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fort-da

Publié le 04/04/2015

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fort-da. Couple symbolique d'excla­mations élémentaires, repéré par S. Freud dans le jeu d'un enfant de dix-huit mois et qui est repris depuis lors pour éclairer non seulement l'au-delà du principe de plaisir mais aussi l'accès au langage avec la dimension de perte que celui-ci connote.

Les psychanalystes ont appelé «fon­da « un moment constitutif de l'histoire du sujet en substantivant des manifes­tations langagières centrales dans une observation de Freud (Au-delà du prin­cipe de plaisir, 1920).

L'observation freudienne elle-même est succincte : un enfant de dix-huit mois, l'un de ses petits-fils, d'un excellent caractère, avait l'habitude d'envoyer loin de lui les petits objets qui lui tombaient sous la main en pro­nonçant le son prolongé o-o-o-o, qui constituait une ébauche du mot fort («loin« en allemand). De plus, Freud observe un jour chez le même enfant un jeu apparemment plus complet. Tenant en main un fil attaché à une bobine, l'enfant envoie celle-ci dans

son berceau en prononçant le même son o-o-o-o, puis la ramène habile­ment à lui en s'exclamant: «Da!« (« là« en allemand). Freud renvoie assez faci­lement de ce jeu à la situation où se trouvait l'enfant à cette époque. Sa mère s'absentant pour de longues heures, il ne s'en plaignait jamais mais en souffrait très vraisemblablement beaucoup, d'autant qu'il était très atta­ché à cette mère qui l'avait élevé seule. Le jeu reproduisait la disparition et la réapparition de la mère.

Plus intéressantes sont les questions et les hypothèses qui suivent ce pre­mier niveau d'élaboration. Freud fait une place importante à l'idée que l'en­fant, qui se trouve devant l'événement dans une attitude passive, assume dans son jeu un rôle actif. Il s'en rend maître. Mieux, il se venge par là de sa mère. C'est comme s'il lui disait «oui, oui, va-t-en, je n'ai pas besoin de toi, je te renvoie moi-même «.

Le point essentiel est cependant ail­leurs. Ce jeu d'occultation s'accorde-t-il avec la thèse selon laquelle «la théo­rie psychanalytique admet sans réserve que l'évolution des processus psychiques est régie par le principe de plaisir «, autrement dit que toute acti­vité psychique tend à la substitution d'un état agréable à un état pénible ? Ce n'est pas le cas ici. Même si l'enfant tire une joie du retour de la bobine, l'exis­tence d'une autre forme de jeu où les objets ne sont pas ramenés à soi prouve que l'accent doit être mis sur la répéti­tion d'une séparation, d'une perte. C'est pourquoi le jeu de l'enfant est une des introductions à la théorie de la pul­sion de mort.

C'est également de la perte que part Lacan (Séminaire I, 1953-54 «les Écrits techniques de Freud « ; 1975), mais cette perte est plus structuralement perte du rapport direct à la chose, contemporaine de l'accès au langage (« le mot est le meurtre de la chose «). A partir du moment où il parle (et l'enfant

de dix-huit mois dispose de l'essentiel, d'un couple de phonèmes venant en opposition), le sujet renonce à la chose, notamment mais pas exclusivement à la mère comme premier objet de désir. Sa satisfaction passe par le langage et on peut dire que son désir s'élève à une puissance seconde, puisque désormais c'est son action elle-même (faire appa­raître et disparaître) qui en constitue l'objet. C'est là la racine du symbo­lique, où «l'absence est évoquée dans la présence et la présence dans l'absence «.

 

Dans la présentation lacanienne du fort-da, une place particulière doit être faite, par ailleurs, à la bobine. «Cette bobine [...], c'est un petit quelque chose du sujet qui se détache tout en étant encore bien à lui, encore retenu [...]. A cet objet nous donnerons ulté­rieurement le nom d'algèbre laca­nienne — le petit « a « (le Séminaire XI, 1963-64 «les Quatre Concepts fonda­mentaux de la psychanalyse«; 1973) (—) jouissance, objet a).

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