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Peut-on concilier croissance économique et développement durable ?

Publié le 27/02/2008

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Face à la pénurie actuelle de produits alimentaires, aboutissant à de nouvelles émeutes de la faim dans certains pays en développement ; il semble que la production d’agrocarburants, à l’origine destinée à lutter contre l’effet de serre, soit sérieusement remise en cause. En effet, la croissance effrénée dans certains pays émergents très peuplés tels que l’Inde et la Chine et ses conséquences sur les changements de consommation alimentaire notamment, explique en partie cette situation. La croissance économique est avant tout déterminée par l’augmentation des biens et  services produits sur longue période, c’est à dire l’accumulation des richesses, donc les ressources dont disposent les membres d’une société. Cependant, cette accumulation de richesses produites, qui s’est accélérée au niveau mondial depuis la deuxième moitié du XXè siècle ne s’est pas effectuée sans conséquences négatives pour l’environnement et les inégalités entre pays et à l’intérieur des pays. C’est pourquoi, afin d’éviter un scénario catastrophique dans le futur, le développement durable est devenu une priorité nécessaire. Il s’agit d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.Il convient alors de se demander si la croissance peut-être compatible avec le développement durable.C’est pourquoi, nous verrons tout d’abord que si la croissance économique, ainsi que son absence nuisent au développement durable, Il est actuellement inéluctable de concilier croissance et développement durable.  I. La croissance économique, ainsi que son absence nuisent au développement durable Si la croissance importante des pays développés au cours des « Trente glorieuses » et la croissance rapide des pays émergents ces dernières années nuit considérablement au développement durable, son absence dans certains pays en développement (PED) conduit également à une situation désastreuse.  La croissance dans certains pays a conduit à l’augmentation des inégalités et a porté atteinte à l’environnement  Au cours de la seconde moitié du XXè siècle, la croissance des pays développés est devenue très intensive et les gains de productivité dégagés ont alors permis d’améliorer le niveau et les conditions de vie de la population. Ainsi, les pays les plus riches de la planète en terme de produit intérieur brut (PIB) sont aussi les premiers classés en terme de développement humain. Cependant, ce constat est tout de même à relativiser puisque les Etats-Unis et la Norvège, avec un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat (PPA) équivalent en 2003, ont un classement mondial selon l’indice de développement humain (IDH) différent: la Norvège est première, alors que Etats-Unis ne sont que dixième. L’IDH est un indicateur composite qui regroupe l’espérance de vie à la naissance, le taux d’alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation, ainsi que le PIB PPA réel par habitant. Il permet donc de mettre en évidence l’efficacité des politiques de redistribution et dépasse le concept de croissance. De même, l’indice de Gini, qui mesure les inégalités de revenus à l’intérieur d’un pays est beaucoup plus élevé en 2000 aux Etats-Unis qu’en Norvège : 40,8 contre 25,8 ; le premier étant le symbole du capitalisme dérégulé…De même pour les pays émergents, malgré un PIB PPA par habitant plus élevé au Brésil qu’en Chine, ce pays reste l’un des pays les plus inégalitaire au monde : son indice de Gini est de 59,3, contre 44,7 pour la Chine (document 5) !En outre, cette croissance élevée au cours des « Trente glorieuses », basée sur l’industrie et l’agriculture productiviste s’est effectuée au détriment de l’environnement et a remis en cause de nombreux écosystèmes: pollution des sols, de l’eau, de l’air, épuisement des énergies fossiles, etc. (document 2). Néanmoins, là encore l’efficacité énergétique des processus de production est variable : un norvégien consomme en 2002, deux fois plus d’électricité qu’un américain, malgré un PIB par habitant comparable. De même, le Brésil et la Chine, ont connu des taux de croissance très différents ces dernières décennies : entre 1990 et 2003, le PIB a augmenté de 8.5 % en moyenne par an en Chine, alors qu’il n’a augmenté que de 1.2 % en moyenne par an au Brésil sur la même période. En revanche, même si