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Scott, Ivanhoé (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Scott, Ivanhoé (extrait). Ivanhoé a été blessé au tournoi d'Asby de la Zouch. L'usurpateur du trône, Jean sans Terre, donne banquet et, accessoirement, met sur pied un complot destiné à affermir ses positions... Walter Scott abandonne ici la veine épique, les forts éclairages dont il usait jusque-là pour aborder un autre pan de l'oeuvre : la forêt, l'ombre, le moins visible, les jeux de masques, les forces souterraines, les protagonistes secrets de l'action. La rencontre du chevalier Noir et de l'ermite de Copmanhurst témoigne idéalement du sens du suspens, et de l'humour inscrit dans la structure narrative : ces deux hommes se dévoilent, physiquement, l'un à l'autre. Walter Scott, lui, prendra encore un certain temps pour dévoiler à son lecteur leur rôle, leur utilité, leurs menées. Ivanhoé de Walter Scott Probablement l'ermite fut touché des soins que le chevalier prenait de son coursier, et de son adresse ; il fit semblant de se rappeler que le garde forestier, lors de la dernière visite qu'il lui avait faite, avait laissé quelques restes de fourrage ; et sortant par une porte située au fond de l'appartement, il rapporta une botte d'excellent foin et une mesure raisonnable d'avoine, qu'il mit devant le cheval de l'étranger. Étant sorti une seconde fois, il revint avec un sac de fougère sèche, qu'il étendit dans le coin qu'il avait désigné comme devant être la chambre à coucher du chevalier. Celui-ci le remercia de ses soins obligeants : après quoi chacun d'eux se plaça sur son escabelle à côté de la table où était toujours l'assiette de pois secs. L'ermite, après avoir prononcé un long Benedicite, qui avait été jadis en latin, sans doute, mais où il était difficile de reconnaître cette langue, à l'exception çà et là de quelque longue terminaison de mots ou de phrases, crut devoir montrer l'exemple à son hôte, en mettant trois ou quatre pois dans une grande bouche armée d'excellentes dents, aussi aiguès et aussi blanches que celles d'un sanglier ; misérable mouture sans doute pour un si puissant et si large moulin. Le chevalier, voulant l'imiter, ôta son casque, son corselet et la plus grande partie de son armure, et fit voir à l'ermite une tête couverte de cheveux blonds et bouclés naturellement, des traits prononcés, des yeux vifs et pénétrants, des moustaches d'une couleur un peu plus foncée que ses cheveux, enfin un homme ayant l'air aussi hardi et aussi entreprenant que semblait l'annoncer sa haute stature. L'ermite, comme s'il eût voulu répondre à la confiance de son hôte, rejeta son capuchon en arrière, et découvrit une tête ronde, qui ne pouvait guère appartenir qu'à un homme dans le printemps de la vie. Sa large tonsure, entourée d'un cercle de cheveux noirs et crépus, avait en quelque sorte l'apparence d'un clos communal entouré d'une haie élevée. Ses traits n'exprimaient rien de l'austérité monacale ou des privations ascétiques ; au contraire, ils avaient une expression hardie ; ses sourcils étaient larges et noirs, son front bien développé ; et ses joues, du bas desquelles descendait une barbe longue, noire et bouclée, étaient aussi rondes et aussi vermeilles que celles d'une trompette. Un tel visage, joint à l'apparence charnue du saint homme, indiquait une nourriture composée plutôt de bons morceaux de boeuf et de mouton que de chétifs pois secs et de légumes. Cette remarque n'échappa point au chevalier, qui, ayant broyé, non sans peine, une demi-douzaine de pois, demanda à son hôte quelque liquide pour l'aider à les avaler. L'ermite satisfit à sa demande en plaçant devant lui une cruche pleine d'eau pure et limpide. -- Elle vient de la fontaine de saint Dunstan, dit-il ; cette fontaine dans laquelle il baptisa, entre deux soleils, cinq cents Danois païens. Que son nom soit béni ! Et approchant la cruche de ses lèvres, il se contenta, malgré cet éloge, d'en prendre une gorgée. -- Révérend père, dit le chevalier, il me semble que ces pois secs dont vous mangez si peu, et cette eau sainte dont vous ne buvez guère, ont sur vous une vertu miraculeuse. Vous m'avez l'air d'un homme plus propre à forcer le cerf à la course et à