom Transport, celle de la Sofremi, ou encore celle du Casino d'Annemasse. Ayant été impliqué dans d'importants détournement de fonds et bien que relaxé au terme de plusieurs procès, il aura néanmoins fait l'objet de plusieurs mises en examen, en dépit de son statut d'homme politique. Dans le contexte de l'affaire Clearstream, apparue en 2004,est mis en scène un petit groupe de politiciens et industriels qui tenta de manipuler la justice dans le but d'évincer des concurrents, en prétendant notamment révéler l'existence d'un réseau international d'influences et de malversations ainsi que celle de 895 comptes bancaires ayant fait transiter de l'argent de manière illégale. Plusieurs hommes politiques sont mis en cause et font l'objet d'un procès, tel que l'ancien ministre français Dominique de Villepin qui sera mis en examen pour complicité de dénonciation calomnieuse, recel de vol, recel d'abus de confiance et complicité d'usage de faux, mais sera toutefois relaxé. L'ancien Président de la République Française, Jacques Chirac a lui aussi été mis en examen en 2007 pour détournement de fonds publics suite à l'affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris. Fait inédit pour un ancien Président de la République, il a été également été envoyé en correctionnelle.

Il est donc un fait constatable, que les personnalités politiques, malgré leur situation, peuvent être susceptibles de faire face à la justice, quelque soit leur poste. Aux États-Unis, la loi d'impeachment permet même au chef de l'État de faire l'objet d'une instruction pénale, pouvant parfois aboutir à la destitution de ce dernier. Toutes les infractions, à l'exception toutefois des plus mineures, peuvent déboucher sur cette procédure, la Constitution américaine précisant que le président pourra être destitué s'il est accusé et convaincu de trahison, corruption ou tout autre crime (high crime) et délit (misdemeanor). Plusieurs présidents américains y ont été soumis, tels que Richard Nixon, suite au scandale de Watergate ou encore Bill Clinton après l'affaire Lewinsky. En France également, le chef de l'État peut être mis en examen, en cas de haute trahison, ce malgré sa situation dérogatoire.

Ces divers exemples prouvent bien que les hommes politiques peuvent effectivement faire l'objet de procès et se trouver mêlé à la justice. Cependant, cela fait il réellement d'eux des justiciables comme les autres ?

II)Est il possible que les hommes politiques soient des justiciables comme les autres ?

 

Les hommes politiques peuvent avoir à faire face à la justice, en dépit de leur statut, cependant cela implique t-il forcément qu'ils soient des judiciables comme les autres ? Il faut d'abord rappeler que certains ont des statuts particuliers, comme par exemple les chefs d'États durant toute la période de leur mandat. En France, celui-ci bénéficie d'une situation dérogatoire puisqu'il est le garant de la continuité de l'État, or s'il était mis en examen, cette continuité serait remise en cause. Il ne peut donc pas faire l'objet d'une instruction pénale. Le chef de l'État n'est donc pas un justiciable comme les autres. 

Mais surtout, nous pouvons nous demander s'il est possible que les hommes politiques soient réellement des justiciables comme les autres. En effet, de par la statut, ils possèdent de nombreux réseaux, beaucoup d'argent... La justice est elle toujours impartiale ?  En effet, les politiques peuvent grâce aux pouvoirs qui leurs sont conférés et aux avantages matériels qu'ils possèdent, corrompent des témoins et ainsi fausser la justice. Récemment, le président du conseil italien, Silvio Berlusconi a perdu son « immunité temporaire «, qui prévoyait la suspension de toute procédure à l’encontre des personnages exerçant les quatre plus hautes fonctions de l'État. On pourrait donc penser qu'il redevient alors un « justiciable comme les autres «. Seulement le fait de perdre cette immunité ne lui fait pas perdre pour autant sa fortune ni ses réseaux, dont il a largement fait usage dans le cas de nombreuses corruptions judiciaires.