la consommation d’électricité par habitant a été multiplié par plus de 4 entre 1980 et 2002 en Chine ; elle reste quand même deux fois plus élevé au Brésil à cette date (document 5).Cependant, si les activités de services, considérées comme moins polluantes, continuent à prendre une part croissante dans la production des pays développés, et de plus en plus dans les pays émergents, cela ne devrait pas suffire à la préservation de l’environnement (document 2)… Les pays les plus pauvres sont également souvent accusés d’avoir une production polluante, mais il semble que ce soit l’absence de croissance qui est à l’origine de leurs difficultés à préserver l’environnement.  …Mais l’absence de croissance dans d’autres aboutit également à une situation désastreuse Les pays en développement sont donc les premières victimes de l’épuisement des ressources naturelles et de la pollution. Par exemple, «pour produire une tonne de légumes, la Tunisie gaspille dix fois plus d’eau que l’Italie » (document 1). Ces pays sont donc exposés à l’épuisement des ressources en eau. De plus, ils utilisent souvent pour leur agriculture, des engrais et des pesticides, désormais interdits dans les pays développés du fait de leur utilisation dangereuse pour les sols et l’être humain. La Tunisie est également connue pour ses activités de tourisme de masse, dévastatrices pour les ressources en eau (piscines d’hôtels, thalassothérapie, etc.). En dehors de l’épuisement des ressources naturelles, leur production intensive en énergie et l’absence de normes de construction immobilière, exposent leur population à de nombreuses catastrophes naturelles ; des exemples en sont les témoins ces dernières années : Tsunami en Asie, Ouragan Mitch en Amérique Centrale…Sylvie Brunel dénonce également la délocalisation d’entreprises polluantes dans les PED, où les normes environnementales sont bien souvent absentes et où la création d’emplois reste le premier argument convaincant. (document 1)L’installation récente d’entreprises de pâtes à papier finlandaise et espagnole en Uruguay est le reflet de ces pratiques. Certaines populations vivent aussi dans un tel dénuement, qu’elles doivent d’abord penser à survivre au quotidien, même si cela s’effectue au prix de la déforestation par exemple, pour se nourrir, se chauffer, etc . ; le bois étant souvent la source d’énergie la plus accessible. De plus, à côté des « cartoneros » qui se sont multipliés depuis la crise en 2001-2002 en Uruguay et en Argentine, vivant de la vente des déchets de leurs pays ; d’autres pays sont véritablement la « poubelle du monde » et reçoivent de nombreux déchets des pays développés. C’est le cas des régions les plus pauvres en Inde, qui reçoivent un grand nombre de déchets informatiques… La croissance économique, ainsi que son absence, conduisent donc à une certaine remise en cause du développement durable. Cependant, face à l’urgence de la situation actuelle, le progrès technique et l’intervention des pouvoirs publics ne peuvent-ils pas les concilier? II. Il est actuellement inéluctable de concilier croissance et développement durable Le progrès technique doit permettre de rendre compatible croissance et développement durable Aux rythmes de croissance actuels, au niveau mondial, une absence de prise en compte de l’environnement  dans le progrès technique risque au final de nuire à la croissance…Il faut donc développer les innovations vers des procédés ou des produits plus « propres », moins consommateurs d’énergie. A l’heure actuelle, « pour fabriquer le même produit (une voiture par exemple), la Chine consomme dix fois plus d’énergie que le Japon et les Etats-Unis » (document 1). En outre, la Chine, en tant que pays émergent connaît des changements rapides dans les habitudes de consommation de la population, qui utilise de plus en plus l’automobile, source de pollution…Ce sont donc les pays développés qui doivent transférer leurs technologies nouvelles aux PED, la protection intellectuelle par les brevets devrait alors être limitée sur ce type de produit, puisque la pollution ne s’arrête pas aux frontières (document 1). Il faudrait même développer rapidement des voitures encore plus « vertes » (à air comprimé, à hydrogène, etc.) ; puisque le bilan écologique actuel des agrocarburants, issus de l’agriculture intensive, est plutôt négatif. Des efforts ont été accomplis puisque dans le cadre de l’Union européenne, des directives ont fixé des objectifs en