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Le « seigneur » des moissons

Publié le 22/02/2012

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À l'époque des moissons, chaque équipe de moissonneurs élit l'un des siens pour faire office de contremaître. Surnommé « lord », ou « seigneur », ce responsable traite avec le fermier et s'assure que tout se déroule normalement. Chaque moissonneur doit tenir sa place dans le rang, et celui qui tire au flanc ou bâcle son travail reçoit une amende du « seigneur ». Une fois fauché, le blé est battu par des hommes et des femmes armés de fléaux. Une batteuse mécanique mue à la main est cependant inventée dans les années 1780, dont l'usage se répand très vite dans le Suffolk. Ce sont des paysages traditionnels que Constable a peints, en se basant sur ses observations faites entre 1802 et 1814 ainsi que sur ses souvenirs d'enfance. Ils sont le témoignage d'une époque où grandes et petites exploitations coexistaient sans difficultés et honoraient leurs obligations envers les ouvriers agricoles. Dans certaines fermes, les ouvriers les plus pauvres reçoivent le gîte et le couvert mais, presque partout, ils sont tous nourris le midi et se voient accorder de généreuses quantités de bière pendant qu'ils travaillent aux champs. Lorsque la dernière charrette de blé, décorée de feuillages et de fleurs, rentre à la ferme, tous s'assoient autour d'un « dîner des moissons ». Employeurs et employés dansent, chantent et boivent ensemble. Cet « âge d'or » est de courte durée. Pendant les guerres napoléoniennes le blocus des ports empêche le blé de parvenir du continent en Angleterre et les paysans anglais ne parviennent pas à satisfaire la demande. Entre 1792 et 1812 le prix du blé est multiplié par quatre et, dans tout le pays, les fermiers se mettent à exploiter des surfaces toujours plus grandes. Les champs communaux autour d'East Bergholt ont depuis longtemps été récupérés par des propriétaires privés, mais les paysans les plus riches peuvent encore se permettre d'étendre leurs domaines. Comme Constable le rapporte lui-même dans ses lettres, ils parviennent aussi à s'emparer des terres des paysans les plus pauvres et se partagent les terres communales, ce qui porte un coup terrible aux ouvriers agricoles, qui ont déjà des difficultés à faire face à l'augmentation du prix du pain. De tous temps les paysans les plus pauvres ont fait paître leurs bêtes sur les terres communales, et le partage de ces terres entre les plus gros propriétaires les réduit à la misère. Leur situation ne s'améliore pas à la fin de la guerre, en 1815, car la privatisation des terres est déclarée définitive. Les années suivantes voient de fréquentes émeutes des ouvriers agricoles qui mettent le feu aux meules de foin, de sorte que le monde de Constable s'envole littéralement en fumée.

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