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Pagnol, la Gloire de mon père (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Pagnol, la Gloire de mon père (extrait). Dans la Gloire de mon père (1957), Marcel Pagnol puise dans les souvenirs heureux de son enfance la matière de son récit. Il y évoque en particulier l'amour du pays provençal et la figure de son père instituteur lors de vacances d'été passées au village de la Treille, près d'Aubagne. Ce roman constitue le premier tome de la trilogie des Souvenirs d'enfance, qui compte également le Château de ma mère (1958), le Temps des secrets (1960) et à laquelle s'ajoute le Temps des amours (posthume, 1977). La Gloire de mon père de Marcel Pagnol (extrait) Mon père avait une passion : l'achat des vieilleries chez les brocanteurs. Chaque mois, lorsqu'il revenait de « toucher son mandat « à la mairie, il rapportait quelques merveilles : une muselière crevée (0 fr 50), un compas diviseur épointé (1 fr 50), un archet de contrebasse (1 fr), une scie de chirurgien (2 fr), une longue-vue de marine où l'on voyait tout à l'envers (1 fr), un couteau à scalper (2 fr), un cor de chasse un peu ovalisé, avec une embouchure de trombone (3 fr), sans parler d'objets mystérieux, dont personne n'avait jamais pu trouver l'usage, et qui traînaient un peu partout dans la maison. Ces arrivages mensuels étaient, pour Paul et pour moi, une véritable fête. Ma mère ne partageait pas notre enthousiasme. Elle regardait, stupéfaite, l'arc des îles Fidji, ou l'altimètre de précision, dont l'aiguille, montée un jour à 4 000 mètres (à la suite d'une ascension du mont Blanc, ou d'une chute dans un escalier), n'en voulut jamais redescendre. Alors, elle disait avec force : « Surtout, que les enfants ne touchent pas à ça ! « Elle courait à la cuisine, et revenait avec de l'alcool, de l'eau de Javel, des cristaux de soude, et elle frottait longuement ces épaves. Il faut dire qu'à cette époque les microbes étaient tout neufs, puisque le grand Pasteur venait à peine de les inventer, et elle les imaginait comme de très petits tigres, prêts à nous dévorer par l'intérieur. Tout en secouant le cor de chasse, qu'elle avait rempli d'eau de Javel, elle disait, d'un air navré -- Je me demande, mon pauvre Joseph, ce que tu veux faire de cette saleté ! Le pauvre Joseph, triomphant, répondait simplement -- Trois francs ! J'ai compris plus tard que ce qu'il achetait, ce n'était pas l'objet : c'était son prix. -- Eh bien, voilà trois francs de gaspillés ! -- Mais, ma chérie, si tu voulais fabriquer ce cor de chasse, pense à l'achat du cuivre, pense à l'outillage spécial qu'il te faudrait, pense aux centaines d'heures de travail indispensables pour la mise en forme de ce cuivre. Ma mère haussait doucement les épaules, et on voyait bien qu'elle n'avait jamais songé à fabriquer ce cor de chasse, ni aucun autre. Alors mon père, avec condescendance, disait Tu ne te rends pas compte que cet instrument, peut-être inutile par lui-même, est une véritable mine ! Réfléchis une seconde : je scie le pavillon, et j'obtiens un cornet acoustique, un porte-voix de marine, un entonnoir, un pavillon de phonographe ; le reste du tube, si je l'enroule en spirale, c'est le serpentin d'un alambic. Je puis aussi le redresser pour en faire une sarbacane, ou une conduite d'eau, en cuivre, note bien ! Si je le scie en tranches fines, tu as vingt douzaines d'anneaux de rideaux ; si je le perce de cent petits trous, nous avons un collier à douches [...] Source : Pagnol (Marcel), la Gloire de mon père, 1957 Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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