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Shakespeare, la Tempête (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Shakespeare, la Tempête (extrait). La Tempête, dernière comédie de Shakespeare, se présente sous la forme d'un conte fantastique. Doué de pouvoirs magiques, Prospéro, un duc dépouillé de son duché, soulève une tempête afin de faire prisonniers ceux qui l'ont spolié. L'action se déroule en quelques heures et dans un même endroit, pour finir avec le jour. L'acte V est celui du renversement final ; Ariel décrit à son maître l'état des nobles naufragés prisonniers du bocage qui protège la grotte. Prospéro triomphe, mais pris de compassion, il renonce à la magie ; en gage de sincérité, il détruira ses instruments. La Tempête de William Shakespeare (acte V, scène 1) Devant la grotte de Prospéro. Entrent PROSPÉRO, revêtu de sa robe magique, et ARIEL. PROSPÉRO. -- À présent, mon projet est mûr ; mes charmes ne fléchissent point, mes esprits obéissent et le temps porte son fardeau la tête haute. Où en est le jour ? ARIEL. -- À la sixième heure dont vous avez dit, maître, qu'elle devait marquer la fin de nos travaux. PROSPÉRO. -- Je l'ai déclaré en effet lorsque j'ai soulevé la tempête. Mais dis-moi, mon esprit, qu'est-il advenu du roi et de sa suite ? ARIEL. -- Ils sont enfermés ensemble ainsi que vous l'aviez prescrit et dans l'état même où vous les laissâtes : tous prisonniers, monsieur, dans le bosquet de tilleuls qui protège votre grotte des intempéries. Ils ne peuvent bouger que vous ne les ayez libérés. Le roi, son frère et le vôtre sont toujours en démence et les autres, menant deuil sur eux, débordent de consternation douloureuse ; mais surtout celui que vous appeliez le bon vieux seigneur Gonzalo : ses pleurs coulent le long de sa barbe comme la pluie d'hiver dégoutte d'un larmier de chaume. En un mot, monsieur, votre charme les travaille si fort que vous ne laisseriez pas de vous attendrir à leur vue. PROSPÉRO. -- Le crois-tu, esprit ? ARIEL. -- Ainsi ferais-je, si j'étais homme. PROSPÉRO. -- Et moi de même ! Tu serais -- toi qui n'es qu'air -- ému, touché de leurs peines, et moi qui suis de leur race, qui ressens l'émotion aussi vivement qu'eux, je ne m'ouvrirais pas mieux que toi à la pitié ? Leurs graves offenses m'ont touché au vif, mais le plus noble de ma raison s'oppose à ma fureur. Il est plus beau de faire oeuvre de merci qu'oeuvre de vengeance : puisqu'ils sont repentants, qu'à l'unique objet de mes desseins s'arrête ma rigueur. Va, libère-les, Ariel. Je veux les délier de mes charmes, leur rendre la raison et qu'ils redeviennent eux-mêmes. ARIEL. -- Je vais les chercher, monsieur. (Il sort) PROSPÉRO. -- Elfes des collines, des ruisseaux, des lacs stagnants et des bosquets, et vous qui sur le sable où vos pieds ne pèsent point poursuivez Neptune, refluant pour le fuir lorsqu'il revient ; vous, petites marionnettes qui forgez au clair de lune ces anneaux de verdure amère où la brebis ne porte pas la dent ; vous qui avez pour passe-temps de faire pousser les champignons de minuit et qui vous réjouissez d'entendre le couvre-feu solennel ; avec votre assistance -- quelques minimes que soient vos forces -- j'ai obscurci le soleil de midi, convoqué les vents rebelles et déchaîné la guerre hurlante entre l'océan glauque et la voûte azurée ; j'ai donné feu au terrible tonnerre retentissant et, de la foudre même de Jupiter, fendu le chêne robuste de ce dieu ; j'ai fait trembler le promontoire sur ses fortes assises et arraché par leurs racines le pin et le cèdre ; les tombes ont à mon ordre éveillé leurs dormeurs et, sous l'effet de mon art tout-puissant, se sont ouvertes pour leur livrer passage. Mais j'abjure ici cette magie brutale ; quand j'aurai requis une céleste musique -- et je le fais en cet instant même -- pour agir comme je l'entends sur les sens auxquels ce charme aérien est destiné, je briserai ma baguette, je l'enfouirai à plusieurs brasses dans la terre et, plus profond que sonde atteignit jamais, je noierai mon livre. Source : Shakespeare (William), la Tempête, trad. par François Victor Hugo, Paris, Gallimard, 1959. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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