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LACLOS (Pierre Ambroise François Choderlos de)

Publié le 22/01/2019

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LACLOS (Pierre Ambroise François Choderlos de), écrivain français (Amiens 1741-Tarente 1803). Laclos est l'homme d'un seul livre. Rien ne semblait destiner à la littérature ce fils d'un fonctionnaire de l'intendance de Picardie et d'Artois anobli. Après des études à l'école d'artillerie de La Fère, puis au Corps royal d'artillerie, il fut nommé sous-lieutenant (1761), séjourna dans diverses garnisons (La Rochelle, Strasbourg, Grenoble, Besançon) et gravit les échelons de la hiérarchie, tout en publiant dans des revues de petites pièces galantes et des contes érotiques (le Bon Choix) et tirant d'une nouvelle de Mme Riccoboni, Emes-tine, un opéra-comique qui ne fut joué qu'une seule fois (1777). C'est alors qu'il était chargé de la fortification de l'île d'Aix qu'il commença à rédiger les Liaisons dangereuses, qu'il acheva durant un congé à Paris : le livre parut au printemps de 1782. Le succès engagea l'éditeur à publier aussitôt une seconde édition. À cette époque, Laclos entreprit, pour répondre à un concours de l'académie de Châlons-sur-Marne sur l'éducation des femmes, un essai théorique où il affirme sa dette à l'égard de Rousseau et où il développe des vues féministes sur l'égalité des sexes : ces pages inachevées peuvent éclairer le roman. Cependant, sa Lettre à Messieurs de 1'Académie française sur l'éloge de Vauban, qui attaquait la mémoire de Vauban et mettait en cause ses méthodes de fortification, lui valut une sanction administrative : après diverses tentatives pour obtenir la protection d'un grand, il se fit mettre en congé de l'armée et devint secrétaire des commandements du duc d'Orléans, pour qui il rédigea les Instructions envoyées par M*T le duc d'Orléans aux personnes chargées de sa procuration aux assemblées des bailla-ges relatives aux États généraux. Lorsque éclata la Révolution, il fréquenta plusieurs clubs et se trouva au centre des entreprises du duc d'Orléans, qu'il accompagna à Londres (Exposé de la conduite de M. le duc d'Orléans, 1790). Journaliste, membre du club des Jacobins, il reprit en 1792 des fonctions militaires (il participa à la préparation de Valmy et expérimenta le « boulet creux »), puis fut incarcéré en 1793. Thermidor le libéra. Après avoir tenté d'entrer dans la diplomatie et de fonder une banque, il fut nommé par Bonaparte général de brigade (1800). Il publia cependant un compte rendu du voyage de La Pérouse et rédigea des Observations sur le Fils naturel, où il envisage un pendant vertueux aux Liaisons dangereuses. Il rencontra peut-être Stendhal à Milan en 1801 et mourut d'épidémie à Tarente.

Le succès de scandale qu'eurent dès leur parution les Liaisons dangereuses a conduit à regarder le roman comme un chef-d'œuvre de libertinage et d'immoralisme, et à imaginer l'auteur à l'instar de son personnage principal, le séducteur Valmont : les lecteurs de 1782 cherchèrent les « clefs » du roman et des recherches érudites ont été entreprises pour retrouver dans les garnisons fréquentées par Laclos les intrigues qui lui auraient servi de modèle. Le caractère unique d'un livre dont la réussite n'a rien de commun avec les autres textes en vers ou en prose sortis de la plume de son auteur rend son interprétation difficile. Mais rien n'autorise à imaginer une part directement autobiographique dans un roman où le poids de la tradition romanesque est grand. Laclos s'inscrit dans le sillage de Crébillon, de Richardson et surtout de l'auteur de la Nouvelle Héloïse. Tout semble corroborer l'hypothèse d’une intention rousseauiste qui aurait présidé à la composition de l'œuvre : la volonté de dénoncer le libertinage mondain et aristocratique va de pair avec un sens du scandale et une recherche de l'effet. Laclos reprend à la littérature de son temps des personnages et des situations connus : Valmont est un séducteur à la manière de Lovelace, Mme de Merteuil une femme de tête sans préjugés, Cécile une jeune fille naïve qui sort de son couvent, Danceny son équivalent masculin, la présidente de Tour-vel une épouse religieuse et vertueuse, capable d'héroïsme amoureux. Le mérite des Liaisons dangereuses est d'utiliser le genre épistolaire dans toutes ses ressources et d'avoir imaginé une double et paradoxale revanche de l'amour sur les principes libertins et religieux. Le roman reste en équilibre entre les deux figures féminines de Merteuil et de Tourvel, entre le machiavélisme féministe de l'une et le dévouement amoureux de la seconde. L'ironie du texte l'empêche de s'achever sur un dénouement univoque, et l'ironie constante qui plane sur l'intrigue explique la puissance du mythe qu'il a suscité. Auteur satanique, préfiguration de Sade ou auteur moralisant? N'était-ce pas, pour Laclos, une gageure que de prétendre condamner le libertinage en l'incarnant dans de fascinantes figures ?

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