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déni

Publié le 03/04/2015

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déni n.m. (angl. Disavowal ou Denial ; allem. Verleugnung). Méca¬nisme psychique par lequel le tout petit enfant se protège de la menace de castration; il répudie alors, il désa¬voue, il dénie donc l'absence de pénis chez la fille, la femme, la mère et croit pour un temps à l'existence du phal¬lus maternel.

ÉLABORATION DU CONCEPT

DE DÉNI CHEZ FREUD

C'est peu à peu que ce concept de déni a pris toute sa valeur dans l'oeuvre de S. Freud. Car si l'on peut dire qu'il uti¬lise ce terme en 1927 essentiellement pour désigner le mécanisme en jeu dans les perversions et tout particuliè¬rement dans le « fétichisme «, il n'en reste pas moins vrai que sa recherche commence bien avant. Si le terme de déni apparaît pour la première fois en tant que tel en 1925 dans Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique entre les sexes, il est déjà question de ce mécanisme dans des textes de 1905 et 1908: «L'enfant refuse l'évidence, refuse de reconnaître l'ab¬sence de pénis chez la mère. Dans son investigation concernant la vie sexuel¬le, l'enfant s'est forgé une théorie qui consiste en ce que tout être humain est comme lui-même pourvu d'un pénis ; voyant les parties génitales d'une petite soeur, il dira : "C'est encore petit... quand elle sera grande, il grandira bien."«

 

Plus tard, dans l'Organisation génitale infantile (1923), Freud est encore plus explicite : «Pour l'enfant, un seul orga¬ne génital, l'organe mâle, joue un rôle : c'est le primat du phallus.« Les petits enfants, fille ou garçon, nient ce man¬que chez la mère, la femme ou la fille; ils jettent un voile sur l'évidence de ce qu'ils voient, ou plutôt ne voient pas, et croient malgré tout voir un membre; il y a là une contradiction entre la percep¬tion et l'idée ou la théorie qu'ils se sont forgées. Il faut remarquer que dans ce texte, le terme utilisé est nier; le terme déni (allem. Verleugnung) n'apparaît en tant que tel qu'en 1925 dans l'ouvre freudienne (Quelques conséquences [...D; il concerne le refus d'accepter le fait de la castration et l'entêtement dans l'idée que la femme, la mère en premier lieu, possède un pénis. Freud note alors : «Le déni ne paraît ni rare ni très dangereux pour la vie mentale de l'enfant mais, chez l'adulte, il introduirait une psy¬chose.«

Ainsi, pendant la phase dite «phal-lique «, où pour les deux sexes un seul membre est privilégié, le phallus, et où règne une ignorance par rapport aux organes génitaux féminins, le déni est pour ainsi dire normal, pour le petit garçon comme pour la petite fille et quand il ne se prolonge pas au-delà de cette phase. Freud raconte l'histoire de cet homme qui, d'abord sceptique quant à l'assertion freudienne de ce mécanisme infantile, sceptique ou se croyant une exception à cette loi géné-rale, en vient à se souvenir que, effec-tivement, à l'époque de l'investigation sexuelle et contemplant les organes génitaux d'une petite fille, il a vu claire-ment un pénis «de la même sorte que le mien «, que, plus tard, les statues fémi-nines nues le plongèrent dans l'embar-ras et qu'il inventa alors l'expérience suivante : «En pressant l'une contre l'autre mes cuisses, je réussis à faire disparaître entre elles mes organes génitaux et constatai avec satisfaction 

 

que, de cette manière, rien ne différen-ciait plus mes organes de ceux d'une femme nue. Je me figurais évidemment que les figures féminines nues avaient de la même façon dissimulé leurs organes génitaux.« Ainsi, pour lui aussi, l'horreur de la castration a provo¬qué un déni: il a dénié la réalité mais sauvé son propre pénis. L'on sait que la représentation de la femme au pénis peut réapparaître à nouveau dans les rêves d'adultes.

