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orale (littérature).

Publié le 16/11/2013

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orale (littérature). expression utilisée pour désigner des pratiques orales considérées comme faisant partie du domaine littéraire. Elle semble bien être une splendide contradiction dans les termes : en effet, la littérature ne relève en principe que de l'écrit (la « lettre ») et s'oppose donc à l'oralité. Quand on commença à employer l'expression « littérature orale », à la fin du XIXe siècle, on n'en perçut pourtant pas le paradoxe. C'est que, d'une part, la littérature avait effacé son origine purement écrite pour en venir à désigner une production dont la valeur était esthétique et relevait généralement de la fiction ; d'autre part, de nouvelles disciplines, telles que l'anthropologie et l'étude du folklore, avaient trouvé dans l'expression à la fois le moyen de désigner un « objet » problématique (les différentes pratiques culturelles que sont le mythe, le conte, le chant, le proverbe, etc.) et de le valoriser suffisamment pour légitimer leur propre désir de l'étudier. Le paradoxe est passé d'autant plus facilement inaperçu qu'il s'est trouvé intimement lié à la notion de « culture populaire », facilitant ainsi la mise en place d'une série d'oppositions (que l'on a cru longtemps impeccablement symétriques) : écrit/oral, culture de l'élite lettrée/culture populaire, oppositions qui impliquent une hiérarchie où la littérature orale subit la dévalorisation usuelle réservée à tout ce qui relève du « peuple ». Tantôt haussée au niveau de la grande littérature, tantôt reléguée dans les bas-fonds de la trivialité, la littérature orale n'est alors pensée qu'en fonction de critères extérieurs à elle. La spécificité des pratiques orales. À partir des années trente, des novateurs comme Milman Parry ou Marcel Jousse commencèrent à étudier le fonctionnement spécifique des pratiques orales : primauté du rythme, du souffle, du retour des formules, du corps en général (geste, posture, mimique). Cela permit, dans les années soixante, de souligner les différences opérationnelles entre écrit et oral, et surtout l'impossibilité de penser celui-ci à partir de celui-là (McLuhan). Dès lors se trouvait aussi remis en cause le concept de « culture populaire » : l'opposition ne passait plus par une différence de degré (la culture lettrée apparaissant comme supérieure à la culture populaire), mais par une différence de nature (la culture lettrée fonctionne sur des registres essentiellement différents de ceux de la tradition populaire). L'oralité impose une certaine conception du temps, un autre recours à la mémoire, un investissement plus marqué du corps, une autre hiérarchie des perceptions (l'ouïe y jouant un rôle plus central que la vue), une importance plus évidente de la musique. Nous connaissons aujourd'hui, grâce au développement des médias (télévision, radio, disque, cinéma), une diffusion remarquable de l'oralité. Mais il faut bien différencier le statut de l'oral dans des sociétés qui ignorent tout de l'écrit (sociétés que nous avons longtemps prétendues « sauvages », désormais de plus en plus rares), dans des sociétés où coexistent privilège de l'écrit pour certains et oralité pour la majorité (comme au Moyen Âge en Occident ou en Chine, ou comme dans la plupart des pays du tiers-monde aujourd'hui), et dans celles, enfin, où l'écrit domine l'ensemble des pratiques (les sociétés occidentales contemporaines ou le Japon, par exemple). Pour des sociétés encore marquées par l'oral, la possession par un individu de la littérature orale du groupe lui confère à la fois un caractère sacré et un pouvoir dangereux ; c'est ainsi que les griots d'Afrique noire sont autant des « poètes » qui vont de village en village chanter la mémoire commune que des sorciers que l'on fréquente le moins possible. Celui par qui la parole arrive semble toujours investi d'une parcelle du pouvoir immense qu'il véhicule. Au contraire, dans des sociétés dominées par l'écriture, la parole ne paraît plus chargée des mêmes pouvoirs, donc des mêmes procédures de légitimation. Complétez votre recherche en consultant : Les livres orale (littérature), page 3597, volume 7 Complétez votre recherche en consultant : Les corrélats conte culture [1] épopée folklore griot littérature mythe patois poésie - Poésie et prose

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