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mathème

Publié le 07/04/2015

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mathème n.m. Selon J. Lacan, ensemble d'écritures d'aspect algé¬brique rendant compte de concepts clefs de la théorie psychanalytique.

Le mathème n'est pas une simple abréviation, ou une inscription sténo-graphique, mais il a l'ambition de dénoter une structure réellement en cause dans le discours psychanalytique et à partir de là dans les autres discours. Par l'écriture, le mathème ressemble aux formules algébriques et formelles existant en mathématiques, en logique et dans les sciences mathématisées et pour Lacan il s'agissait là du pont ratta¬chant la psychanalyse à la science. Une des fonctions du mathème est de per¬mettre une transmission du savoir psy-chanalytique, transmission portant sur la structure en dehors des variations propres à l'imaginaire et échappant à la nécessité du support de la parole de l'auteur.

Des constructions formelles datant des premiers séminaires de Lacan peuvent rétrospectivement être quali¬fiées de mathèmes.

LA FORMULE DU SIGNIFIANT

Le premier mathème lacanien est en fait emprunté après une légère trans-formation à la linguistique : il s'agit de l'algorithme S/s dû à F. de Saussure, qui dispose signifiant et signifié de part et d'autre d'une barre.

Cet instrument permet à Lacan de démontrer que les lois de l'inconscient découvertes par S. Freud sont les lois du langage, en particulier la métaphore et la métonymie. Il y a dès les premiers 

 

séminaires de Lacan les principaux élé-ments de son algèbre, en particulier: le terme de grand Autre, qui s'écrit A, incarné en premier lieu par la mère, mais qui constitue surtout le lieu où les signifiants sont déjà là, avant tout sujet; le sujet lui-même, que Lacan écrira plus tard $ pour en souligner la division; l'instance imaginaire du moi idéal, qui se notera i(a); le phallus imaginaire (—q)), et le phallus symbolique (I).

LE SCHÉMA L

À l'occasion du Séminaire sur «la Lettre volée (1955), Lacan a présenté une suite symbolique formelle minimale qui se construit à partir de quatre lettres : ct,13, y, b, dont l'enchaînement dépend d'une loi très simple qui repose sur l'exclusion d'un certain nombre d'as¬semblages. Une mémoire symbolique apparaît alors dans la suite des lettres. Cette chaîne élémentaire illustre cette détermination symbolique que Freud découvre dans l'automatisme de répé¬tition où l'enchaînement des signi¬fiants répète le ratage de la saisie d'un objet perdu. Le parcours subjectif, que décrit cette suite, contourne un refoulé primordial constitué justement par les assemblages exclus, impossibles, qui fondent la loi. Nous touchons du doigt avec cette suite formelle comment l'in-conscient relève du logique pur, ce qui justifie la démarche de Lacan dans son écriture des mathèmes.

Le discours de l'Autre constitue ainsi l'inconscient, c'est-à-dire que dans ce discours le sujet reçoit son propre mes-sage sous une forme inversée. Par exemple, dans une formation de l'in-conscient comme un lapsus, le sujet reçoit de l'Autre son propre message qui a été refoulé, comme justement un refoulement qui fait retour. Ce que le sujet n'a pas accepté dans son propre discours a été déposé dans l'Autre et fait ainsi retour à son insu. Mais plus généralement toute parole prend fon-damentalement son origine dans l'Autre.

 

Le schéma L dispose le circuit de la parole selon un certain ordre à partir du grand Autre; le sujet S n'est pas à l'ori-gine mais sur le parcours de cette chaîne signifiante qui traverse un axe symbolique A S et un axe imaginaire dont Lacan a parlé dans le Stade du miroir, entre le moi et l'image de l'autre, le semblable. Ainsi, l'inconscient comme discours de l'Autre traverse le filtre imaginaire aa' avant de parvenir au sujet. (Figure 1.)

(Es) S 0. utre

 

Figure 1. Le schéma L.