termes de recyclage de déchets d’emballage. En 2001, les pays du Nord de l’Europe ont déjà largement dépassé les objectifs et l’Allemagne reste le modèle puisque 3/4 des déchets d’emballage y sont recyclés. Bien que, classés dans les derniers, les pays de l’Europe du Sud et du Royaume-Uni progressent…Ainsi, en Irlande, à la même date, sur 100 déchets d’emballages, 28 étaient recyclés, l’objectif minimal fixé était alors de 25% (document 6). Ils permettent notamment de limiter fortement l’incinération, source de gaz à effet de serre. De même, toujours dans le cadre européen, avec la stratégie sur les sources d’énergies renouvelable, la France devrait faire passer sa production d’électricité d’origine renouvelable de 17% en 2000 à 21% en 2010. La production d’électricité d’origine éolienne, plus particulièrement, devrait être multipliée par plus de 100 sur la période (document 3). Ces changements s’accompagnent aussi d’une véritable prise de conscience citoyenne au quotidien.Cependant, cette stratégie européenne apparaît insuffisante, la planète terre appartenant à tous, des normes internationales s’avèrent nécessaires pour les générations futures. La volonté politique s’avère primordiale pour respecter un véritable développement durable Après le Club de Rome en 1972 et le rapport Brundtland en 1987, définissant le développement durable, les années 1990 sont marquées par une volonté grandissante, de la part des dirigeants politiques d’élaborer des normes environnementales, face à une pression sur l’environnement qui s’accélère. Cependant, Les pays émergents, notamment la Chine et l’Inde, très peuplés, vont rapidement devenir les premiers pollueurs de la planète. Et ces derniers, en tant que PED ont été exclus du protocole de Kyoto, afin de favoriser leur croissance. De même, les Etats-Unis, 1er émetteur de CO2 à l’échelle mondiale n’ont toujours pas ratifié le protocole et les objectifs fixés risquent de ne pas être atteints d’ici à 2012 au regard de la situation actuelle. De plus, ce protocole entraîne la création d’un marché des droits à polluer, qui n’est entré en vigueur qu’en janvier 2008 au niveau mondial, mais était déjà ouvert au sein de l’Union Européenne depuis 2005. Les entreprises dépassant les quotas d’émission de CO2 peuvent donc en acheter à d’autres qui n’ont pas atteint ces quotas. Cependant, cette pratique libérale a des limites…Si tous les « biens naturels », donc publics, tels que l’eau, la biodiversité, etc. sont soumis à un marché, en seront exclus les plus démunis, là encore principalement les PED (document 4). La mise en place de normes environnementales à l’échelle mondiale semble donc difficile face au lobbying important de nombreuses firmes multinationales.De même, les droits de l’homme ne sont toujours pas respectés dans de nombreux pays et les droits élaborés dans le cadre de l’organisation internationale du travail, tels que le travail des enfants sont très souvent bafoués dans de nombreux PED. Là encore, seules des normes sociales au niveau mondial sont les mieux à même de respecter ces droits. Enfin, la diminution des inégalités intraétatiques ne peuvent passer que par de véritables politiques volontaristes de redistribution.Ces mesures sont donc urgentes afin d’assurer un développement durable pour les générations futures. La seconde moitié du XXè siècle a été marquée par une accélération concomitante de la croissance des pays développés, de la pression environnementale, puis dans les décennies plus récentes, par une hausse des inégalités de niveau de vie et de conditions de vie. la croissance rapide dans certains pays émergents ces dernières années fait également craindre les scénarios les plus catastrophiques dans un futur relativement proche. Cependant, les pays les plus pauvres de la planète étant les principales victimes de la pollution mondiale, ce sont les pays développés qui doivent avoir pour objectif de développer le progrès technique vers des procédés et des produits respectueux de l’environnement, tout en les transférant aux PED afin qu’ils bénéficient d’un véritable développement durable. Néanmoins, seule la volonté politique à l’échelle mondiale pourra réellement permettre un monde plus « propre » et plus juste.  Afin de dépasser le concept de développement durable, certains prônent la « décroissance ». Cette pratique est-elle susceptible de résoudre la situation mondiale actuelle ?

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