Quelle est la portée morale de l'oeuvre littéraire ?
Publié le 31/01/2011
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Roger Caillois écrit dans Babel (Gallimard) :«Il n'est pas indifférent de s'attacher à décrire la grandeur ou l'immondice. Il ne manque pas de profit à préférer la première. C'est question de richesse et aussi de hiérarchie : la grandeur ne flotte pas dans on ne sait quel mystérieux et sublime empyrée. Elle a sur le sol ses assises et pour s'élever plus haut, elle plonge nécessairement ses racines au plus bas. Elle implique ce qu'elle nie. Elle s'en écarte sans cesser d'y puiser sa vigueur [...]. La grandeur garde en elle les misères dont elle triomphe et qui sont si étroitement associées à la condition humaine qu'on essaierait en vain de l'en délivrer tout à fait [...]. Mais la bassesse, elle, ne contient qu'elle-même. Voici sa tare décisive. L'artiste qui imprudemment en fait la matière de son étude restreint son registre et se condamne à une certaine indigence. Quelque talent qu'il y dépense, son oeuvre ne peut prétendre à l'ampleur des grandes oeuvres : dans le meilleur des cas, son talent n'est plus que celui d'un virtuose que seuls des amateurs admirent,« En vous appuyant sur des exemples précis que vous emprunterez à la littérature (et surtout au théâtre et au roman) ainsi qu'à d'autres arts, vous expliquerez et vous discuterez la thèse que défend ici Roger Caillois. (CAPES, langues vivantes, 1961.)
Vous commenterez et, le cas échéant, vous discuterez ces réflexions d'un essayiste de notre époque : «Je n'hésite pas, pour ma part, à taxer de trahison l'écrivain où je distingue le souci d'exploiter exclusivement les faiblesses de l'homme. De celui-ci, il expose insidieusement les démissions et semble taire par principe qu'il sait être parfois noble et généreux. Or, ce faisant, pour persuadé qu'il soit d'augmenter la force de son oeuvre, il la diminue plutôt. Je n'imagine pas, en effet, l'avantage que poursuit la littérature en mutilant de la sorte l'image qu'elle propose de son modèle. Elle s'appauvrit dans la mesure même où elle le déprécie. Je soupçonne qu'elle ne plaît pas alors pour la vérité ou la beauté de ses portraits, mais pour bafouer toute fierté et pour amoindrir toute grandeur.« (Certificat d'aptitude à l'Inspection des écoles primaires, 1966, examen probatoire.)
Que pensez-vous de ces lignes d'Emile Zola (De la moralité dans la littérature, 1881) :«Pour moi, la question du talent tranche tout en littérature. Je ne sais pas ce qu'on entend par un écrivain moral et un écrivain immoral ; mais je sais très bien ce qu'est un auteur qui a du talent et un auteur qui n'en a pas. Et, dès qu'un auteur a du talent, j'estime que tout lui est permis. L'histoire est là. Nous avons tout permis à Rabelais en France, comme on a tout permis à Shakespeare en Angleterre. Une page bien écrite a sa moralité propre, qui est dans sa beauté, dans l'intensité de sa vie et de son accent. C'est imbécile de vouloir la plier à des conventions mondaines, à une vertu de convention et de mode. Pour moi, il n'y a d'ceuvres obscènes que les œuvres mal pensées et mal exécutées.«
Commentez cette opinion d'André Maurois (Le Devoir de vérité) : « Il y a des devoirs qui s'imposent à l'écrivain. J'exige d'un auteur, non qu'il soit un moraliste, et moins encore un immoraliste (ce qui était chez Gide un puritanisme à rebours), mais qu'il soit vrai. Les hommes empruntent aux oeuvres d'art (livre, journal, théâtre, film) une grande part des images qu'ils forment du monde. Leur expérience personnelle étant nécessairement imitée dès que leur pensée sort d'un cercle étroit du temps et de l'espace, ils dépendent de témoignages. Le témoin, s'il est écrivain, modèle la pensée de ses lecteurs ou spectateurs. Or c'est la pensée qui détermine l'action. «
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