Le schéma L dispose les quatre places dans le circuit de la chaîne signifiante. L'inconscient se définit comme «discours de l'Autre, sur l'axe symbolique AS, le S du sujet est homophone au Es freudien, que l'on traduit par le Ça. L'axe imaginaire aa' inscrit la relation en miroir entre le moi et le petit autre, le semblable. Symboles: S: sujet; a: le moi; a': le petit autre en position d'objet; A: le grande Autre, lieu des signifiants. (Lacan, Écrits, Éd. du Seuil.)

LE GRAPHE

Le graphe construit au cours du Sémi-naire sur les formations de l'inconscient

(1957) et reproduit dans le texte des Écrits «Subversion du sujet et dialec-tique du désir dans l'inconscient freu-dien« reprend en l'enrichissant cette topologie de la chaîne signifiante en articulant l'identification symbolique et l'identification imaginaire. De $ à 

 

I(A), nous trouvons le trajet de cette identification symbolique du sujet $ à l'idéal du moi I(A). En A, le grand Autre est le «trésor des signifiants« et en s(A) se situe la ponctuation de la chaîne signifiante. Ce circuit se  double d'un court-circuit imaginaire i(a)m) articulé sur $1(A) et sur s(A, où se fixe l'image du moi idéal i(a) et où se détermine en miroir le moi dans sa fonction de riva-lité, de maîtrise, de prestance. (Figu¬re 2.)

 

Figure 2. Le graphe du désir. Legraphe est construità partir de la chaîne signifiante s(A)A qui porte la voix dans sa pointe terminale. $ 1(A) inscrit le trajet de l'identification symbolique. L'étage supérieur du graphe est constitué par la chaîne signifiante dans l'inconscient. Les termes jouissance et castration viennent ici rappeler que, pour le sujet parlant, la Loi se fonde sur l'interdiction de la jouissance (j Lacan, Écrits 1966).

Symboles: $: le sujet divisé, 1(A): l'idéal du moi; m: le moi; i(a): le moi idéal; s(A): la ponctuation de la chaîne signifiante; A: le grand Autre, lieu des signifiants; <>: poinçon symboli¬sant la coupure (ou quad); ($0a): formule du fantasme; d: désir; ($0D): formule de la pul¬sion; S(E): signifiant du manque de l'Autre (le grand Autre n'a pas lui-même de grand Autre). [Lacan, Écrits, Ed. du Seuil.]

 

Articulant vers l'Autre sa demande, l'enfant rencontre chez cet Autre maternel un désir, il va comme sujet dans un premier temps s'identifier à l'objet de ce désir. Dans la réponse de l'Autre, dans son message qui fait retour sur le sujet, c'est ce désir qui lui est signifié. C'est à ce désir de l'Autre que le sujet va donc identifier son désir. Mais se faire objet de l'Autre, c'est aussi y être englouti dans une jouis-sance mortelle, d'où l'inévitable signal de l'angoisse lorsque l'objet se dévoile dans sa crudité. Le sujet ne peut sortir de cette première impasse dangereuse que parce que l'Autre est lui aussi pris dans la loi du signifiant, c'est la fonc-tion du Nom-du-Père et du phallus symbolique qui, pour reprendre une image de Lacan, comme un bâton maintient les mâchoires du crocodile maternel grandes ouvertes. Le père vient étayer la fonction symbolique de l'idéal du moi I(A) [qui s'oppose au moi idéal].

L'étage supérieur du graphe est constitué par la chaîne signifiante dans l'inconscient. Ici, le trésor des signi-fiants est constitué par une batterie pré¬levée dans le corps, précisément en des lieux marqués d'une coupure : il s'agit des pulsions ($ D). Cette chaîne se trouve ponctuée dans son énonciation inconsciente par S(4), le signifiant du manque de l'Autre de l'Autre. C'est l'absence de ce signifiant s(e que le signifiant phallique il) va être appelé à symboliser dans le processus de la cas¬tration.