LE FÉTICHISME

Jusque-là, rien d'anormal. Mais il arrive que l'enfant persiste dans sa croyance au pénis chez la femme; ou, plus exac-tement, il conserve sa croyance dans l'existence du phallus maternel et, en même temps, il l'abandonne ; c'est notamment le cas du fétichiste, qui a vis-à-vis de cette croyance un compor-tement divisé. On peut dire que, bien que le déni n'ait pas directement à voir avec le refoulement, il subit d'une cer-taine façon les effets du désir inconscient. Que va faire cet enfant? Il va choisir une partie du corps, un objet, auquel il attribue le rôle du pénis, dont il ne peut se passer. Il s'agit là d'un compromis; le fétiche est en quelque sorte le témoin que la réalité constatée, bien que déniée, n'en a pas moins joué un rôle; le fétiche apparaît comme un substitut du phallus maternel. Le féti-chiste répond ainsi au conflit par deux réactions opposées, deux opinions contradictoires qui persisteront tout au long de la vie sans s'influencer mutuel-lement.

DÉNI ET CLIVAGE DU MOI

Freud parle dans cet article de 1927 de clivage du moi; il y a là un tournant dans l'élaboration du concept de déni, car, alors qu'au début de sa théorisa-tion Freud utilise le déni pour désigner l'entrée dans la psychose, désormais, et de façon encore plus nette en 1938,

 

(le Clivage du moi dans le processus de défense), le déni est posé comme en¬trant dans la structure même du psy¬chisme dans de nombreux cas, où il apparaît alors comme une demi-mesure, une tentative imparfaite pour détacher le moi de la réalité ; deux atti¬tudes opposées, indépendantes l'une de l'autre, s'instaurent, ce qui aboutit à un clivage du moi.

Freud donne l'exemple de deux jeu¬nes gens dont l'analyse révèle une méconnaissance à l'endroit de la mort de leur père aimé, tout comme pour le fétichiste à l'endroit de la castration de la femme. Aucun des deux jeunes hommes en question ne développa une psychose. Il y avait chez eux deux cou¬rants psychiques contradictoires qui coexistaient: l'un fondé sur la réalité (la mort du père), l'autre sur le désir; l'un tenait compte de la mort du père, l'autre ne la reconnaissait pas. Il faut cependant marquer la différence entre ce processus et ce qui se passe dans les névroses, où également deux attitudes psychiques différentes, opposées, peu¬vent coexister indépendamment l'une de l'autre : dans ce cas, l'une des atti-tudes est le fait du moi tandis que l'autre, opposée, celle qui est refoulée, émane du ça. La différence entre névroses et perversions semble être de nature topographique et structurale. Il est intéressant de noter que J. Lacan reprendra les notions de topographie et de structure dans l'élaboration de ses catégories du réel, imaginaire et sym¬bolique. (— topographie.)

Si, dans le cas des névroses, le pro¬cessus à l'ceuvre est le refoulement, dans le fétichisme et les cas sem¬blables, il s'agit du déni, où l'on a affaire à ce paradoxe psychique qui est que certains sujets savent quelque chose et à la fois ne savent pas, ou ne veulent rien en savoir.

LA TERMINOLOGIE LACANIENNE

Lacan, quant à lui, a privilégié le terme de Verwerfung qu'il traduit par «forclu¬ 

 

sion«, pour rendre compte du proces¬sus en jeu dans les psychoses, et cela malgré l'avis de certains qui lui conseil¬laient de se servir du terme de Ver-leugnung («déni«), terme qu'il préfère traduire par « démenti «; ce terme, il l'avait mis en réserve pour un déve-loppement ultérieur, en rapport avec l'analyste : «J'avais réservé pendant des années, mis à l'écart le terme de Ver-leugnung, qu'assurément Freud a fait surgir à propos de tel moment exem¬plaire de la Spahung ("division du sujet"); je voulais le réserver, le faire vivre là où assurément il est poussé à son point le plus haut de pathétique, au niveau de l'analyste lui-même.« (Con¬férence de juin 1968.) Il y a peut-être en effet quelque chose, dans la position du psychanalyste, qui peut faire penser au clivage que comporte le déni: l'ana¬lyste accepte de faire fonction de sujet-supposé-savoir, alors qu'il sait que tout le processus de la cure tendra à le délo¬ger de cette place.

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