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SÉTIF, GUELMA

Publié le 22/02/2012

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SÉTIF, GUELMA (8 mai 1945) Que s'est-il passé exactement le 8 mai 1945 dans l'Est algérien ? S'agit-il d'une provocation coloniale ou d'une insurrection nationaliste ? Aucune des deux versions ne correspond à la réalité, l'historien algérien Mahfoud Kaddache distingue trois niveaux dans les origines des événements. Les dirigeants du PPA (Parti du peuple algérien, nationaliste) voulaient faire plébisciter le programme de leur parti en organisant des défilés, malgré les morts de la manifestation du 1er mai. Ici et là, des chefs et des comités locaux estimaient la situation mûre pour l'action armée, cela était très net en Kabylie. Enfin, les masses rurales vivaient, l'éveil politique au cours de la guerre aidant, dans l'attente d'un jihad (d'une « guerre sainte »). À Sétif comme à Guelma, la consigne de manifester pacifiquement à l'occasion de la capitulation de l'Allemagne nazie ne fait pas de doute. Partout où les autorités locales n'ont pas cherché à s'emparer des banderoles portant des inscriptions nationalistes, il n'y eut pas d'incident. Là où elles sont intervenues, elles ont favorisé l'intervention d'éléments incontrôlés, parfois armés et décidés à en découdre. Qui de la police ou des manifestants a tiré le premier ? Avant l'indépendance, les nationalistes imputaient les premiers tirs à la police. Après 1962, des témoignages sont venus nuancer leurs affirmations. Il reste que la répression dans les villes, loin de brider les mouvements ruraux, leur a donné l'allure furieuse d'une jacquerie imprégnée de xénophobie. Le chiffre le plus élevé de victimes européennes a été évalué à 103 personnes (rapport d'enquête du général Tubert). La répression menée par l'armée et les milices européennes selon le principe de la responsabilité collective sera impitoyable. L'aviation et la marine bombarderont la région de Kherrata. Des prisonniers fusillés seront jetés dans les fours à chaux d'Héliopolis près de Guelma. Les autorités civiles avouent 1 500 victimes, les milieux militaires 6 000 à 8 000 morts, le consul américain 35 000. La machine judiciaire ne sera pas en reste. Il y eut 4 560 arrestations, dont 3 696 dans le Constantinois, 1 307 condamnations, dont une centaine à mort et 20 à 28 exécutions. De retour du front, les soldats algériens du Sétifois et de Guelma ne retrouveront pas les leurs. Les événements de mai 1945 pèseront lourdement sur le devenir du nationalisme. Ferhat Abbas et l'Association des ulama, qui s'étaient unis au PPA dans le cadre des Amis du Manifeste algérien et de la liberté (AML), s'en sépareront et exigeront de lui le renoncement à la lutte armée. Le PPA, dont la direction avait donné un ordre d'insurrection pour le 23 mai avant de revenir sur sa décision, sera accusé de faiblesse par les chefs de la Kabylie et devra au congrès de février 1947 accepter la création d'une organisation paramilitaire. Ce sera l'Organisation spéciale (OS). Le PCA (Parti communiste algérien), qui avait commencé par attribuer les événements aux nationalistes en les traitant d'hitlériens avant de se raviser, suscitera des haines tenaces. Aux yeux des générations nouvelles, le 8 mai deviendra un mythe mobilisateur. Le général Duval, qui avait mené d'une main de fer la répression, a averti ses compatriotes qu'il leur donnait dix ans de répit. Il ne s'est pas trompé. Le 1er novembre 1954, les Algériens abandonnaient « l'arme de la critique pour la critique des armes ». Mohammed HARBI

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