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Margaret MEAD (1901-1978) Amour domestique chez les Arapesh

Publié le 19/10/2016

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Margaret MEAD (1901-1978)

Amour domestique chez les Arapesh

Les relations sexuelles, pour les Arapesh, ne se conçoivent guère en dehors du mariage. Les amours de rencontre, les liaisons passagères, le désir soudain qui réclame son assouvissement immédiat - tout cela ne signifie rien pour eux. Loin d'être romanesque, leur idéal est essentiellement domestique. Les rapports sexuels sont affaire sérieuse, qui doit être entourée de précautions et qui exige, avant tout, une entente parfaite entre les partenaires. Il y a danger, en effet, à unir la « chaleur », qui est mâle - le mot « chaleur » étant pris non dans le sens physiologique, mais dans son acception symbolique, puisque tout ce qui touche le surnaturel est dit « chaud » - et le « froid », principe féminin, qui, là non plus, ne désigne pas la froideur physique, mais l'absence d'affinité avec le surnaturel. Le danger est moindre lorsque l'union a été préparée par de longues fiançailles : la jeune épouse inexpérimentée fait déjà presque partie de la famille ; depuis des années, on la voit chaque jour ; elle n'est plus une étrangère. Coucher avec une étrangère est périlleux : autant abdiquer une partie de soi-même entre les mains des sorciers. Pour les Arapesh, en effet, il ne saurait y avoir quoi que ce soit de commun entre une soudaine impulsion sexuelle et l'affection. C'est pourquoi, lorsqu'un homme se laisse séduire par une femme au hasard d'une rencontre, à l'occasion de quelque fête dans un village inconnu, il est raisonnable qu'il attribue à cette femme étrangère, donc ennemie, l'intention de l'ensorceler. Ce n'est que dans le mariage, dans cette union douce, amicale et préparée de longue date, que la vie sexuelle peut s'épanouir sans risque.

Mais le mariage lui-même ne dispense pas de certaines précautions. Les époux doivent observer les rites nécessaires pour se libérer de l'opposition entre le « froid » et le « chaud » qui se sont mêlés. Sinon, le mari ne réussira pas ses plantations d'ignames, le gibier échappera à son œil vigilant, et la femme donnera le jour à des enfants sans force ni santé. Il suffit cependant de prendre les précautions rituelles pour qu'il n'y ait plus aucun danger. Si l'homme va récolter les ignames, il se purifie d'abord par une magie de son contact avec l'élément féminin ; s'il danse avec le tamberan, il doit se laver de cet autre contact avant de pouvoir, en toute sécurité, s'approcher de sa femme. Il en est de même lorsqu'il a touché un cadavre, tué un homme ou encore sculpté un certain masque de tamberan appelé abuting. Quand la fontanelle de son enfant se soude - fin d'une période difficile pour le père - l'on a recours à la saignée. La femme n'accomplit de rituel analogue qu'à la suite de ses premiers rapports sexuels, et après la mort de son mari. Si son épouse meurt, un homme doit également se soumettre à ce cérémonial. Tout cela fait partie d'un comportement méthodique, des moyens rituels nécessaires pour transformer ce qui est dangereux en quelque chose d'inoffensif, de confortable, d'affectueux, pour, en un mot, fermer à la peur le cœur de l'homme.

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