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L'exemple du brigand dans Le Contrat social, Livre I, ch.3 (Rousseau)

Publié le 05/12/2010

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rousseau

Dans le chapitre trois, Rousseau examine l’argument de ses adversaires disant que  la société serait fondée sur le droit du plus fort. Il y utilise l’exemple du brigand pour appuyer son argument contraire à celui de ses adversaires : la thèse du droit du plus fort n’existe pas en tant que la force n’est pas un droit ; son utilisation pour soumettre une personne n’est pas légitime.

Dans cet exemple, le brigand ne laisse pas le choix et contraint, contre sa volonté, sa victime à donner son bien. La contrainte, induite par la force, ne laisse pas l’exercice de la volonté propre et impose d’agir à l’encontre des choix faits.

Pourtant, la victime n’est pas obligée « en toute conscience « de donner sa bourse. L’obligation induit une notion de devoir moral, l’exercice d’une liberté et d’un choix qui peuvent être transgressés. Or la force utilisée, et son incarnation par des puissances matérielles telles que le pistolet, est une contrainte, forçant à obéir. Toutefois cette force ne donne aucun droit légitime. 

 

L’exemple que donne Rousseau vise à renverser ce qu’il réfute : « obéissez aux puissances «, dans le sens de « forces «. Le brigand contraint par la force et la puissance qu’est le pistolet à donner sa bourse, mais jamais personne ne l’acceptera de plein gré si il est contraint. Donner implique un choix moral, or ce n’est pas ici le cas. Rousseau matérialise ici le tyran en tant que brigand et la peur par le pistolet. Gouverner par la violence serait une incohérence : personne n’offre sa liberté au tyran et à son régime. Le tyran contraint le peuple qu’il gouverne par la peur ou la nécessité, mais dès qu’une faille se présente, le peuple reprendra sa liberté. Si le peuple ne s’en remet pas à des puissances légitimes par sa propre volonté et si il ne les reconnaît pas, il trouvera toujours un moyen de transgresser le régime auquel il est soumis : « Sitôt qu’on peut désobéir impunément on le peut légitimement « Rousseau Le contrat social.  Rousseau conclu par « on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes «.

       Peut-on vivre en marge de la société ?

 

Analyser peut-on?   

 

Le verbe pouvoir possède différentes significations : tout d’abord l’implication de possibilité, de capacité, comme il en est ici le cas, mais aussi celle de droit, d’autorisation.

Le sujet indéfini « on « peut désigner : les gens, l’opinion publique, tout le monde, le « nous « d’un groupe. Ici le mot « on « désigne l’homme, dans le sens du genre humain.

 

Dans ce sujet, l’association du « peut-on ? « a plusieurs significations :

Est il possible pour tout le monde ? A-t-on, nous les hommes, la capacité de ? Est-il possible de le faire? En a-t-on l’autorisation ? (En droit/ en fait)

Le sens principal qui en ressort est celui de la capacité à le faire, de la possibilité, et si cela peut s’appliquer à toutes les personnes présentes sur terre.

 

Comparer les différents sens de « marge « à l'aide d'un dictionnaire de la langue française.

 

« Marge « signifie :

- espace laissé de part et d’autre d’un texte imprimé ;

- écart, distance, délai disponible entre les limites

- plus ou moins en dehors, à l’écart de 

- bénéfice, différence entre le prix d’achat et le prix de vente

- tolérance, écart possible d’évaluation

Dans tous ses sens, le mot marge a toujours la même implication : celle d’espace, d’écart entre les choses. Cette implication peut être positive ou négative selon les cas et les emplois.

Trois des sens de « marge « ont rapport avec le commerce : bénéfices, tolérance d’évaluation, délai entre les limites.

 

Culturel et géographique=limite

Formulez le problème indiqué par la question. 

 

« Vivre en marge de la société « consiste à : vivre à l’écart des ses semblables (isolement physique et géographique) ou vivre hors des normes de la société, comme un marginal qui défie les mœurs ? Dans quel sens prend-on « vivre « dans ce cas ? Survivance ou épanouissement ?

 

Deux questions alors :

   * Dans quelle mesure un être humain est-il capable de survivre à l’écart de ses semblables ? Y trouverait-il une possibilité d’épanouissement ?

   * Dans quelle mesure une personne peut-elle vivre en désaccord avec la société des mœurs dans laquelle elle vit ?

 

Cherchez des exemples littéraires ou autres dans la perspective du sujet. Vous en choisirez un et vous préciserez à quelle fin vous le retenez. Vous en rédigerez l'analyse.

 

Ex : L’exemple que je choisi est celui de Robinson Crusoé, personnage de Vendredi ou les Limbes du Pacifique de M. Tournier. Je le choisi parce qu’il représente parfaitement l’isolement géographique et la survie d’un adulte de la société qui n’a pas choisi de vivre en marge, la fatalité extérieure l’y a contraint (au contraire de l’ermite) jusqu’à ce qu’il fasse son propre choix. 

Dans ce roman on peut suivre l’évolution psychologique du personnage principal : de l’exploitation de ses capacités pour survivre, en passant par la solitude totale et l’envie de suicide, au refus de repartir à la civilisation.

Le personnage principal échoue sur une île déserte après le naufrage du bateau sur lequel il voyageait. Il décide de la nommer Esperanza (Espérance). Il y survit grâce à ses connaissances et aux ressources de l’île. 

Il tente de combler le vide de son existence en philosophant ou se remémorant ses souvenirs mais il est en passe de devenir fou.  On voit ici que vivre en marge de la société est difficile : la survie première de Robinson grâce aux ressources de l’île mais particulièrement grâce à l’usage de ses capacités et de ses connaissances. Il n’est pas totalement en dehors de la société, puisqu’il utilise encore les savoirs qui en sont issus. 

De plus, il supporte difficilement la solitude, qui a failli le pousser au suicide. Le rapport avec autrui, qui dégage une certaine tranquillité, stabilité, est ici supprimé. Cette confrontation avec quelqu’un de la même espèce est essentiel pour se définir : ne possédant plus ce repère, Robinson doute de lui-même et de sa tangibilité.

Il sauve alors un nègre, qu’il appellera Vendredi (parce qu’il n’est ni un objet ni un homme).  Cette confrontation avec « autrui « lui permet de retrouver ses repères en tant qu’ « homme « et de se réapproprier son humanité. Il continue sa vie en tant que « gouverneur « de l’île, recréant une part de la société dans laquelle il vivait avant. 

 

Finalement, un bateau accoste sur l’île et propose à Robinson de repartir : celui ci refuse mais Vendredi décide de partir avec eux. Le refus de Robinson peut surprendre, mais au cours des 28 années qu’il a passées sur l’île, sa vision de la société, ses valeurs et le rapport avec autrui ont profondément changé. Les valeurs occidentales avec lesquelles il a été élevé n’ont plus de signification pour lui : il est dénué de l’instinct de propriété, il est indifférent aux projets de conquête et d’aventure du commandant, aux plaisirs. Ce qui le détache définitivement des hommes, c’est lorsqu’il réalise « l’irrémédiable relativité des fins qu’il les voyait tous poursuivre fiévreusement « : cette quête des plaisirs à assouvir est sans fin, et ne l’intéresse plus depuis qu’il en a compris la vacuité.

 

On peut dire que sa survie n’est due qu’à l’exploitation de ses acquis issus de l’éducation pourvoyée par la société et à la rencontre avec un de ses semblables : ces faits lui ont permis d’évoluer et de choisir enfin de vivre en marge de la société lorsqu’il se confrontera à ses congénères.

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