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L'HISTORIEN ET LES MEMOIRES DE LA GUERRE D'ALGERIE

Publié le 29/09/2015

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La guerre d’Algérie est une guerre d’indépendance (1954-1962) qui opposera l’armée française au Front de Libération national algérien. Face à l’insurrection algérienne de 1954, les gouvernements français refusent de reconnaitre qu’il s’agit d’une véritable guerre. Ils parlent d’évènements ou de « pacification «. Cette guerre jamais nommée se termine par l’indépendance de l’Algérie et les accords d’Evian. La France en sort avec une image écornée de pays démocratique ….

 

1 : L’historien et les sources :

 

Il n’y a pas de mémoire officielle possible car dans le contexte des trente glorieuses en France, la majorité de la population ne s’intéresse absolument pas à cette guerre et aucune commémoration officielle n’est envisagée. Dès 1962 les différentes lois d’amnistie s’appliquent aux faits liés au conflit et veulent éviter toute contestation des différents groupes et être des outils de réconciliation. Les archives sont classées « secret défense « , sont perdues ou détruites pour certaines. Quand elles sont en Algérie, elles sont inaccessibles aux historiens occidentaux. Le traitement des demandes d’accès aux archives militaires aurait dû être facilité par la loi de 2007 mais dans la réalité les délais d’accès sont très longs. La difficulté pour l’historien est de confronter les archives récemment ouvertes avec les expériences vécues et racontées. La confrontation des sources rend la guerre d’Algérie très complexe.

Les pressions sont nombreuses de la part des différentes associations qui soutiennent les pieds-noirs, ou les harkis, ou l’armée. La censure joue : Henri Alleg dénonce la torture en 58 mais son ouvrage est censuré. Un film comme la bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo reçoit en 1966 le Lion d’Or au festival de Venise mais ne sort pas en salles à la suite de menaces émanant d’associations de rapatriés. Il sera diffusé à la télévision en ….2004. L’éducation nationale doit dans ses programmes aborder l’Algérie de l’époque coloniale et mettre en valeur les « aspects positifs « de la colonisation.

 

Il faut attendre les années 80 pour que l’on puisse réellement commencer à voir s’édifier un travail scientifique cohérent sur la guerre d’Algérie. En 1988 est organisé le premier colloque universitaire sur la guerre d’Algérie et des historiens comme Benjamin Stora, Mohammed Harbi publient des ouvrages majeurs. D’autres comme Nora et Rousso travaillent sur la question de la transmission des mémoires. Depuis 1990, des groupes acteurs du conflit ou leurs descendants remettent sur la scène médiatique des faits connus mais occultés ( ex : la manifestation pacifique des algériens à Paris le 17 octobre 1961 qui s’était terminée par la mort de plusieurs dizaines de manifestants tués par la police). En juin 1999 l’assemblée nationale vote le terme de « guerre d’Algérie « faisant des soldats ayant participé à cette guerre, des anciens combattants.

 

2 : Deux groupes mémoriels : les pieds-noirs et les harkis

 

L’Algérie a laissé des traces profondes dans les mémoires des rapatriés d’Algérie et en tout premier lieu dans celles des pieds-noirs, ce million de français vivant en Algérie depuis plusieurs générations et ayant tout perdu en montant sur les bateaux qui les rapatriaient sur Marseille. Les Pieds-noirs ont gardé un ressentiment face au Général de Gaulle qui a signé les accords d’Evian, face aux français de métropole qui ne les accueillent pas à bras ouverts et contre l’état en général qui ne leur reconnait pas le statut de « victimes de guerre «.

 

Porteurs de la mémoire de l’Algérie française, ils idéalisent ce territoire perdu, sentiment désigné par le terme de « Nostalgérie «. Ils réclament la reconnaissance de leur drame et des compensations financières. La loi d’indemnisation de 1970 est jugée insuffisante. Dans le midi de la France, les rapatriés forment un groupe de pression important grâce à leur poids électoral. Des associations comme l’UDISFRA ( union des français repliés d’Algérie) existe depuis 1965 à Marseille et depuis 2008, la parole des pieds-noirs est globalement portée par l’ANPNPA (association des pieds noirs progressistes). Des chanteurs comme Enrico Macias ou Patrick Bruel, des acteurs comme Richard Anconina, Roger Hanin ou Marthe Vilalonga, Guy Bedos ont représenté médiatiquement et culturellement ce groupe.

