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Molière- Don Juan

Publié le 12/05/2011

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INTRODUCTION 

 

Prototype du Séducteur dans la conscience collective, Dom Juan est d’abord « El Burlador », tel que l’a conçu Tirso de Molina, c’est-à-dire le Trompeur, le Mystificateur. Dans la pièce de Molière, l’intrigue amoureuse n’occupe que les deux premiers actes. Fidèle à l’origine du personnage, Molière en fait surtout un homme masqué, un « hypocrite » qui selon l’étymologie, est l’acteur par excellence. C’est autour des rôles multiples qu’interprète Don Juan que se construit l’unité de la pièce mais aussi son ambiguïté.

Sous les masques, quel est le véritable visage de Dom Juan et de son auteur ? En opposant le maître et le valet, Molière confronte deux systèmes de pensée que nous présenterons. Dans une troisième partie, nous essaierons de déterminer la position de l’auteur et la portée philosophique de la pièce. 

 

 

DEVELOPPEMENT 

 

NOTES:

 

Œuvre athée ou moralisatrice ?

 

- Affrontement entre deux systèmes de valeurs, celui de Dom Juan et l'autre représenté par son \" valet \". Qui l'emporte ?

 

1)Le libertinage de Dom Juan

Déformation caricaturale du courant de pensée :

a)Le libertinage scientifique ou matérialisme : tout ramener à la matière est le fondement même de la démarche libertine. Or, cet élément essentiel n'apparaît que sous forme de boutade chez D.J. : \" Je crois que deux et deux sont quatre… \". Exprimée ainsi, la déclaration perd beaucoup de sa valeur. De façon indirecte : refus du surnaturel (réaction devant la statue)

 

b)Le libertinage religieux ou l'athéisme (problème abordé dans 18 scènes sur 27) :

·Refus apparent de Dieu : D.J. n'accepte de tenir compte que des faits objectifs. Il tire argument de la misère du pauvre pour nier Dieu, considérant que s'il existait, il devrait logiquement récompenser un serviteur si zélé. Il ne se satisfait pas d'affirmation mais il les met en application. Il a détourné Elvire du couvent et quand il veut l'y renvoyer, il copie son expression sur le style officiel de l'Eglise (Acte I, sc.3)

·Combat contre Dieu : D.J. n'est pourtant pas véritablement athée. En réalité, il a engagé un combat contre Dieu parce qu'il est un obstacle à son épanouissement, une limite à son action, une borne à sa volonté de puissance. Si, pour lui, Dieu n'existait pas, il lui serait indifférent. Il cherche au contraire à obtenir sa manifestation concrète. Pour qu'il puisse le combattre, il faut qu'il se révèle au niveau terrestre. Face à son silence, il use de la provocation. Ses actes et ses propos blasphémateurs ont un rôle complexe dans la lutte qu'il a entreprise contre lui : le faire sortir de sa réserve, en détournant de lui ses créatures ; pimenter ses plaisirs du trouble du sacrilège, en obligeant Dieu à y participer.

·L'ultime défi : la lutte devient un affrontement direct. Dom Juan accepte le combat et ne recule à aucun moment. Attitude suicidaire ? Volonté de puissance poussée à son paroxysme ? Recherche désespérée du nouveau, après avoir tout épuisé ? Ou plutôt désir d'entendre Dieu lui parler enfin, seule preuve décisive de son existence ?

c)Le libertinage moral ou donjuanisme (dans 8 scènes sur 27)

L'amour joue un rôle important dans la construction du personnage.

·Poursuite du plaisir : D.J. entend vivre dans l'instant ; le contentement matériel prime sur l'équilibre spirituel.

·Aspiration à la beauté : il est plus raffiné que Sganarelle ne le dit. Une femme suscite son admiration grâce à sa beauté et à la perfection d son corps.

·Désir de changement : il demande à l'amour un divertissement, une occupation, un moyen d'évasion pour oublier la monotonie de son existence. Cet état d'esprit explique sa recherche incessante de la nouveauté .

d)Le libertinage social : un traitement ambigu des conventions

·Refus des règles : apparemment, il repousse les valeurs établies qui garantissent l'ordre social : la religion, la famille, le mariage qu'il ridiculise.

·Attachement aux privilèges de la naissance : il n'ignore pas le prestige qu'exerce encore son nom en terrorisant Sganarelle, en bafouant le Pauvre, en ridiculisant Pierrot ou en bernant M.Dimanche.