combattre bravement un ennemi corps à corps, ou à remporter le prix de l'anneau dans le jeu de bâton au moulinet, ou encore le bouclier au jeu de l'épée, qu'à passer vos jours dans un désert à lire votre bréviaire et à chanter des psaumes. -- Vos pensées, sire chevalier, sont selon la chair, comme celles des ignorants laïques. Il a plu à la sainte Vierge et à saint Dunstan de bénir la nourriture à laquelle je me réduis, comme le ciel bénit jadis celle dont se contentèrent les saints enfants Sidrach, Misach et Abdénago, plutôt que de se souiller en touchant au vin et aux viandes que leur fit servir le roi des Sarrasins. -- Saint père, sur la figure duquel il a plu au ciel d'opérer un semblable miracle, permettrez-vous à un humble pécheur de vous demander votre nom ? -- Oui-da ; on me nomme dans ce canton l'ermite de Copmanhurst. On y ajoute, il est vrai, l'épithète de saint ; mais je n'y tiens pas, me trouvant indigne d'une telle addition à mon nom. Et vous, vaillant chevalier, m'apprendrez-vous comment se nomme mon hôte ? -- Oui-da, ermite de Copmanhurst. On me nomme dans ce canton le chevalier Noir. On y ajoute, il est vrai, l'épithète de fainéant ; mais je n'y tiens pas, me trouvant indigne d'une telle addition à mon nom. L'ermite ne put s'empêcher de sourire de la réponse de son hôte. -- Sire chevalier Fainéant, lui dit-il, je vois que vous êtes un homme de sens et de bon conseil. Vous avez été habitué à la licence des cours et des camps, au luxe des grandes villes, et je pense que la simplicité du régime monastique ne vous convient pas. Je crois me rappeler, sire Fainéant, que la dernière fois que le charitable garde forestier vint me voir, outre ces restes de fourrages, il a laissé quelques vivres, auxquels je n'ai pas touché, par égard pour ma règle ; et absorbé comme je le suis toujours dans de profondes méditations, je ne songeais pas à vous les offrir. -- J'aurais juré qu'il en avait laissé, saint ermite, s'écria le chevalier. Dès l'instant que vous vous êtes découvert la tête, j'ai été convaincu qu'il devait se trouver dans votre ermitage quelque nourriture plus substantielle. Votre garde forestier est un brave homme. Et comment un homme qui voit des dents comme les vôtres moudre ces misérables pois, ce large gosier s'abreuver d'une si triste boisson, ne chercherait-il pas à vous procurer des aliments plus convenables ? Tout cela, ajouta-t-il en montrant les provisions frugales qui étaient sur la table, n'est bon que pour mon cheval. Voyons donc, sans autre délai, en quoi consiste la munificence du digne garde forestier. L'ermite jeta sur son hôte un regard pénétrant. Sa physionomie annonçait une incertitude comique. Il semblait qu'il hésitait encore à se fier à l'étranger. Mais la figure de celui-ci avait une expression si franche, elle respirait tellement la bonne foi et la loyauté, son sourire avait quelque chose de si comique et de si naïf en même temps, que l'ermite sentit ses soupçons s'évanouir. Il alla au fond de sa cellule, ouvrit une armoire dont la porte était cachée avec autant d'adresse que de soin, et en tirant un énorme pâté il le plaça sur la table. Le chevalier en fit l'ouverture avec le poignard qu'il portait à sa ceinture, et ne perdit pas de temps pour faire plus ample connaissance avec le contenu. Source : Scott (Walter), Ivanhoé, trad. par M. Defauconpret, Cercle du bibliophile. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« L’ermite jeta sur son hôte un regard pénétrant.

Sa physionomie annonçait une incertitude comique.

Il semblait qu’il hésitait encore à se fier à l’étranger.

Mais la figure de celui-ci avait une expression si franche, elle respirait tellement la bonne foi et la loyauté, son sourire avait quelque chose de si comique et de si naïf en même temps, que l’ermite sentit ses soupçons s’évanouir.

Il alla au fond de sa cellule, ouvrit une armoire dont la porte était cachée avec autant d’adresse que de soin, et en tirant un énorme pâté il le plaça sur la table.

Le chevalier en fit l’ouverture avec le poignard qu’il portait à sa ceinture, et ne perdit pas de temps pour faire plus ample connaissance avec le contenu. Source : Scott (Walter), Ivanhoé, trad.

par M.

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