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« Les obsèques de la lionne », VII, 14, Fables, La Fontaine.

Publié le 16/10/2010

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fontaine

 

Problématique : Montrer que le texte est de registre satirique ; comment LF critique-t-il les comportements à la cour ? 

 

I. Une mise en scène animale : 

a) le lion : un metteur en scène.

-    Ce sont les obsèques de la lionne qu’il s’agit de préparer. Le lion va régler le déroulement des événements. 

-     Il décide de la date et du lieu des funérailles. (V8)

-     Le roi distribue les rôles : « Ses prévôts « exécuteront ses ordres ( V8) > l’article possessif  montre qu’ils sont au service du roi.

- Tout est bien organisé comme le montre le vocabulaire : «  placer ; régler « ( V 9 ; 10) 

- « La compagnie « sera « placée «, vraisemblablement selon le rang hiérarchique qu’occupe chaque personnage. 

> Le lion est le protagoniste de cette cérémonie. 

 

b) Une fable en cinq actes : 

Le récit connaît plusieurs rebondissements.

- vers 1-16 : scène d’exposition qui propose un tableau funèbre : les funérailles de la lionne

- vers 35-38 : le nœud dramatique : Accusé à tort d’avoir ri aux funérailles, le cerf se voit condamné par le roi à la mort. C’est là une sentence tragique. 

- Vers 39-49 : un coup de théâtre : Le drame est évité de justesse grâce à l’affabulation du cerf : l’animal ruse 

- Vers 49- 51 : le dénouement : réconciliation générale, liesse de la compagnie marquée par des cris ( v 50) et l’exclamation «  Miracle, apothéose ! «.

- Vers 52-55 : la moralité.

> La cérémonie funéraire constitue un spectacle à part entière.

> On passe de la cérémonie funéraire marquée par l’ « affliction «( vers 5), par des cris de désespoir ( « le Prince aux cris s’abandonna « vers 12) aux cris de joie ( v50) ; on passe de la condamnation à mort du cerf au cadeau que celui-ci reçoit. Les excès contraires s’enchaînent rapidement. 

> La succession de ces multiples événements donne de la cour l’image d’un univers plein d’intrigues. 

 

II. La satire politique : 

a) La satire de la cour : 

- la reine : un portait antithétique : de la cruauté… > Cf vers 26-27 : On apprend que la reine a étranglé le femme et le fils du cerf. > cruauté indicible du geste est mise en valeur par la sécheresse de ces 2 vers et par la place de l’adjectif « étranglé «, en tête de vers. ; une reine infanticide qui semble tuer sans raison. à l’angélisme : Dans sa fabulation, le cerf rapporte les paroles de la reine et dresse ainsi un portrait élogieux de celle-ci afin de toucher l’orgueil du roi. > CF vers 41-49. L’animal commence par désigner la reine sous la périphrase « digne moitié « : au regard des crimes qu’elle a commis, cette caractérisation est ironique.  Puis il fait dire à la reine qu’elle vit chez les Dieux, « conversant avec ceux qui sont saints comme moi « ( v 47) > allitération en [s] qui met en valeur la pureté toute ironique de la reine-lionne + comparaison de la reine à une « sainte «. La reine se trouverait au Paradis (CF « couchée entre des fleurs «), menant une vie de « plaisirs « (v 49 > substantif mis en valeur par le rejet ) ; hyperbole « mille charmes « connote un état euphorique ; rimes antithétiques : aux « pleurs « (v 39), s’oppose « les fleurs « (v 41) ; aux « larmes « (v 45), s’oppose les « charmes « (v 46) afin d’écarter la « douleur « au profit du « plaisir «. 

> Le cerf, pour sauver sa peau, recourt à la ruse flatteuse et  brosse un portrait mensonger de la reine. 

- Le portrait du roi : un roi autoritaire CF 3 impératifs « Venez, Vengez, immolez « (v 36-38) ; un roi humiliant CF la périphrase «  chétif hôte des bois « + « traître « > écrase durement sa victime ; un justicier inique : vers 35-38 : combinaison de rejet et de contre-rejet montre combien le procès est expéditif. De plus, le verdict rendu est injuste car il est fondé sur une délation et non sur des preuves irréfutables. > le jugement royal se conçoit comme une justice arbitraire qui a pour principe la violence. 

 

b) La satire des courtisans : 

C’est notamment au moment de l’intervention de l’auteur (vers 17-24) que LF fait la critique des courtisans. Ceci marque une pause dans le récit. 

- des êtres hypocrites qui cherchent à plaire au roi : Tous se conforment à l’humeur du prince : lorsque celui-ci « aux cris s’abandonna «, les courtisans l’imitent  ( v 15-16), ce qui fait dire à LF que ces gens sont des animaux changeants, à l’image du « caméléon « et du « singe «. Le caractère changeant des courtisans est aussi illustré par le chiasme et l’antithèse  du vers 18. Le parfait courtisan est celui qui ne montre aucun signe d’individualité et qui est ce qui plaît au prince ou du moins qui paraît être ce qui plaît au Prince. ( v 19-20). L’opposition entre l’être et le paraître est signifiée par la mise à la rime de ces deux verbes. Les courtisans sont si dénués d’âme qu’ils ressemblent à des machines ( v 23). 

- des menteurs qui cherchent la faveur du roi : v 28-29. La délation du flatteur est fondée sur un mensonge que souligne la paronomase de la rime entre « dire « et « rire «. Qu’est-ce qui peut pousser un courtisan à dénoncer le cerf pour une faute qu’il n’a pas commise sinon la recherche de ce privilège tant convoité : la faveur du roi ? La colère du roi est immédiate, signifiant sa crédulité. 

 

c) la portée didactique : la moralité 

Quelle conclusion tirer de ce récit ? 

- LF dénonce à la fois la cour crédule qui aime entendre ce qui lui plaît, qui aime être flattée  et l’hypocrisie des courtisans. 

- Pourtant, les 3 impératifs de la moralité (« amusez, flattez, payez «) montrent que l’auteur invite le lecteur à vivre dans ce mensonge du paraître qu’il a dénoncé tout au long de son récit afin d’être « l’ami « du roi : l’hypocrisie serait le moyen efficace de lutter contre la violence sanguinaire ; il s’agit de vaincre le mal par le mal. > Sa position demeure équivoque. 

 

Conclusion : 

- Cet apologue brosse un tableau sombre de la société de cour : le modèle de l’honnête homme n’est ici qu’un lointain souvenir.

- LF se sert du travestissement animal pour critiquer la cruauté caractérisant la cour de Louis XIV et  préconise comme échappatoire le dédoublement de l’être.

 

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