Le désir d qui semble se régler sur le fantasme ($ <> a) constitue une ligne imaginaire du graphe homologue à la ligne i(a)m>, en court-circuit sur la chaîne signifiante. Ces mathèmes méritent un commentaire : le signifiant de la demande D adressée à l'Autre rate la saisie de l'objet pour des raisons qui tiennent au rapport entre le symbo-lique et le réel. Ce ratage induit la répé-tition de la demande, et le désir n'est 

 

rien d'autre que le glissement métony-mique d'un signifiant de la demande à un autre signifiant. Le sujet se trouve véritablement engendré, produit par le passage d'un signifiant à l'autre, il n'est pas comme nous le voyons supposable avant la première demande. Comme les signifiants viennent de l'Autre, la demande nécessite en sens inverse une demande de l'Autre à l'adresse du sujet.

Et la répétition de la demande creuse dans l'Autre un trou d'où s'originent également une demande et un désir énigmatique adressés au sujet. Le concept de pulsion rend compte de ce dispositif qui évoque facilement la gueule dévoreuse de l'ogresse ou de la sphinge. Cela nous indique la raison pour laquelle, dans le mathème de la pulsion ($ <> D), le sujet est articulé à la demande D par la coupure Q.

Dans le mathème du fantasme ($ Q a), le sujet $ est articulé à l'objet a (lire «objet petit a «) par cette coupure O. Cette formule peut se lire de la façon suivante : un sujet est l'effet d'une cou-pure dans l'Autre qui a produit la chute de l'objet a. C'est-à-dire que la répéti-tion du signifiant de la demande qui creuse dans l'Autre ce trou fait le tour de cet objet a.

Et celui-ci constitue ce reste ou ce produit primordialement perdu, véri¬table cause du désir. Lacan dresse la liste de ces objets a: le sein, les excré¬ments, le pénis mais aussi le regard, la voix, le rien. Tout ce qui peut imagi-nairement se découper sur le corps est susceptible de le devenir.

Le fantasme fondamental se cons-truit dans la toute première enfance, donc en fonction de ces grands Autres réels que sont les parents. Ce fantasme fondamental scelle le destin clinique du sujet. Le mathème S(*) a la parti-cularité d'être un signifiant qui n'existe pas et qui manque à l'ensemble des signifiants.

En effet, si chaque signifiant repré-sente le sujet pour un autre signifiant, y

 

a-t-il dans l'inconscient un signifiant ultime auquel se rapporteraient tous les autres signifiants, un signifiant qui serait ainsi l'Autre du grand Autre? Un tel signifiant manque, c'est précisé¬ment le trou évoqué plus haut, et le signifiant phallique (1) vient borner ce trou, il lui sert de frontière.

LES QUATRE DISCOURS

Les quatre discours, mis en place par Lacan dans son séminaire l'Envers de la psychanalyse, proposent sous une forme extrêmement réduite et ramas¬sée un système de relations entre des manifestations fort complexes et mas¬sives. Il s'agit en effet d'inscrire sous une forme algébrique la structure des discours dénommés par Lacan: dis¬cours du maître, discours de l'univer¬sité, discours hystérique, discours psychanalytique.

Ces différents discours s'enchaînent et se soutiennent les uns les autres dans une logique entièrement déterminée par le jeu de la lettre, et un intérêt non négligeable de ces formules est de dépasser l'opposition erronée entre une psychanalyse du sujet individuel et une psychanalyse du collectif. C'est en effet le signifiant qui détermine la filière du sujet ou des sujets pris dans ces discours.