La justice peut elle être également impartiale lorsque le chef de l'État est impliqué ? Ce fût le cas lors de l'affaire Clearstream, qui incluait le président Sarkozy face entre autres à l'ancien premier ministre, de Villepin. Or le procureur de la République étant sous l'influence du ministre de la justice qui lui même est sous les ordres du président, ce dernier possède forcément un réseau d'influences qui rendent forcément le procès moins équitable vis à vis de celui qui n'est que l'ancien premier ministre. Est donc réellement possible que les hommes politiques soient des justiciables comme les autres ? 

 

III)Doivent ils être des justiciables comme les autres ?  

 

Lorsque l'on se demande si les hommes politiques sont des justiciables comme les autres, la question qu'il faut également se poser est, doivent ils être des justiciables comme les autres ? Dans un premier temps, il est vrai que dans le cas du chef de l'État, cela remettrait en cause la continuité de l'État, mais en plus, offrir aux juridictions pénales la possibilité de condamner le président de la République lors de l'exercice de ses fonctions, permettrait à celles ci de s'immiscer dans l'exercice du pouvoir politique. Or ceci est interdit pas la Loi du 16-24 août 1790, qui précise d'ailleurs dans son article 13: « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. «. Dans la cas du chef de l'État, sa situation dérogatoire semble légitime. En conséquence nous pouvons dire, par exemple dans le cas du président Chirac, lorsqu'il était dans l'exercice de ses fonctions, qu'il était légitime de ne pas le mettre en examen, quelque aient été les affaires dans lesquelles il fût impliqué. 

Cependant nous pouvons néanmoins nous demander si ce statut particulier des hommes politiques est vraiment juste et équitable ? En effet, l'égalité est la base de toute société démocratique. Il est d'ailleurs précisé dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux «. Chacun devrait donc être considéré comme n'importe quel autre citoyen au devant de la justice, et personne ne devrait bénéficier de traitement particulier puisque cela remettrait en cause la notion d'égalité.

Il est aussi important de noter que les hommes politiques, en tant que représentants de la société et d'un peuple ont en conséquence un rôle d'exemple. Ils devraient donc avoir une conduite irréprochable et sinon, comme n'importe quel citoyen, être punis par la justice, encore une fois pour montrer l'exemple. Le chef de l'État est d'ailleurs tout particulièrement celui qui représente le pays et devrait avoir un rôle de modèle pour tout les citoyens. Une faute de sa part ne nécessiterait donc pas un mise en examen comme chaque citoyen doit y être soumis ? Cependant il ne faut pas oublier que tout dépend de la gravité de l'acte, mais effectivement si un homme politique commet une faute grave, même s'il s'agit du chef de l'État, il devrait être soumis à la justice, et dans ce cas là, la loi d'impeachment américaine serait probablement la mieux appropriée.

 

La question de savoir si les hommes politiques sont des justiciables comme les autres entraine donc de multiples problèmes et questions. En effet, tous les politiques n'ont pas le même statut vis à vis de la justice, par exemple, un maire bénéficiera pas des mêmes avantages que le président de la République. Donc les hommes politiques sont des justiciables comme les autres, dans la mesure où il ne s'agit pas du chef de l'État, et où justement ils peuvent faire l'objet d'une instruction pénale. Cependant est ce possible qu'ils soient réellement à égalité avec des autres, puisqu'ils jouissent néanmoins de réseaux et d'avantages que d'autres citoyens n'auront pas forcément. Serait-ce donc un idéal que les personnalités politiques soient des justiciables comme les autres ? Mais aussi doivent ils l'être ? Tout dépend finalement de la gravité de l'acte et de l'impact que celui a eu ou peut avoir. Cependant dans nos sociétés actuelles dans lesquelles la démagogie et le pouvoir de l'argent ont une telle influence, nous pouvons nous demander si le fait que les hommes politiques soient des justiciables comme les autres n'est pas davantage un idéal qu'une réalité.

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