Poème en prose

Forme poétique inaugurée par Gaspard de la Nuit d'Aloysius Bertrand. Le poète prétend désormais se dispenser de la versification. La prose offre même, selon Baudelaire, des ressources supérieures à celles du vers. LES ONDULATIONS DE LA REVERIE. "Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ?' : voilà avec quels mots Baudelaire évoque à son ami Houssaye, un nouveau projet poétique que Le Spleen de Paris viendra concrétiser de façon posthume. Quelques années avant sa mort, Baudelaire cherche en effet à dissoudre l'opposition ancienne poésie-prose. De fait, au XIX siècle, l'expression "poème en prose" est perçue comme un oxymore. La tentative de Baudelaire sort l'initiative d'Aloysius Bertrand de l'accidentel et ouvre la voie aux poètes contemporains que sont Char et Ponge. La naissance du poème en prose est liée historiquement au développement des traductions à la fin du XVIII' siècle. Il est quasiment impossible de traduire un vers par un autre vers, sauf à décider de réécrire le poème. La traduction et ses exigences conduisent à une réflexion qui porte sur l'exercice de transposition. C'est, d'une certaine manière, ce que fait Baudelaire lorsqu'il décide de rédiger des "pendants" en prose à ses poèmes en vers des Fleurs du Mal . Enfin, la reconnaissance du poème en prose accompagne une tendance qui se généralise au début du XX' siècle, celle de la dissolution des genres et de l'éclatement des conventions artistiques.