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BOHÈME

Publié le 17/02/2019

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BOHÈME. La bohème est un sous-pro-duit du romantisme. Exaltée par George Sand (la Dernière Aldini, 1838), définie par Balzac (Un prince de la bohème, 1844), elle est liée, au début du xixe s., au phénomène des études qui se prolongent, de l'attente d'un métier et d'une situation « normale ». La bohème est inséparable de la promotion sociale et historique de l'étudiant, et de son prolongement, l'artiste. Elle se caractérise par le manque d'argent, les amours irrégulières, l'inconfort et tout un jeu sur l'apparence (vêtement, coiffure, attitude politique et esthétique). Mais son thème s'organise de deux manières antagonistes : ou bien le charme des années de « vache enragée », ou bien la revendication au nom d'une jeunesse sacrifiée. La première version est celle de Béranger et de son fameux Grenier (« Dans un

grenier qu'on est bien à vingt ans ! ») ; la seconde a trouvé son peintre le plus vigoureux en Balzac (Raphaël de Valentin dans la Peau de chagrin, le Cénacle des Illusions perdues). Chez Béranger, le jeune bourgeois artiste, amoureux, patriote (il chante la Marseillaise et se rappelle, sous la Restauration, la victoire de Marengo) a fait carrière et retourne en pèlerinage sur les lieux de sa jeunesse ; il se faisait très bien alors à la semi-prostitution de Lisette, la « gri-sette », qui entre ainsi dans la mythologie littéraire. La bohème de Béranger est sous le signe du temps qui passe, qui a passé, mais pas du tout sous le signe de la mort. La dramatisation balzacienne parle d'un autre lieu : pouvoir de l'argent et mise à l'écart de la jeunesse dans l'univers de l'utile. On peut sortir du grenier balzacien pour venir prendre sa place dans le monde, mais aussi pour mourir. Les Petits Châteaux de Bohème de Nerval, qui évoquent le logement bricolé et décoré (la Bohème de l'impasse du Doyenné) par des artistes devenus célèbres, tracent aussi l'itinéraire obligé du poète : « château de cartes, château de Bohème, château en Espagne », des possibles et des expédients juvéniles (sur lesquels Murger mettra l'accent dans ses Scènes de la vie de bohème) à la folie. La bohème, seconde enfance des jeunes gens actuellement pauvres mais qui seront riches un jour, est mortelle aux amis de rencontre. C'est en ce sens un passage initiatique, avant l'entrée en bourgeoisie, l'« enfance d'un chef ». Rimbaud (Ma bohème), sur les routes, relancera le thème vers l'aventure et la liberté vraie : de la bohème de Montmartre, puis de Montparnasse, à la bohème internationale (New York, Londres), ce bon usage de la marginalité définit une sociologie de l'entreprise esthétique qui fait de l'artiste l'être négatif seul capable d'une vision authentique du réel. Plus qu'une révolte, la bohème est alors un exercice de latence qui permet à l'artiste et à l'œuvre d'acquérir une pertinence face au réel.

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