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FRÉNÉTIQUE

Publié le 17/01/2019

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FRÉNÉTIQUE. Le courant « frénétique » en littérature correspond à l'expression de toutes les puissances de l'homme, librement exaltées hors du contrôle de la raison et des lois morales ou sociales. Il se caractérise par l'exaspération de la sensibilité ou de la sensualité, le développement des passions et de l'imagination. Représentée au xviie s. par quelques œuvres libertines, la « frénésie » devient, dans la littérature « sensible » du xviiie s. (chez Diderot, Rousseau, l'abbé Prévost, Sade), un principe de vie de l’art. Le romantisme y ajoute le fantastique du « roman noir » anglais ou des conteurs allemands, les violences du mélodrame, les imprécations byroniennes. Ainsi apparaît vers 1820 l'école frénétique de Charles Nodier, qui ralliera Jeunes-France et Bousingots et qu'illustrent quelques-unes des premières œuvres de Hugo [Han d'Islande, 1825), mais surtout les « petits romantiques » (ou « romantiques mineurs ») : Petrus Borel, O'Neddy, Philarète Chasles. C'est ce goût que raille Théophile Gautier dans Albertus (1832) et dans les Jeunes-France (1833). Alors que, chez Baudelaire, l'inspiration frénétique est atténuée par l'idéal du beau, elle atteint son apogée avec Lautréamont (les Chants de Maldoror, 1869). Sous le signe des métamorphoses de Satan et des beautés ambiguës de la femme, le frénétique joue des références les plus conventionnelles et les inscrits dans des situations paradoxales ou extrêmes, où il faut voir à la fois l'expression presque moderne du désir, et l'effort pour prêter un effet paroxystique à l'intention esthétique. Il y a, dans cette démarche, l'évidence d'un déséquilibre du moi — qui passe tous les mots et tous les rôles qui lui sont offerts et qui peut seulement les reprendre sous le signe de la perversion — et la certitude de la disponibilité des conduites et des discours sociaux, moyens d'exposer tous les excès. La littérature frénétique définit un imaginaire encore présent dans le décadentisme. Elle marque l'ambivalence de tous les esthétismes, qui font de l'art le moyen d'éduquer la sensibilité, et qui, par là, légitiment ses artifices et ses outrances, dans l'alliance constante du plaisir et de la douleur, du bien et de la faute, du beau et du laid. La littérature frénétique réagit contre tout affadissement du projet esthétique ; elle choisit de jouer sur les nerfs, et de suggérer une mécanique première de la sensation et de l'imagination où les contraires cohabitent et s'appellent mutuellement.

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