La définition du signifiant comme représentant un sujet pour un autre signifiant sert de matrice à l'établisse-ment des quatre discours. Cette matri-ce ordonne les quatre termes dans un ordre circulaire strict: S„ S„ a, $, où aucune commutation n'est permise, c'est-à-dire aucun échange entre deux termes à l'intérieur du cercle. Les quatre termes sont : S„ le signifiant maître; S„ le savoir; $, le sujet; a, le plus-de-jouir. Les quatre discours sont simplement obtenus par une opération bien connue en mathématique et en théorie des groupes sous le nom de permutation circulaire, en ce sens que les quatre termes vont chacun à leur tour 

 

occuper quatre places définies elles-mêmes par la matrice du discours du maître:

Chaque discours se transforme par un quart de tour en un autre discours. Plus précisément, ces quatre places sont les sommets d'un tétraèdreo-rienté : il s'agit d'une figure géomé¬trique à quatre faces et à six arêtes. Si les arêtes sont orientées, il n'existe qu'une seule possibilité d'orienter ces arêtes de façon à pouvoir circuler sur tout le tétraèdre; ici, Lacan barre une des arêtes entre les deux sommets du bas, ce qui bloque la circulation, c'est ce qu'il nomme l'impuissance propre à chaque discours. (Figure 3, p. 156).

LES MATHEMES DE LA SEXUATION

Les formules de la sexuation du sémi-naire Encore (1972) proposent une logique rendant compte des bizarreries de l'identification sexuelle chez l'être parlant. (Figure 4.)

Ce tableau (p 156) présente la situa-tion masculine à gauche et féminine à droite, ou plutôt il montre comment le sujet a à se déterminer par rapport au phallus et à la castration, les effets de son sexe anatomique devenant contin-gents par rapport à cette structure sym-bolique. Ces formules utilisent les signes mathématiques V et a, c'est-à-dire des quantificateurs, et le terme

À gauche, du côté imaginairement homme donc, la castration agit comme loi universelle Vx (1:ix, tout sujet x est soumis à la castration. Cela signifie que l'accès au phallus symbolique ci) néces¬site l'opération de la castration. Seul échappe à cette castration le père, qui a justement pour fonction de l'appliquer dx (1)x, il en existe au moins un qui n'est pas castré.

 

 

On voit ici comment l'exception paternelle confirme la règle universelle (ce qui n'est pas le cas en logique mathématique, bien entendu).

De ce côté, nous trouvons le phallus symbolique (D et le sujet $ qui s'en autorise. Mais ce sujet trouve l'objet a qui détermine son désir de l'autre côté, du côté féminin. À droite, donc du côté femme, la castration est abordée de façon singulière puisqu'elle aurait été subie d'emblée comme une privation par la petite fille, privation attribuée à une mère phallique avant d'être trans-férée sur le père. Une femme se situe donc en dehors de la loi universelle phallique V.7 .13x, pour pas-toutes x, de x. Il n'y a pas d'universel de ce côté, c'est pourquoi «La femme n'existe pas« et la est le mathème du manque de ce signifiant. Du côté femme, c'est-à-dire du côté Autre, la jouissance peut concerner le phallus qui se trouve à

 

 

Figure 4. Formule de la sexuation. Symboles: $: le sujet divisé; S(4: le signifiant du manque de l'Autre; a: l'objet cause du désir; 4): le phallus symbolique. la: 'La femme n'existe pas«, d'après Lacan, c'est-à-dire que les femmes ne constituent pas un ensemble pouvant être pris comme un tout, d'où la barre sur l'article défini la, d'autre part une femme n'est pas toute dans la jouissance phallique, elle a accès à la jouis 

sance Autre Lacan, le Séminaire, XX,

1972-73, «Encore«; 1975).

 

gauche, côté homme, mais il existe aussi une autre jouissance qui intéresse le trou dans l'Autre S(4), c'est la jouis-sance proprement féminine.

Du côté Autre, la castration ne déter-mine pas de loi universelle, une femme n'est pas tout entière impliquée dans la jouissance phallique, mais cette néga-tion de l'universel n'implique par l'existence d'une exception à la castra-tion.

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