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Les problèmes sociaux comme comportements collectifs, par Herbert Blumer

Publié le 12/04/2011

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     Dans cet article de 1971, Herbert Blumer remet en question les études sociologiques des problèmes sociaux, afin de réorienter la recherche sur ce thème.  Pour lui, les problèmes sociaux n’existent pas comme un ensemble de conditions objectives, mais sont les produits d’un processus de définition collective par la société.  Il commence par montrer les lacunes des démarches habituelles des sociologues traitant des problèmes sociaux, puis expose en détail sa propre théorie sur la constitution des problèmes sociaux et analyse les grandes étapes de leur ‘carrière’ publique.      Dans une première partie, H. Blumer tente de démontrer que la démarche habituelle des sociologues pour étudier et analyser les problèmes sociaux est lacunaire. En effet, les sociologues s’attachent généralement à identifier ces problèmes, qui sont une condition ou un agencement nuisibles à la société. Ils le décomposent ensuite, pour l’analyser, essaient d’en identifier les causes, et enfin proposent d’éventuels remèdes. Cependant, selon Blumer, cette démarche repose sur des présuppositions fausses. Effectivement, il met en avant le fait que les sociologues ne peuvent détecter seuls un problème social : la reconnaissance des problèmes sociaux par la sociologie ne fait que suivre la reconnaissance de ces mêmes problèmes par la société (Blumer donne plusieurs exemples de ce phénomène, p. 190). En bref, les sociologues ne font que détecter les problèmes sociaux quand ceux-ci sont déjà définis comme tels par l’opinion publique.  De plus, l’identification d’un problème social par les sociologues repose sur des critères qui se veulent objectifs (comme catégories de personnes impliquées, caractéristiques sociales, etc.), afin de légitimer leur analyse. Selon Blumer, un problème existe avant tout par la manière dont il est défini et conçu par et dans la société. Donc la vision supposée objective des problèmes sociaux détectés par les sociologues est erronée.  Enfin, Blumer remet en question l’utilisation des études sociologiques sur les problèmes sociaux par la société. Par leurs études, les sociologues tentent de traiter les problèmes sociaux. Cependant, ces études ne tiennent pas compte de la manière dont la société agit au sujet de ces problèmes, et sont donc généralement inefficaces.    Pour Blumer, il semble donc plus logique d’étudier le processus par lequel un problème social en vient à être défini comme tel par la société, aspect que les recherches sociologiques sur les problèmes sociaux ignorent généralement. Il s’attache donc à étudier le processus par lequel une société en vient à reconnaître, définir et traiter ses problèmes sociaux, en cinq étapes :  1) L’émergence des problèmes sociaux. Tout mauvais fonctionnement ou situation nuisible dans une société de ne devient pas forcément un problème social. Il ne suffit pas qu’une situation pernicieuse soit perçue par des observateurs intelligents pour qu’elle devienne un problème social. En effet «, ‘ un problème social n’existe pas tant qu’une société ne reconnaît pas son existence « (p. 194). Pour Blumer, il est donc nécessaire d’étudier ce processus sélectif d’émergence des problèmes sociaux, qui dépend de très nombreux facteurs et acteurs (ampleur de l’agitation sociale, rôle des groupes d’intérêts, des médias de masse ou des personnalités politiques).  2) La légitimation des problèmes sociaux. Pour qu’un problème social poursuive sa ‘carrière’, il faut qu’il soit jugé suffisamment respectable pour acquérir une reconnaissance, par l’intermédiaire de la discussion publique (via la presse, les autres médias, l’école, etc.).  3) La mobilisation de l’action. Le problème social entre ensuite dans une étape importante, celle de la mobilisation de la société, qui va chercher à agir sur le problème. Le problème est alors discuté dans tous les lieux de la discussion publique.  4) La formation d’un plan d’action officiel. La société prend alors position pour agir. Elle établit un plan d’action officiel, qui définit la façon de traiter le problème par les institutions officielles de la société.  5) La mise en place du plan d’action. Le plan d’action est ensuite appliqué sur le terrain de manière concrète, après d’éventuels arrangements.    Blumer conclut en rappelant le but de cet article : ouvrir une nouvelle approche sociologique des problèmes sociaux, en s’attachant à leur définition par la société et aux étapes de leur carrière. Ce type d’études contribuerait probablement plus à des améliorations sociales.      Pour conclure, ce texte de Herbert Blumer est un texte relativement accessible, l’auteur prenant soin d’expliquer et de reformuler constamment ses théories. La structure en est de plus facilement détectable, et suit une progression cohérente.  Quant au contenu, le texte de Blumer reste à replacer dans son contexte de rédaction, au début des années 1970. En effet, à cette époque, considérer les problèmes sociaux comme le résultat de comportements collectifs est assez original. Cette théorie donnera lieu à une nouvelle manière pour les sociologues modernes d’analyser les problèmes sociaux.   

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