 

Les anciens combattants de l’armée française algériens d’origine sont les harkis. Ils sont 300 000 à avoir fait partis des rapatriés d’Algérie puisqu’ils étaient considérés comme des traitres par leurs compatriotes. Ceux qui sont restés furent menacés et assassinés. Ceux qui arrivent en France sont des apatrides : ils ne sont plus français et sont rejetés par la société française. Ils n’ont aucun droit et leurs familles sont regroupées dans des camps de transit, dans des cités ou des hameaux forestiers. Ils ont été exclu des plans d’évacuation et sont souvent refoulés quand ils arrivent car ils sont considérés comme des clandestins.

A partir des années 80 les harkis et leurs enfants se révoltent contre leurs conditions de vie et la relégation sociale dont ils sont victimes. Ils réclament la reconnaissance officielle de leur drame et attaquent la France pour « crime contre l’humanité «. A cette époque, plusieurs mouvements antiracistes se développent et ils parviennent à donner une nouvelle visibilité aux enfants d’immigrants algériens en particulier. L’ethnologue Jean Servier étudie leur situation et la révèle au grand public. Le 25 septembre 2001 une cérémonie officielle est proclamée en hommage aux harkis et deux ans plus tard elle devient la journée nationale d’hommage aux harkis.

 

3 : Le problème de la torture dans la guerre d’Algérie :

 

Elle a été occultée complètement car l’armée française était résignée à la loi du silence, que les généraux l’ayant pratiquée étaient encore des officiers importants .Les torturés ne s’expriment pas sur leurs souffrances car ils ne veulent pas les revivre et craignent pour leur sécurité. Elle fut utilisée contre les l’armée du FLN et le FLN, à un  moindre degré l’a aussi utilisée pour obtenir des renseignements. Cependant à partir de 1990 l’armée française reconnait officiellement avoir systématiquement pratiqué l’assassinat et la torture sur ses adversaires quand elle considérait que ceux-ci soutenaient la cause du FLN. Les historiens vont alors s’emparer d’un sujet que les médias vont remettre au cœur de l’actualité.

A partir de 2000, la France entreprend la reconnaissance officielle du conflit et des pratiques de l’armée française. La reconnaissance par l’Assemblée nationale de la guerre d’indépendance en Algérie, permet d’ouvrir les archives, d’écouter les victimes et de décrire la torture.  La parole des victimes est prise en compte dans la mémoire nationale. Des anciens généraux témoignent de ces pratiques comme le général Aussaresses et le général Massu. Louisette Ighilahriz, ancienne combattante du FLN témoigne de la torture qu’elle a subie alors qu’elle n’avait que 20 ans. En décembre 2000 l’historienne Raphaëlle Blanche soutient une thèse qui devient une référence universitaire sur l’usage de la torture par l’armée. Les débats sur la torture vont pouvoir revenir au premier plan avec la parution de livres, d’interviews de victimes et d’exécutants. Des commémorations se mettent en place comme en 2004 l’inauguration de la place Maurice Audin à Paris qui rend hommage à ce jeune militant communiste d’Alger, arrêté et torturé à mort.

 

Conclusion

 

Il est toujours impossible de trouver une date consensuelle pour commémorer cette guerre. Les accords d’Evian (19 mars 1962) ? les pieds noirs et les harkis s’y opposent car la guerre ne s’est pas terminée avec l’armistice. Même le Mémorial du Quai Branly à Paris ne fait pas l’unanimité car les anciens combattants lui reprochent de faire figurer les noms des civils parmi les morts de la guerre. Les mémoires sont donc toujours concurrentes et la période coloniale comme la guerre sont toujours des sujets tendus entre la France et l’Algérie. Le rapprochement entre les deux pays est toujours difficile et un traité d’amitié n’est toujours pas signé.

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