·Adoption d'un système de valeurs : il s'est construit un monde de conventions qu'il entend faire respecter : \" Non, non, rien n'est capable de m'inspirer de la terreur \". Il s'obstine à demeurer à l'intérieur de son système, englué dans son refus des principes qui devient une morale. Plus profondément, il se souvient d'un certain honneur chevaleresque (secours à Dom Carlos)

 

Matérialisme discret, opposition violente à Dieu, recherche des plaisirs et de la domination, refus ambigu des conventions, tel est le système de pensée de Dom Juan qui ne parvient pas à éviter les incohérences.

 

2)La vision traditionnelle de Sganarelle

Sg. Essaie de faire triompher les valeurs reçues. Cependant, la forme de son esprit attaché à la superficialité des choses ne va pas sans aboutir à la distorsion de ses principes.

·Un croyant superstitieux : croyance en Dieu relativement simple : Dieu est le créateur et le spectacle de l'univers est une preuve de son existence, de sa puissance et de sa bonté ; il est le garant de l'ordre du monde qui va punir celui qui met en péril cette harmonie. Cependant, il croit en l'existence du loup-garou et en celle du diable montrant par là que sa religion est faite de conventions.

·Un tenant de la morale établie : Sg. s'oppose à l'infidélité parce qu'elle empêche la stabilité. Les valeurs qu'il reconnaît sont celles qui assurent la permanence et qui reposent sur le bien : le bonté qui lui fait plaindre Elvire, défendre Pierrot ou avertir les paysannes. Pourtant, si sa position est nette, les motivations sont plus douteuses : si Sg. Se résout à la vertu, c'est parce que le vice est puni par Dieu. De plus, ses compromissions sont nombreuses : ses bons sentiments se découragent vite dès qu'ils deviennent dangereux pour lui, d'où une conduite hypocrite qu'il avoue lui-même. Malgré ses affirmations sur la vie collective faite de concessions mutuelles et sur la prépondérance du mérite personnel : \" Il n'est rien d'égal au tabac : c'est la passion des honnêtes gens (…) Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend, de quelle manière obligeante, on en use avec tout le monde et comme on est ravi d'en donner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve ? \", il accepte la ségrégation sociale : il ne se confie qu'à des gens de son milieu, fait preuve d'une sorte d'instinct de classe.

 

Sganarelle apparaît donc comme en contradiction permanente avec la morale traditionnelle à laquelle il se réfère. Molière aurait-il voulu montrer l'hypocrisie que suppose une telle conception de l'existence ?

 

3La position de MOLIERE

Il ne peut approuver ni le maître ni le valet parce qu'ils sont fidèles à des principes préexistants et donc, extérieurs. Ils sont tout deux à condamner parce qu'ils ne peuvent plus faire appel à leur esprit critique.

Donner le pas à l'individu et c'est l'anarchie, la dissolution de l'ordre social. Exagérer l'importance de la société et c'est le triomphe de l'hypocrisie. Dans les deux cas, c'est l'échec dans la recherche de l'harmonie. Serait-ce Dom Luis, équilibrant les apparences sociales de la naissance et le mérite personnel qui répondrait aux vœux de l'auteur ? Ou bien Dom Carlos essayant de concilier vengeance familiale et aspiration individuelle à la reconnaissance ? Done Elvire ou le Pauvre, tous deux sincères et authentiques ? 

 

 

CONCLUSION 

 

Dom Juan est le constat objectif de la situation du monde au 17ème siècle : le déclin d'une classe sociale, l'aristocratie au profit de la bourgeoisie (morale fondée sur le mérite personnel plutôt que sur la naissance) avec les ambiguïtés et les difficultés d'adaptation que cette période suppose ; témoin également des courants de pensée, des genres littéraires (classicisme, picaresque, baroque) et enfin, des réalités théâtrales du siècle. Dans ce domaine, comme dans le domaine moral, Molière rejette les absolus tout en se pliant à un certain nombre de contraintes (unité de temps, p.ex.). Il ne faut pas selon lui subordonner le théâtre à un idéal (classique) qui le stériliserait.

Le mélange des genres, le conflit métaphysique, les libertés et concessions dramaturgiques font de cette œuvre une création complexe, ce qui explique l'incompréhension qui l'a longtemps entourée.

 

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