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Thérèse Desqueyroux

Publié le 17/04/2011

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François Mauriac romance l'histoire initialement tirée d'un fait divers, celle d'une femme qui a tenté d'empoisonner son mari à l'arsenic, mais en vain. Pour éviter que le scandale éclate, son mari, préférant que l'affaire soit étouffée, la disculpe devant le tribunal qui, du coup, prononce un non-lieu. Le roman s'ouvre sur la fin du procès. Le narrateur fait ensuite un retour en arrière pour raconter le parcours de la meurtrière, suggérant ce qui l'a amenée à essayer d'attenter à la vie de son mari : Thérèse étouffe sous le poids des conventions bourgeoises, du mariage et de la maternité, dans un environnement qui lui semble hostile. Le personnage de Thérèse Desqueyroux réapparait dans un autre roman de Mauriac, La Fin de la nuit, et dans deux nouvelles, Thérèse chez le docteur et \"Thérèse à l'hôtel\". En 1950, ce roman fut inclus dans la liste du Grand Prix des meilleurs romans du demi-siècle. ↑ Revenir d'une section Masquer Analyse du roman Le livre commence par une apostrophe de l’auteur à son personnage : « Thérèse, beaucoup diront que tu n’existes pas «. Thérèse est en effet un personnage de fiction, plus noir que ceux que Mauriac a pu créer jusqu’alors, plus invraisemblable, et pourtant tiré de la réalité, celle de la vie provinciale, enfermée dans les conventions, avec l’esprit étriqué de sa bourgeoisie, qu’elle soit catholique ou radicale. Thérèse existe, Mauriac ne l’a pas inventée, il l’a rencontrée. Mais qui est-elle ? Le sait-elle elle-même ? Au premier chapitre, Thérèse sort du palais de justice, dans la nuit. Une ordonnance de non-lieu vient d’être prononcée. Thérèse ne sera donc pas poursuivie par la justice, et pourtant, tous la savent coupable, son père qui est venu la rechercher, son avocat qui l’accompagne, son mari qui l’attend en leur propriété d’Argelouse, le lecteur enfin, qui pourtant s’attache à elle car il la sent victime. Pendant le voyage de nuit qui, de la ville, la ramène à Argelouse au milieu de la lande, Thérèse pense à sa vie passée et imagine ce qu’elle va dire à son mari lorsqu’elle va le retrouver, son mari qu’elle a voulu empoisonner. Ainsi les chapitres II à VIII constituent un long monologue intérieur par lequel nous entrons dans l’intimité de la pensée de Thérèse. C’est à la fois un flash-back et une projection sur l’avenir. Thérèse prépare, construit à l’intention de Bernard, son mari, une longue confession, qui n’est pas véritablement une plaidoirie, mais une mise à plat, un effort d’honnêteté pour essayer de comprendre ce qui s’est passé, comment elle a pu en arriver, froidement, à lui administrer du poison avec bel et bien l’intention de lui donner la mort. Le sens de la vie de Thérèse est inscrit dans ces lignes : « Matinées trop bleues : mauvais signe pour le temps de l’après-midi et du soir. Elles annoncent les parterres saccagés, les branches rompues et toute cette boue. « Thérèse ne nie pas son crime mais cherche à l’expliquer. Elle n’a pas réfléchi, n’a rien prémédité, à aucun moment de sa vie. Nul tournant. Seule son enfance a été heureuse. Tout le reste de sa vie est comme marqué de la fatalité, elle n’en a pas été maître : mariée par convention, sans amour, seule au sein du couple, étrangère à son mari, Thérèse se sent prisonnière, son horizon est borné et sa vie ne lui appartient pas. Mais cet engluement est vécu sans révolte, la chape est trop lourde et c’est presque par hasard, sans y réfléchir, que Thérèse a l’idée du poison. C’est en tout cas sans passion, sans haine et comme mécaniquement. Et c’est cela qui la rend monstrueuse : sa froideur, son indifférence. La longue confession qu’imagine Thérèse devrait permettre à son mari, non pas d’excuser sa femme, de lui pardonner, mais peut-être tout simplement de l’approcher et de la comprendre. Ce long monologue qui couvre plus de la moitié du livre tel un flash back depuis l’enfance, est construit autant à l’intention de Bernard que pour Thérèse elle-même qui espère toucher son mari. Mais Thérèse arrive au bout du voyage qui la ramène chez elle, et elle se trouve, avec une brutalité inouïe, confrontée à la réalité. Bernard lui dicte sa conduite et elle n’aura pas le droit de prononcer un seul mot. Elle est écrasée, tout simplement niée en tant que personne, en tant que conscience. La désillusion est violente et le roman, sans transition, passe du monologue intérieur au récit factuel, de l’intimité du personnage à l’extériorité la plus froide : Thérèse est consignée, recluse, puis bel et bien séquestrée ... et cela au nom des conventions, de la famille et de l’honneur. L’individu est broyé. Le dernier chapitre constitue une sorte d’épilogue : dans le respect des convenances, Bernard décide de rendre sa liberté à Thérèse, il l’accompagne jusqu’à Paris où il l’abandonne à elle-même, le plus important pour lui étant de sauver les apparences alors que Thérèse a enfin l’impression d’être libre. À la terrasse d’un café parisien, loin de l’étouffement de la famille et de la province, les conjoints ont failli se rencontrer. Bernard a failli descendre de ses certitudes, regarder sa femme, l’interroger. Mais non. Ce serait se remettre en cause lui-même. À la fin du livre, le lecteur a entendu la confession de Thérèse. Certes elle a eu un geste criminel, mais c’est Bernard véritablement qui paraît inhumain

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