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TCHÉTCHÈNES

Publié le 22/02/2012

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Les Tchétchènes constituent l'une des populations les plus anciennes du Caucase. Islamisés tardivement, ils ont établi des confréries soufies maintenues jusqu'à nos jours. Composée traditionnellement d'agriculteurs en plaine et d'éleveurs en montagne, la société tchétchène n'a jamais connu de cadre étatique autochtone et est de tradition égalitaire. Son organisation sociale, qui repose sur les teip, des clans dirigés par des conseils d'anciens, ainsi que le caractère tragique de leur histoire, l'a empêchée de fonder une tradition étatique. La conquête russe du Caucase s'était heurtée à une farouche résistance dès la seconde moitié du xviiie siècle. Au xixe siècle, Tchétchènes et populations du Daghestan infligent aux troupes tsaristes d'humiliantes défaites. Née à la suite de l'effondrement de l'Empire russe (1917), la République de la Montagne, confédération de peuples du Caucase créée en 1918, se heurte à l'hostilité des bolcheviks. Dès 1922, la Tchétchénie en est séparée pour former une région autonome de Tchétchénie, avant d'être transformée en 1934 en région autonome tchétchène-ingouche, puis en république autonome en 1936. À la fin des années 1920, persécutions antireligieuses et répression massive frappent la population. Il s'agit de détruire la capacité de résistance d'un peuple toujours fortement structuré par ses clans et ses confréries. L'un des " peuples punis ". Brièvement occupée en 1942 lors de l'offensive allemande, la république répond peu aux sollicitations des nazis. En juin 1941, lors de l'attaque allemande contre l'URSS, les Tchétchènes avaient été massivement mobilisés dans l'Armée rouge et s'étaient distingués par leur bravoure. Pourtant, accusés collectivement par Staline d'avoir collaboré avec les nazis, ils vont être en 1944 au nombre des « peuples punis » et déportés en Asie centrale. Le 25 juin 1946, un décret abroge la République tchétchène-ingouche. Un autre décret la rétablit le 9 janvier 1957. Les Tchétchènes, qui avaient réussi à survivre en s'appuyant sur leurs solidarités traditionnelles, prennent le chemin du retour. Privée de beaucoup de ses cadres disparus au cours des purges, pénalisée par les longues années d'exil, la Tchétchénie doit compter avec les nombreux Russes qui occupent souvent les postes les plus qualifiés. Dans cette république largement rurale (59 % en 1989), à la forte natalité, l'émigration reste souvent l'unique solution, l'environnement régional étant marqué par un sous-emploi chronique et par la corruption. Mais de nombreux Tchétchènes s'insèrent dans le tissu économique et social soviétique, y compris au sein de l'armée. Les effets de la tentative de putsch du 19 août 1991 à Moscou (organisé par un groupe de dirigeants soviétiques conservateurs) déstabilisent la nomenclature locale. Accusé de « complicité » avec les putschistes, le président du parlement tchétchène doit démissionner. Un parti indépendantiste créé en 1990, le Congrès national du peuple tchétchène, s'empare du pouvoir. Son chef, Djokhar Doudaev, un général de l'armée de l'air soviétique, est élu président de la République le 27 octobre 1991. Le 2 novembre, Moscou décrète cette élection et l'autoproclamation de l'indépendance « illégales ». Pour le Kremlin, la Tchétchénie est devenue une zone de « non-loi ». D. Doudaev se veut l'artisan de l'unité des peuples du Caucase. Mais l'indépendance tchétchène ne trouve pas l'écho espéré. La République d'Ingouchie est créée le 1er décembre 1991. Dans la République d'Itchkéria (Tchétchénie) des divisions apparaissent rapidement. Le Parlement est dispersé en 1993, après avoir affirmé son opposition au régime. Moscou tente de tirer parti de ces divisions et de la lassitude de la population. D'une guerre à l'autre. Au cours de l'été 1994, des groupes armés se réclamant de l'opposition lancent leurs premières opérations. Elles se soldent par un échec complet ; en s'alliant avec la Russie, les adversaires de D. Doudaev se sont compromis aux yeux de la population. En décembre, l'entrée des blindés russes marque le début de la première guerre de Tchétchénie. Un an et demi plus tard, l'accord de Khassaviourt (31 août 1996), qui met fin à la guerre, marque la défaite humiliante des troupes russes : la résistance n'a pas été brisée, malgré la destruction de la capitale Grozny. Moscou ne tient cependant pas ses engagements et laisse se développer un chaos engendrant désordre et criminalité. L'élection, en 1997, d'Aslan Maskhadov à la tête de l'Itchkéria, fait renaître l'espoir pour les nationalistes tchétchènes. Mais le nouveau président, à la tête d'un pays désorganisé et étranger à la notion d'État, et où la toute-puissance des chefs de guerre s'est imposée, ne dispose pas des moyens de sa politique. Il ne peut plus s'appuyer sur une société traditionnelle gangrenée par une crise économique et sociale aiguë et noyautée par les islamistes. La deuxième guerre de Tchétchénie est lancée par le Premier ministre Vladimir Poutine en octobre 1999. Elle prend pour prétexte les attentats meurtriers perpétrés à l'été 1999 en Russie ainsi que les incursions d'islamistes « wahhabites » venus de Tchétchénie dans la république voisine du Daghestan. Marquée, comme la première, par les exactions des troupes fédérales et milices pro-russes à l'encontre des civils, cette deuxième guerre se poursuit dans l'indifférence de la communauté internationale. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, Moscou présente son action comme participant à la « croisade » contre le terrorisme international décrétée par Washington. Le désespoir nourrit la radicalisation d'une partie de la société et fait le jeu des activistes les plus radicaux, notamment le chef de guerre islamiste Chamil Bassaïev. Attentats-kamikazes (deux avions de ligne explosés en vol en 2004) et prises d'otages géantes (Moscou, 2002 ; Beslan, 2004) se sont multipliés. Charles URJEWICZ